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Mes formidables aventures culinaires – Chroniques de l’Intranquillité

C’est dimanche et après le marché, l’apéro et la sieste digestive, Ophélie vous propose une chronique traitant de ses aventures en cuisine, de l’époque lointaine des Happy Meal aux rites initiatiques des plats en sauce.

Comme beaucoup d’enfants j’ai été élevée aux Happy Meal et si je dois mon mètre quatre-vingt à mon alimentation ce n’est pas l’excès de soupes qui m’a fait grandir mais davantage le fromage râpé au-dessus de mes plâtrées de tortellini au pesto.

Si je comptais le nombre de carottes que j’ai ingérées dans ma vie (et je pense qu’avec dix doigts et dix orteils on peut aisément en faire la somme), des chercheurs américains pourraient en conclure sérieusement que mon caractère exécrable et ma misanthropie à deux temps proviennent de cette déficience d’amabilité comestible.

Jusqu’à mes douze ans toutes les viandes étaient pareilles à du poulet ou à un steak haché, je suppose qu’il sommeillait dans ma tête une classification animale très complexe, faite d’hybrides aux physiques égyptiens. J’ai ainsi inventé le poulet-vache, le poulet-porc, le dinde-veau, le steak-thon et tant d’autres espèces fascinantes.

J’ai évidemment eu horreur des légumes et ayant choisi de détester à peu près la totalité des aliments non-transformés, le temps des repas – moment privilégié et fédérateur dans la vie de famille selon les experts Carrefour – était un enfer de vingt-cinq minutes.

Mais je vous adresse un message d’espoir que vous dégusterez après un délicieux poulet rôti du marché en ce dimanche printanier, car oui : j’ai changé.

Je ne fréquente les fast-foods que deux ou trois fois par an (peut-être parce qu’il n’y a pas de jouets à collectionner dans les menus Best Of), j’envisage de faire pousser des herbes aromatiques sur mon balcon, j’achète des paniers de légumes bio qui me forcent à cuisiner des aliments aussi insipides que les NAVETS et je regarde Top Chef.

Moi aussi j’ai « revisité le tiramisu », « modernisé la blanquette », « woké des légumes » et fait des plats comestibles en verrines. J’étais fière comme un bar-tabac devant mon premier saumon en papillotes et ce sont ces sentiments délirants de satisfaction et de satiété qui m’ont lancés dans le monde merveilleux de la cuisine.

L’épopée du goût

Je vous assure que les débuts sont plutôt épiques lorsqu’on ne sait pas quel goût ont réellement les courgettes, ni si le légume qu’on a en horreur est vraiment infâme ou si c’est une exagération de notre imagination fertile. J’ai si souvent affirmé que je détestais quelque chose sans y avoir goûté qu’au final je ne savais pas quelles saveurs avaient mes préférences.

Heureusement, la curiosité et Cyril Lignac ont sauvé mon âme d’une anémie destructrice.

Je me souviens d’une époque pas si lointaine où les deux émissions culinaires phares des chaînes de télévisions étaient La cuisine des mousquetaires

présentée par la sémillante Maïté et Bon appétit bien sûr animé par le sosie français de Steve Buscemi, j’ai nommé Joël Robuchon.

Ils n’ont jamais revisité le hachis parmentier d’aucune manière et ils ne présentaient pas leurs plats dans des ardoises ou des assiettes triangulaire de couleur pastel; c’était moins glamour.

Personnellement j’ai toujours fait mes courses dans des supermarchés, le plus souvent dépourvus d’étals de boucherie ou de poissonnerie et par conséquent je n’ai jamais réellement pris le temps de m’intéresser à ces morceaux de boeuf qui mijoteront pendant trois heures sur ma plaque à induction dans une sauce au vin rouge.

De la cuisine au beurre au frichtis à paillettes

Alors quand Cyril Lignac est arrivé, sous sa chevelure mi-longue babylissée sans toque ni charlotte, avec sa mèche de côté dégageant un oeil enjôleur, j’ai été conquise; que voulez-vous. J’ai assidûment regardé Oui, chef ! car je comprenais enfin qu’avec des filets de poulet et du lait de coco on pouvait réaliser des miracles, qu’il existait des associations infinies pour peu qu’on se donne la peine d’utiliser des épices, des marinades et des cuissons différentes.

J’ai appris que cuisiner n’occupait pas forcément une demi-journée, qu’il existait des sauces sans crème fraiche, qu’on pouvait faire à manger sans forcément ressembler à Maïté ni à Micheline. Soudainement, la cuisine est devenue sexy.

Je n’ai vu aucun cuisinier en pantalon pied-de-poule, chaussures de sécu ni calot sur le crâne dans toutes ces émissions. Lorsqu’ils portaient un tablier, ce dernier était toujours immaculé et leurs fronts ne brillaient pas sous la sueur et la chaleur des fourneaux.

