Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects… féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière (en couple ou solo) et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Ava* qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Ava*
- Âge : 32 ans
- Profession : médecin généraliste
- Revenu annuel brut avant prélèvements sociaux, impôts et charges professionnelles : 74 800 €
- Revenu annuel net après prélèvements : 51 800 €, soit 4 316 € mensuels en moyenne.
- Personnes (ou animaux) vivant sous le même toit : un chat
- Lieu de vie : une petite ville dans la Somme (80)
La situation et les revenus d’Ava
Ava, 32 ans, est médecin généraliste. Pour elle, travailler dans le soin est une vocation depuis toujours. Et si elle ne regrette pas son choix de carrière, elle reconnaît néanmoins qu’actuellement, « les conditions d’exercice sont difficiles ».
« On manque de bras pour répondre aux demandes des patients sur le plan médical, mais aussi sanitaire, psychologique, social, etc. Cependant j’adore mon métier et j’ai énormément de plaisir à prendre soin de mes patients et à les accompagner dans leur santé tous les jours. »
Célibataire, Ava vit avec son chat et est locataire d’un appartement 3 pièces d’environ 65m2 dans un lotissement résidentiel situé dans « une commune calme en périphérie d’Amiens ». « La superficie est largement suffisante pour une personne seule. » Installée depuis cinq ans, elle apprécie de pouvoir jouir à la fois les avantages de la ville (les commerces, la vie animée) et de la vie plus « slow » qui existe à la campagne.
« Je ne voulais pas m’isoler complètement en allant vivre en campagne profonde et je voulais rester à proximité d’une grande ville sans être en plein centre-ville non plus. »
En tant que médecin généraliste libéral dans un désert médical, Ava travaille beaucoup.
« Je travaille quatre jours par semaine et mes journées sont de douze heures (en comptant la route). J’ai pris sept semaines de congés l’année dernière.
Je suis dans un désert médical d’après la cartographie de l’ARS… Mais une grande partie de la France l’est malheureusement, à l’exception des grandes villes et encore… »
Pour son métier, qu’elle exerce en libéral, elle a touché en 2023 la somme 74 800 €, de laquelle il faut déduire à la fois les impôts, mais aussi les charges sociales et professionnelles, ce qui établit son revenu net annuel à 51 800 €, soit un revenu mensuel moyen de 4 316 €.
Si Ava s’estime « bien payée », elle considère aussi que son métier lui demande beaucoup de sacrifices sur le plan personnel qui justifient ce qu’elle touche.
« Les journées sont longues et on peut être sollicité en pleine nuit, pendant les week-ends et même pendant les vacances pour répondre à un patient en détresse réelle ou ressentie. »
La jeune femme se positionne d’ailleurs en faveur d’une revalorisation des tarifs de consultation.
« J’espère qu’elle est nécessaire et justifiée au vu de la charge de travail croissante, du manque de moyens grandissant dont souffre la profession médicale et aussi de l’inflation de manière générale.
Malgré cela, je sais que je ne suis pas à plaindre et d’un point de vue statistique, je sais que je fais partie des ‘riches’ compte tenu de mes revenus et de la composition de mon foyer. »
Le rapport à l’argent d’Ava et son organisation financière
Ava a grandi d’une mère femme au foyer et d’un père commerçant, dont les revenus variaient d’un mois à l’autre. Issus d’un milieu modeste, ses parents lui ont transmis la valeur de l’argent. « Il fallait travailler pour gagner son pain, mettre de côté pour les temps plus durs. Il n’y avait pas de place pour les dépenses superflues. »
L’argent, même s’il ne coulait pas à flots, n’a jamais été un sujet tabou.
« Mes parents n’ont pas hésité pas à m’expliquer de façon transparente leurs revenus et leurs dépenses, surtout les mois où le budget était serré. Je pense qu’indirectement, cela m’a appris à gérer mon budget et à anticiper les dépenses à mon tour. »
Aujourd’hui indépendante financièrement, Ava a conservé les bonnes habitudes transmises par sa famille. Même si elle n’a jamais été à découvert, elle reconnaît qu’elle avait un peu de mal à gérer son argent au début de sa vie d’étudiante.
