Pendant des années, le stop c’était un élément des histoires de ma mère, ce truc qu’elle faisait quand elle était jeune pour rentrer de boîte parce qu’elle vivait dans une petite ville, mais qu’il était hors de question de faire aujourd’hui. D’ailleurs beaucoup de ses histoires étaient des mésaventures, plus ou moins drôles avec le recul, remplies de conducteurs imprudents ou de pervers.
Je ne connaissais personne qui faisait du stop, encore moins des filles. Même lorsque j’étais en voiture, je voyais rarement des auto-stoppeurs ? et pourtant j’ai passé une bonne partie de mon enfance à voyager sur les autoroutes. Bref, le stop, c’était hors de mon paysage mental.
Tout a changé quand j’ai rencontré un ami qui se déplace beaucoup en stop. Il a la bougeotte et un budget réduit, donc à cette époque il traversait régulièrement la France avec ce moyen de transport. C’est un vrai passionné de stop, autant pour les rencontres que pour les voyages gratuits. Bon, moi j’étais moins sûre d’apprécier, parce que je suis un peu timide et que je n’aime pas trop parler à des inconnus.
Mon pote et moi
J’ai fait du stop pour la première fois avec cet ami, sur un trajet de quelques heures. Ça s’est très bien passé, une conductrice nous a même offert des mugs qu’elle distribuait ! On levait le pouce sur des péages ou des aires d’autoroutes et pour patienter on jouait à se faire deviner des trucs. C’était long mais sympa.
J’ai commencé à ajouter le stop à mes moyens de transport potentiels, mais uniquement accompagnée. Le faire seule était d’autant plus difficile à envisager que je suis nulle en géographie française ? et ne pas savoir placer sur une carte les villes où on va et celles qu’il y a entre, c’est un gros handicap.
Voyage au bout de la nuit
Et puis un soir j’ai ressenti le besoin express de voir mon meilleur ami. Problème : il habite à Lyon, moi à Marseille. Prendre le train au dernier moment : trop cher (est-ce qu’il y a même encore un train ce soir?). Le covoiturage : ça s’organise. Sur un coup de tête je me retrouve à l’entrée de l’autoroute avec mon petit carton et mon pouce levé.
Un piéton m’approche, il dit des choses dans une langue que je ne comprends pas, il a l’air louche mais il n’est peut-être pas méchant. Bon le problème c’est que s’il me colle, aucune voiture ne me prendra. Je crois qu’il me proposer de coucher avec lui. Est-ce qu’il croit que je suis en train de faire du racolage ? Bon sang je suis sur le bord d’une autoroute avec le pouce levé et je suis en jean. Peut-être qu’il ne sait pas ce qu’est l’autostop. Argh, il me sort une image découpée d’un magazine porno. Je le dégage violemment.
Cet épisode restera le moment le plus inquiétant de tout mon voyage, ce qui est assez paradoxal puisque je n’étais pas seule avec lui dans une voiture sur l’autoroute. Dans un sens, c’est assez rassurant.
Mon camouflage a marché ! Avec ce déguisement de Clark Kent, personne n’osera m’agresser !
Les voitures passent, très peu s’arrêtent. À ce moment-là j’espère trouver quelqu’un qui va directement sur Lyon, parce qu’il est déjà 21h. Mais après avoir laissé passer deux conducteurs qui n’allaient pas assez loin, j’accepte le troisième qui dit qu’il va me rapprocher. J’imagine qu’il va me laisser à une sortie, mais il me dépose sur la bande d’arrêt d’urgence.
Lost
Me voilà donc à faire du stop sur la bande d’arrêt d’urgence (ne faites pas ça chez vous, en plus c’est interdit), alors qu’il y a quelques mois j’avais peur de faire du covoiturage !
Le temps de survie sur la bande d’arrêt d’urgence est en moyenne de vingt minutes. C’est à peu près le temps que j’attends jusqu’à ce qu’un autre homme ait pitié de moi et de ma mort certaine. Il est boulanger, il a une camionnette blanche et on m’a toujours dit de me méfier des camionnettes blanches mais je suis sur la bande d’arrêt d’urgence et je commence à perdre espoir, donc j’accepte. Il me dépose à une sortie.
Pas beaucoup plus de veine à la sortie ? quelques conducteurs ralentissent pour me dire qu’ils ne vont pas dans la bonne direction, au moins c’est gentil. Je manque de perdre espoir et de céder à l’appel d’un ami qui veut venir me ramener en voiture (je ne suis toujours pas à plus d’une demi-heure de Marseille).
À ce stade, mes amis sont deux à être morts de trouille et à me harceler de textos (ils se sont passé le mot entre eux). Je les rassure en leur rendant compte de chacun de mes mouvements ? moi, mon angoisse c’est qu’ils vident ma batterie avant que je n’arrive à Lyon !
Moi sur l’autoroute, vue d’artiste.
J’alterne entre l’entrée de l’autoroute depuis la ville et celle depuis la station service, espacées de quelques mètres. Alors que je me plante devant celle-ci et que j’arrête un conducteur sans guère d’espoir, il m’annonce qu’il va à Paris et qu’il pense que le chemin passe par Lyon. Il est assez sûr de lui pour accepter de me prendre.
L’homme est ancien Parisien, nouveau Marseillais, il n’aime pas la ville où ses collègues abusent de sa gentillesse, il bosse tout le temps et il a passé ses vacances au bled pour ramener des papiers à sa mère. Là il râle sur l’un d’entre eux, avec qui il est en train de se disputer. Il l’a au téléphone une fois, ça gueule. Malaise.
