« Je pense qu’à ce moment- là, je me suis rendue compte que j’étais passée à côté d’une partie de moi même ; je crois que j’ai enfin eu l’impression d’être complète et honnête » raconte Claire, 40 ans. Il y a quelques années, après sa séparation avec le père de son fils, elle commence à sortir avec des femmes.
« J’ai juste eu l’impression d’avoir de nouveau 15 ans et d’être absolument inexpérimentée. »
Comme Claire, nombreuses ont sauté le pas ou se sont découvertes une attirance pour les femmes à l’âge adulte. Pour Aurore Malet-Karas, sexologue et docteure en neurosciences, cette « découverte » peut s’avérer être un coup de massue.
« Cela peut être compliqué à gérer, provoquer une totale remise en question. »
C’est ce qu’a vécu Julia, 27 ans, dont la grande soeur est lesbienne : « La découverte de sa sexualité m’a marquée voire choquée, j’avais peur du regard des gens ». Puis, quelques années plus tard, elle-même tombe amoureuse… d’une femme.
« Je ne l’ai pas trop vu venir, et quand j’ai compris que je tombais amoureuse je me suis mise à pleurer. La peur d’aimer des filles, de ce que ça représente dans la société. »
Dans une société misogyne et LGBTphobe, difficile de découvrir sereinement sa sexualité…
Pour d’autres, certaines rencontres relèvent de l’évidence. Marie, 49 ans, a connu sa compagne Alexandra il y a 6 ans, alors que cette dernière entamait sa transition.
« Jusqu’alors, je n’avais eu de relations sexuelles qu’avec des hommes — et d’ailleurs, en faisant la connaissance d’Alexandra, je ne peux pas dire que j’ai été attirée par un homme ou par une femme, mais bien par une personnalité, la sienne. »
L’invisibilisation des rapports sexuels entre femmes
Julia en rit :
« Comme elle aussi c’était sa première fois, je dis souvent que c’était un peu le “Docteur Maboule” ! Les premières fois où on faisait l’amour, c’était beau, intime, mais plein de gêne, de pudeur, de maladresse. »
Car ce n’est pas parce qu’on a le même corps qu’on sait comment ça marche : « Chacune a un corps différent, des goûts différents… pour certaines, c’est repartir de zéro, avec la peur de déplaire ou de ne pas savoir faire » analyse Aurore Malet-Karas.
Pour Lou et Leontin, du compte Instagram devenu un site Sapphosutra (qui propose un kamasutra saphique), cette peur de mal faire peut s’expliquer par l’absence de script sexuel tout tracé — contrairement à un rapport hétéro, qui s’articule souvent autour du triptyque préliminaires-pénétration-éjaculation.
« Ça effraie d’être complètement libre avec son désir et son plaisir, mais c’est tellement satisfaisant de s’extraire des diktats et d’avoir des relations sexuelles basées autour d’un plaisir réciproque. »
Pas besoin de forcer pour constater que les relations entre femmes souffrent d’un manque de représentations. Comme l’explique Claire, qui a grandi dans une petite ville dans les années 1980 :
« Il n’y a avait pas de personnes bisexuelles autour de moi ou dans les médias. Je n’ai pas découvert mon attirance envers les femmes, j’ai plutôt découvert que tout le monde ne la partageait pas… »
Du côté des représentations culturelles, mis à part la pornographie, les modèles n’abondent pas. « J’ai lu pas mal de fanfictions érotiques mettant en scène des personnages féminins, et j’imagine que ça a posé des bases sur l’attraction, le flirt, et juste sur le fait de pouvoir m’imaginer dans ces contextes avec des femmes » note Clara, 28 ans, qui estime que sa découverte de sa bisexualité s’est faite de manière « progressive ».
Lou et Leontin analysent :
« La sexualité lesbienne subi une double discrimination : nos rapports sexuels sont soit invisibilisés comme si ce n’était pas du “vrai sexe”, soit au contraire hypersexualisé, sur les site de porno mainstream par exemple. »
Car encore aujourd’hui, la sexualité entre femmes souffre d’une vision hétéronormée et pétrie du male gaze, le regard masculin. Un regard qui prend du temps à déconstruire, selon Julia :
« La sexualité lesbienne est encore très fétichisée par les gens. Cela fait plus de 3 ans que je suis avec ma copine mais je suis toujours en questionnement : le plus long chemin est intérieur. »
Au-delà de savoir que les relations sexuelles entre femmes sont possibles, il faut savoir comment s’y prendre… Les relations LGBT sont complètement oubliées des programmes d’éducation sexuelle, quand ceux-ci existent.