« C’est à ce moment-là que j’ai fait un budget pour la première fois avec la somme de mes « entrées » d’argent (bourse universitaire, aide financière de mes parents) et de mes « sorties » d’argent, en les classant par catégories (nécessaires et non nécessaires). C’est d’ailleurs comme ça que je me suis rendu compte quels étaient les postes de dépenses à réduire. »
Aujourd’hui, pour Ava, l’argent est synonyme de tranquillité et de liberté. « L’argent me permet d’accéder à des choses qui me facilitent la vie et celle de mes proches. J’aime offrir des voyages à mes parents qui sont retraités, j’aime offrir des cadeaux à mes amis, et j’aime aussi pouvoir participer à des cagnottes pour des évènements caritatifs. »
Concernant son organisation financière, Ava doit composer avec des mois aux revenus variables, parfois de 2 000 à 8 000 € bruts. Elle a ouvert un compte professionnel pour son activité de médecin.
« Sur chaque entrée d’argent, je laisse 40 % sur le compte professionnel pour les charges et je me reverse le reste sur mon compte personnel. Le montant reversé est très variable d’un mois à l’autre, voire d’une semaine à l’autre… Pour être sûre de ne pas me laisser surprendre, j’ai un budget de dépenses limité à 2 400€ par mois. Si j’ai un surplus, je le mets de côté sur un livret et je pioche dedans durant les périodes où je ne travaille pas et où je n’ai donc pas de revenus (les congés par exemple). »
Les dépenses d’Ava
La première dépense mensuelle d’Ava est le logement. Pour son 3 pièces de 65 m2 en périphérie d’Amiens, elle débourse 641 €.
Elle règle 30 € de gaz et 41 € d’électricité par mois. Son approvisionnement en eau lui revient à 100 € par an et l’entretien de sa chaudière à 140 € à l’année. Soit une dépense totale de 91 € pour les factures courantes.
« Dans une démarche écologique, je cherche à réduire mes factures d’électricité, gaz et eau. J’y suis d’autant plus vigilante depuis les annonces concernant le risque de coupure d’électricité l’hiver dernier. »
Ses divers abonnements lui reviennent à 43 € mensuels : 18 € pour internet, 9 € pour son téléphone, 14 € pour Netflix et 2 € pour le cloud.
La trentenaire dépense par ailleurs 132 € par mois pour son assurance auto, 5 € au titre de l’assurance habitation et 48 € pour sa mutuelle.
Outre le loyer, le plus gros poste de dépenses d’Ava, ce sont les transports : 370 € par mois. Dans le détail : 85 € de péage, 220 € d’essence, 360 € d’entretien tous les six mois et 5 € pour prendre occasionnellement le bus de ville.
« Mon véhicule est un gros poste de dépenses entre l’essence, l’assurance et l’entretien. Je ne souhaite pour autant pas le réduire car c’est un outil de travail et c’est une dépense entièrement justifiée. »
Elle règle également 11 € de frais bancaires. Enfin, parmi les autres dépenses comptabilisées par Ava, on note environ 110 € de dons à des associations caritatives et divers cadeaux, ainsi que 100 € pour les formations et congrès professionnels.
« Je regarde rarement les prix ou les promos »
Pour se nourrir, Ava estime dépenser environ 255 € par mois, principalement en supermarché.
« J’aimerais être le type de personne qui fait son marché et qui achète bio et local mais je privilégie complètement la praticité. J’habite à cinq minutes d’un supermarché et j’y fais mes courses deux fois par semaine. Je regarde rarement les prix ou les promos et j’achète ce qui me fait envie. »
Même si elle achète des produits industriels, Ava a bien conscience du problème des emballages excessifs.
« En tant que consommatrice, j’y contribue… C’est pourquoi je trie tout ce que je peux. Je compte aussi acheter prochainement un composteur d’intérieur.