Il semble essentiel d’enjoliver les laboratoires, de rendre mignon et sucré tout ce qui ne l’est pas, de couper la viande en fines tranches, de renommer les amuses-gueules en amuses-bouches.

Nous sommes tous devenus des « passionnés de cuisine », moi qui ne savais pas me faire cuire une omelette (dois-je la retourner comme une crêpe ou la cuire à l’unilatérale ?) j’ai escaladé un enfer pavé de moules en silicone, de cocottes individuelles, de Kitchen-Aid et de Magimix.

J’ai mangé mes doigts en lamelle avec mes légumes en julienne, j’ai essayé une demi- douzaine de recette de cookies (ceux de Martha Stewart, ceux de Julie Andrieu, les Chocolate Chips, les Originals cookies, ceux avec des flocons d’avoine, ceux avec des fruits secs, ceux qui cuisent 9 minutes à 200 degrés, ceux qui cuisent 10 minutes à 180, ceux qui ne cuisent pas du tout, ceux qui…)

« Tiens, vous avez sorti le vitriol ? »

Grâce ou à cause de ces émissions de télé-réalité alimentaires je suis devenue un juge sans pitié, pour moi-même et encore moins pour les autres. Chaque cuisson ratée me plonge dans des états de nervosité terribles, j’interdis à mon compagnon d’entrer dans la cuisine lorsque je m’y affaire.

Je dis « j’aime bien cuisiner, ça me détend » mais en pratique c’est tout l’inverse, je suis tendue dès que le frémissement de l’eau dans la casserole ne ronronne pas comme il en a l’habitude et je pourrais passer quarante-cinq minutes devant mon four à regarder la transformation thaumaturgique de la pâte crue en gâteau moelleux.

Lorsque je me rends au restaurant je suis fréquemment déçue, je prends des plats que je ne sais pas réaliser chez moi, je les dissèque à la fourchette et c’est rare qu’ils trouvent grâce face à mon palais assassin. Je critique l’assaisonnement, l’organisation de l’assiette, la qualité du pain, du vin et du boursin; personne ne sait qui je suis et pourtant les restaurateurs devraient me craindre autant qu’un critique Gault et Millau.

Le problème c’est que j’ai l’impression que nous sommes nombreux à être dans mon cas, à vouloir manger bien, manger sain, manger, manger, manger en ogres antipathiques, trop gâtés et déjà gavés de tout. Quand je vois la liste des programmes d’M6 dédiés à la nourriture, quand je vois le nombre de blogs appartenant à la « culinosphère », les cuisinières du dimanche qui rêvent d’une reconversion en commis de cuisine, l’obsession totale de nos sociétés pour l’abondance maîtrisée sous l’inquisition d’une morale saine (« mangez bougez »), je me dis que la cuisine est devenue un loisir un peu snob.

J’essaie de me contrôler devant Un Dîner presque parfait, de ne pas trop me moquer d’une pâte à choux qui ne lève pas. J’essaie d’être indulgente quand mes carottes sont trop cuites et lorsque je vois Cyril Lignac mettre désormais autant de beurre dans ses plats que sur ses cheveux.

Il y a dix ans j’étais lachanophobe (ça existe, je t’assure) et peut-être que dans vingt ans nous ne mangerons que des gélules ou nous deviendrons anthropophages, qui sait ? Mes tribulations en cuisine me laissent espérer encore beaucoup de surprises.


Les Commentaires

1
Avatar de Candy Porno
2 avril 2012 à 01h04
Candy Porno
Article formidablement bien écrit. J'aime cet état que tu as de détailler notre évolution face à la nourriture, et tout ce qui s'en suit.
Il est vrai, que maintenant, la cuisine, est devenue un loisir parfois snob comme tu le souligne, et non plus un réel plaisir, ou un art de vivre selon les personnes, mais une mode... Qui un jour s'en ira comme elle venue jusqu'à nos fourneaux. Bien sur, je ne dis pas et ne met pas tout le monde dans le même panier, mais au même titre que les émissions de télé-crochet, un jour, ça s’essoufflera... Ou pas. Bref. Voilà comment je vois les choses...
Bien sur, je ne les ressent pas de la même façon que ceux qui s'y mettent et suivent cet engouement depuis peu, car depuis petite, j'ai grandis près d'un four, à entendre l'eau clapoter, à sentir les odeurs qui se mélangent entre elles, et à attendre avec impatience la dégustation. On m'a traîné de marchés en marchés, d'étals en étals, du coup, mes papilles sont acérées et je suis une "cliente" difficile. Mais, je reste malgré tout indulgente, modeste et je me tais, car je ne suis pas la science infuse ni maître en la matière.
Une réponse un peu en décalage avec l'article, mais qu'importe, j'avais envie de le partager avec toi et les Madz, afin d'apporter mon point de vue (flou) sur mes aventures culinaires.
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