Il a raison Fabien Roussel ! C’est vrai qu’on en parle pas assez de ces gens qui s’en prennent plein la gueule, qui sont persécutés parce qu’ils ont osé mangé un steak tartare, franchement.
On les culpabilise, on leur intime de se justifier d’avoir pioché dans le bol des rondelles de Justin Bridou à l’apéro, on les oppresse avec nos protéines de soja.
C’est incroyable quand même cette question de bidoche, non ? Moi je trouve ça fou que la bouffe soit parvenue jusqu’à cette campagne présidentielle, et que ce soit devenu le thème favori du candidat du parti communiste Fabien Roussel.
Fabien Roussel fait une fixette sur la bidoche
Perso, j’aurais plutôt aimé qu’on aborde la question de comment on met en place davantage de repas végétariens dans les collectivités mais bon on peut pas tout avoir.
Au lieu de ça, j’ai l’impression d’assister à une espèce de polémique interminable comme si le « on peut plus bouffer une entrecôte peinard sans se faire cancelled » venait de succéder à « on peut plus faire une blague sur les noirs sans se faire traiter de raciste. »
Je sais pas si vous vous souvenez comment ça a commencé, c’était en janvier dernier.
Et depuis, ça n’en finit pas avec la sainte trinité de la gastronomie française au nom du claquos, de la piquette et de la cote de porc. AMEN.
On dirait que Fabien Roussel a trouvé un super bon filon avec sa fixette sur la bidoche. C’est parti de l’idée que tout le monde devrait avoir les moyens de manger de la viande. Mais je crois que ce serait naïf d’y voir seulement une question de pouvoir d’achat.
En France, selon une enquête Ifop de 2020, on est 63 % à trouver qu’un repas est plus convivial lorsqu’il contient de la viande. Et ça veut dire quelque chose. La viande, sa place centrale dans nos assiettes, est donc très culturelle. Et en en faisant un sujet dans cette campagne, Fabien Roussel veut fédérer autour de ce marqueur social. On ne parle plus finalement du porte-monnaie des Français et des Françaises, on parle de ce qui nous rassemble, de quelque chose qui serait constitutif de notre identité française.
Cette histoire de viande, c’est presque une guerre culturelle.
Et depuis, Fabien Roussel s’amuse savamment aidé par les médias toujours prompts à bondir sur une bonne polémique, à mettre de la viande dans toutes ses interventions et à tracer une ligne entre deux gauches : il y a d’un côté la sienne, la gauche populaire, la gauche du terroir, celle des bons vivants, qui se rassemble autour d’une bonne choucroute ou d’un barbecue, et une autre gauche de bobos citadins, pisse froids, pénibles, râleurs, qui préfèrent le houmous au pâté en croûte, probablement les mêmes qui veulent dénaturer la langue française à coup de point médian et de pronom iel.
Oui je caricature, mais à peine. Cette histoire de viande, c’est presque une guerre culturelle.
Sur Slate, le journaliste Christian Salmon rappelle d’ailleurs que d’autres hommes politiques ont fait de la bouffe un argument, comme Matteo Salvini en Italie, ou Boris Johnson au Royaume-Uni. Des dirigeants populistes, vous l’aurez compris. Il rappelle aussi l’existence de t-shirts pro trump qui arboraient les mots suivants :
This is America. We eat meat – We drink beer – And we speak fuckin’ English.
Vous voyez le tableau.
En France, on est encore loin d’un « Liberté, égalité, pied de porc grillé ». Mais il ne faudrait pas être trop crédule au point de ne pas voir dans cette histoire de bidoche une envie de la part de Fabien Roussel de prendre à la droite un peu de sa capacité à surfer sur les questions d’identité française.
Le déni écologique de l’impact de la production de viande
Moi quand j’entends ou je lis ce genre de propos de Fabien Roussel sur la viande et le bon vin bien d’chez nous, j’ai l’impression de revoir cette scène :
Il ne s’agit pas de dire que Fabien Roussel appartient au moyen âge comme Godefroy de Montmirail et son fidèle Jacquouille mais plutôt de dire que penser notre avenir de façon durable, envisager le futur des générations qui arriveront après nous, c’est aussi repenser la façon dont on se déplace, dont on consomme, dont on vit globalement.
C’est aussi admettre que ce déni face à l’impact écologique de la production de viande ne peut pas durer éternellement. Et qu’on aurait tout intérêt à accompagner ce changement sans laisser croire qu’on y laisserait une part de notre identité française. S’arcbouter sur cette histoire de viande comme si notre vie en dépendait, c’est nier cette nécessité.
Et enfin, je vais conclure cette chronique en vous invitant à écouter les candidats de la Lettonie au concours de l’Eurovision qui chantonneront en mai prochain une chanson pro vegan et écolo « Eat your salad », qui commencent en substance par « au lieu de manger de la viande, je bouffe des légumes et des chattes » et je vous laisserai découvrir le reste des paroles du même acabit. Car oui, ce serait dommage de laisser croire que les écolos aussi ne peuvent pas être des gros beaufs.
Un coup de pied dans les urnes est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Maëlle Le Corre. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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Les Commentaires
Et en soit, une personne d'extrême droite qui mentionne son adoration du drapeau, ce n'est effectivement pas sans sous entendu