Mais mon point fort, c’est plutôt le minimalisme. Je m’efforce de limiter mes achats en vêtements, chaussures, babioles inutiles, objets à usage unique… Je refuse d’acheter par pur consumérisme et je ne fais aucun achat impulsif. Je n’hésite pas à chercher des objets/vêtements de seconde main ou à emprunter des outils plutôt que de les acheter. Je vais régulièrement donner des objets à une association qui encourage la réutilisation des objets en tout genre pour leur donner une seconde vie. »
Fière propriétaire d’un chat, Ava avoue ne pas être très regardante à la dépense en ce qui le concerne. Elle dépense en moyenne 130 € par mois pour son bien-être (pour la nourriture, la litière, les frais vétérinaires, le vermifuge, les friandises, les petits jouets…).
« J’aime le gâter donc il a le droit à tout ce qui lui fait plaisir comme de la pâté et des friandises plusieurs fois par jour. J’ai toutefois conscience que tout le monde ne peut pas se permettre ce genre de budget pour son animal de compagnie. »
A contrario, les dépenses dites « féminines » pèsent très peu sur son budget : en moyenne 10 € par mois, « principalement pour acheter de la cire à épiler, des serviettes hygiéniques et un mascara de temps en temps mais je me maquille très peu ».
Les dépenses loisirs d’Ava
Pour se détendre et s’amuser, Ava n’est pas spécialement adepte des loisirs coûteux ou chronophages.
« J’aime les activités tranquilles, qui ne demandent pas beaucoup d’efforts, comme les bons restaurants locaux, les spectacles, les balades ou les week-ends entre amis. J’ai un budget relativement ‘bas’, de 1 500 € à l’année environ.
J’ai besoin de peu pour me satisfaire ou m’amuser. Je n’ai pas besoin de partir en croisière ou à l’autre bout du monde plusieurs fois par an… Retrouver mes amis autour d’un verre me suffit amplement. »
Le dernier craquage d’Ava ? Offrir à ses parents des vacances à l’étranger, pour un budget de 1 500 €. « Je ne regrette absolument pas ! »
Ava préfère les vêtements de seconde main aux neufs. Elle aime se rendre dans des pop up shops, très fournis et variés pour trouver son bonheur. « Comme on ne se sait jamais si on va retomber sur les mêmes articles la fois d’après, je prends tout ce qui me fait plaisir pour un montant qui est souvent très abordable. » Elle y dépense environ 100 €, une à deux fois par an.
Et si elle a besoin d’un article neuf, elle se rend dans des boutiques milieu de gamme comme Promod ou Camaïeu, avant qu’ait eu lieu la liquidation judiciaire. « J’ai aussi essayé Primark, mais les vêtements ne sont pas de très bonne qualité… »
L’épargne et les projets d’avenir d’Ava
Ayant des revenus aléatoires, Ava n’arrive pas à mettre une somme fixe de côté chaque mois. Mais lorsqu’elle a eu un revenu conséquent, il lui arrive d’épargner jusqu’à 2 000 €.
« Je mets souvent l’épargne de côté car en étant médecin, je n’ai pas certains avantages sociaux tels que les congés payés par exemple. Si je pars trois semaines en vacances l’été, je n’ai pas de revenus pour cette période, il faut donc que j’anticipe et que je mette une somme de côté pour payer mes dépenses mensuelles habituelles. »
Son épargne lui sert également à anticiper les « grosses dépenses » sur le moyen terme comme l’achat d’un véhicule ou la constitution d’un apport pour acheter un bien immobilier.
« J’ai peu de projets concrets pour le moment et personne à charge, donc c’est aussi la bonne période pour anticiper et épargner un peu pour la retraite. »
D’ici quelque temps, « comme la plupart des gens de [son] âge », Ava aimerait devenir propriétaire d’une maison.
« Mais je ne suis pas pressée. Je suis parfaitement heureuse de ma vie telle qu’elle est, mais je sais que rien n’est acquis et que tout peut basculer d’un jour au lendemain… Cela fait de moi quelqu’un qui a tendance à épargner facilement. »
Merci à Ava* de nous avoir ouvert ses comptes !
* Le prénom a été modifié.
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