« Il y a un vrai problème d’inclusivité dans l’éducation sexuelle, surtout sur les questions de transmission des IST entre femmes » souligne Aurore Malet-Karas.
Toutes les femmes interrogées nous ont confié ne jamais avoir entendu parler ni de rapports lesbiens, ni des protections nécessaires contre les maladies ou infections sexuellement transmissibles adaptées. Lou et Leontin insistent :
« Nous manquons cruellement d’informations sur les sexualités queer et lesbiennes. Plus encore, nous sommes souvent face à de mauvaises informations, de gynécologues formés uniquement sur des schémas hétérosexuels. »
À travers Sapphosutra, le couple essaye de diffuser de bonnes informations ou de se partager les bonnes adresses de soignants et soignantes.
« On a beaucoup de remerciements, de personnes de tous les âges. Comme nous, elles auraient aimé voir ce compte plus tôt ! »
Des papillons dans le ventre, du parfum et de la confiance
Même si pour toutes les femmes que nous avons interrogées, l’expérience varie, nombreuses sont celles qui estiment s’être découvertes avec des femmes. Claire se souvient :
« Pour moi, ça a vraiment été une nouvelle première fois. Avec des papillons dans le ventre et cette impression de retomber en adolescence. »
Marie, elle, confie :
« Ce qui m’a le plus surprise lors de ma première expérience sexuelle avec Alexandra, c’est qu’elle a réussi à me faire jouir là où aucun autre homme n’y est parvenu. Une nouvelle première fois, je ne sais pas, mais une tranquillité d’esprit, sans performance à réaliser, c’est certain. »
Clara, quant à elle, a été marquée par une sexualité « plus psychologique, plus progressive, avec plus d’attention aux détails ».
« C’est la seule fois où j’ai regretté de pas avoir mis du parfum ou mis de la lingerie, parce que généralement les hommes avec lesquels j’ai relationné n’étaient pas du tout sensibles à ça. »
Pour le reste, Lou et Leontin de Sapphosutra martèlent que l’important, c’est de communiquer, et d’avoir confiance en ses partenaires.
« Faire sa première fois avec quelqu’un de confiance, bienveillante, dans un endroit agréable où tu peux prendre ton temps, se reposer sur sa partenaire si le fait de savoir qu’elle a déjà eu des expériences rassure… »
Et ne pas hésiter à se renseigner sur les moyens de se protéger des infections et/ou maladies sexuellement transmissibles. Sans oublier que le sexe, ce n’est pas une performance, et que chaque nouvelle partenaire est une nouvelle fois.
« L’important est de se laisser guider par son plaisir et celui de sa ou ses partenaires. »
Même philosophie pour Julia :
« Après tout, le sexe c’est de l’écoute, de l’enthousiasme, c’est s’amuser ensemble et se faire du bien mutuellement. Et ça, ça varie d’une personne à une autre, mais le principe reste le même, quel que soit le genre. »
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Crédit image de Une : Ketut Subiyanto / Pexels
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Les Commentaires
D'ailleurs mon premier amour c'était une fille, qui m'a longtemps fais miroiter une relation et avec qui je n'ai connu que des caresses, des massages érotique, des baisers et des douches intenses. Aujourd'hui j'ai peur que si je rencontre une femme elle décide de me quitter pour mon manque d'expérience. Bref, j'ai peur d'être nul. Je recherche l'amour et je fondé une famille, donc je ne veux pas prendre le risque de passer à côté de l'amour de ma vie à cause de ça.
Tout ça pour dire que je suis intéressée si quelqu'un peut me proposer quelques sites/comptes/articles abordent le sujet du sexe entre femmes. Je ne suis pas contre quelques vidéos p**n avec du sexe realiste.
Et aussi des spots de rencontres lesbienne (bars et autres)
Merci d'avance