C’est une semaine importante pour les membres du Collectif Vietnam Dioxine. Ce lundi 25 janvier avait lieu le procès de Tran To Nga, qui s’oppose à une quinzaine de firmes agrochimiques ayant produit « l’agent orange », un puissant — et dangereux — herbicide.
L’agent orange : aux origines de l’écocide
Pour comprendre le combat de ces activistes, il faut remonter dans le passé : lors de la guerre du Vietnam, alors que l’armée américaine se bat contre la guérilla Viêt-Cong, elle utilise – entre autres – de l’agent orange pour déboiser des zones complètes.
Au moins 50 millions de litres sont déversés entre 1965 et 1971, selon le rapport Stellman. Au cours de cette opération, environ 20% de la forêt tropicale dense du Sud-Vietnam sont éliminés. Cet épisode donnera naissance au terme d’« écocide ».
La nature n’est pas la seule à être affectée : les populations exposées à l’agent orange développent bientôt des cancers, leurs descendants naissent avec de graves malformations. Léa Dang, 25 ans, membre du Collectif Vietnam Dioxine, a rencontré ces victimes au Vietnam :
« En rentrant de ce voyage, je me disais “mais il faut que la terre entière sache, c’est pas possible, il y a des milliers de Vietnamiens et Vietnamiennes qui souffrent !” : ça m’a bouleversée. »
Au total, 4,8 millions de personnes ont été exposées à la dioxine, un composant hautement toxique de l’agent orange. C’est elle, ou plutôt ses fabricants, qui sont responsables de l’ampleur du désastre selon le collectif. Tom Nico, lui aussi membre du collectif, explique à madmoiZelle :
« Ils avaient connaissance de la dangerosité du produit, il y a plein d’échanges internes qui le prouvent. Ils auraient pu décider de modifier l’agent orange pour qu’il n’y ait pas de dioxine, mais ils ne l’ont pas fait parce que c’était moins cher. »
Le procès de l’agent orange, mené par Tran To Nga
C’est contre ces fabricants que s’est dressée Tran To Nga. Née en Indochine, élevée dans une famille indépendantiste, son parcours est fait de résistances et de combats. Jeune adulte, elle devient reporter pendant la guerre du Vietnam : c’est pendant sa couverture du conflit qu’elle est « aspergée d’agent orange » et qu’elle « patauge dans les marécages empoisonnés »
, raconte-t-elle, à presque 79 ans.
Chez elle, les conséquences se manifestent entre autres par du diabète de type 2, un cancer du sein, une tuberculose. Elle a également perdu sa première fille, née dans la jungle.
Le collectif explique qu’elle est la seule à leur connaissance à cumuler la nationalité française, qu’elle a acquise, et le statut de victime directe des épandages. La seule à pouvoir mener ce combat, donc. Léa raconte à madmoiZelle :
« C’est une femme que j’admire beaucoup, que j’ai envie de protéger, d’elle-même aussi car elle est sans limite quand il s’agit de cette lutte. »
Tran To Nga est ce symbole qui a réussi à fédérer contre l’Agent Orange, à rallier l’opinion publique à sa cause.
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Au-delà de l’agent orange, Tran To Nga dénonce le racisme environnemental
Alexia Marie, 23 ans, autre membre du collectif, insiste sur le dévouement de Tran To Nga :
« Elle fait ça pour elle mais aussi pour les autres, pour ouvrir la brèche à d’autres victimes, vietnamiennes mais aussi victimes d’autres écocides comme les Antillais et Antillaises. »
Alexia a elle-même un père antillais, et ce n’est pas pour rien si elle s’est impliquée dans le Collectif Vietnam Dioxine : elle fait le lien entre le scandale du chlordécone — un pesticide utilisé notamment dans les plantations de banane en Guadeloupe et Martinique ayant largement contaminé la population locale — et ce combat contre l’Agent Orange.
Dans les deux cas, la lutte vise le racisme environnemental. Kim Vo Dinh, l’un des fondateurs du Collectif Vietnam Dioxine, revient sur ce terme :
« Quand ce sont des vétérans américains, coréens ou australiens qui sont en procès, ils arrivent à gagner devant la justice ou à être indemnisés, mais quand ce sont des victimes vietnamiennes on voit qu’elles sont déboutées. La vie d’un Américain, on lui accorde plus d’importance qu’à celle d’un Vietnamien. »
Selon lui, les populations racisées paient trop souvent le prix fort en matière environnementale.
« Par exemple, les déchets industriels, on peut les exporter dans d’autres pays… pour que nous, dans les États occidentaux, nous puissions préserver notre environnement et notre qualité de vie. »
D’où une nécessaire solidarité entre ces luttes, d’après Kim Vo Dinh.
La mobilisation contre l’agent orange croît
En parallèle du procès, qui requiert toute leur attention en ce moment, un travail de recensement d’autres victimes françaises, affectées par l’exposition de leurs parents ou grands-parents à l’agent orange, a été démarré.
Surtout, l’équipe se réjouit face au soutien grandissant à sa cause. Elle espère d’ailleurs mobiliser le plus de personnes possible lors d’un rassemblement au Trocadéro, à Paris, ce 30 janvier à 14h30.
On peut retrouver le collectif Vietnam Dioxine sur Instagram, Twitter, Facebook ou encore sur son site Internet. Il existe aussi une page Open Collective pour récolter des dons, et une pétition à signer.
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Les Commentaires
Oui ! J'ai vu la news passer hier. Je rajouterai que d'après les estimations, les personnes issues de peuples dits autochtones représenteraient près de 40% des militants écologistes assassinés ces dernières années, dont de nombreuses femmes. Il y aurait vraiment matière à faire un article sur ce sujet, @La Rédaction, ce serait top si vous aviez le temps de vous pencher dessus !