Après avoir raccroché, il n’arrête pas de me prendre à témoin ? je l’approuve complètement, j’ai un minimum d’instinct de survie ? mais à part ça il est sympa et me paie un café parce que je n’ai plus de monnaie.
Arrivés à Lyon on se perd trois cinq douze fois parce que mon meilleur ami n’est pas meilleur que moi en orientation. Après beaucoup d’efforts il finit par me lâcher en s’excusant, il veut reprendre son chemin vers Paris : normal, il est deux heures du matin. C’est moi qui m’excuse.
+15XP, compétence « auto-stop » débloquée
Depuis j’ai refait du stop une fois sur un trajet beaucoup plus court, pour éviter de payer une navette à quinze euros. C’est comme une porte qui s’est ouverte dans mon esprit, une petite lumière qui s’est allumée à « autostop » à côté de « train », « avion », « car » et « covoiturage » (vous l’aurez deviné, je n’ai pas le permis).
Je suis contente d’avoir ajouté cette option à mes moyens de transports parce que la liberté que ça procure est incroyable. Je peux prévoir des voyages des mois à l’avance pour avoir les meilleurs prix sur les trains et c’est ce que je continuerai à faire, mais maintenant je sais que je peux aussi partir sur un coup de tête. C’est précieux.
Je suis toujours nulle en géographie mais j’apprends petit à petit, et je me dis que je pourrais consulter une carte pour préparer mes voyages.
À l’aventure !
L’expérience m’a rendue plus optimiste sur l’humanité. Les gens qui prennent des auto-stoppeurs n’ont rien à y gagner et pourtant ils le font, et dans mon expérience ils feront tout ce qu’ils peuvent pour aider (y compris se perdre dans Lyon et ses alentours pendant trois quarts d’heure).
Je suis sans doute moins timide ? après être montée dans la voiture de plusieurs inconnus et avoir entretenu la conversation pendant plusieurs heures, de quoi pourrais-je avoir peur ? En tant que trouillarde en chef, c’est une façon de me dépasser.
Et vous, vous feriez du stop ?
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Les Commentaires
Je remonte ce sujet parce que... Parce que sur un (presque) coup de tête, je me suis dit que j'allais partir à l'aventure pour six semaines, avec plusieurs étapes dans mon petit tour de France et qu'avec mon schlag légendaire, j'ai voulu éviter de me projeter financièrement. Le blablacar jusque-là ma meilleure solution, s'est vu avoir un pain dans la gueule avec les questions de départ à la dernière minute et ce poids désagréable à chaque fois que je dois entrer le code de ma carte bleue. Le bus c'est chouette et j'ai donc élu d'en faire un mode de transport mais...
A un moment que je ne définis pas très bien, une petite ampoule s'est allumée dans ma tête, avec la solution de l'autostop. Je n'en ai jamais fait, et j'entreprends ce voyage pour m'apaiser suite à une agression sexuelle venue bouleverser ma vie mais une voix dans ma tête me souffle que si je veux l'aventure, si je veux rompre avec mes limites, c'est l'occasion ou jamais, de débuter, en soignant le mal par le mal: si je m'en sors vivante, alors je pourrai remplacer un souvenir désagréable où je me suis sentie dégradée et affaiblie par une expérience où je me sentirai plus forte. Soigner un mauvais traumatisme avec peu d'enjeux par un bon plus risqué.
Néanmoins ça reste ma première fois et j'ai peur, de pas réussir à m'organiser surtout. Les questions me taraudent et j'espère que quelques unes d'entre vous sauront y répondre:
1/ Et si on ne me prend pas ? --> Y'a-t-il des spots de départ ? Dans une ville, faut-il plus se mettre au niveau de la gare routière ou vers l'axe de sortie de la ville ? Ces points de sortie sont-ils les mêmes que les points de RDV en blabla en général ?
2/ Organiser son temps --> Est-ce que je dois compter plusieurs jours ? Traduction, mettons que je veuille faire Paris-Annecy (J'imagine qu'un crochet par Lyon sera nécessaire...), est-ce que je dois imaginer mettre plus de 3 jours (parce qu'un conducteur voudra peut-être pas me prendre tout le trajet et me droppera et je devrai refaire du stop et au final, à la nuit je vais me retrouver obliger de faire une étape par une auberge de jeunesse qui sait) ? Est-ce que sur de longues distances "connues" comme celle citée, j'ai plus de chance de trouver un chauffeur direct pour le voyage ou bien on risque plus de me faire faire du relai ? Est-ce que je dois penser à sectionner mon trajet ?
3/ Organiser son trajet --> Est-ce que certaines routes/directions sont plus à privilégier que d'autres ? Par exemple, je fais Paris-Strasbourg-Paris-Louviers-Paris-Annecy-Montpellier. Est-ce que j'ai plus de chance d'être prise pour une grande distance un peu connue ou bien un petit trajet c'est mieux ? Est-ce que c'est plus intelligent de faire Paris-Strasbourg que Strasbourg-Paris ? Est-ce que, si je répartis mon voyage aussi avec le bus, c'est mieux que je fasse A) Paris-Lyon (BUS) + Lyon-Annecy (STOP) ou B) Paris-Lyon (STOP) + Lyon-Annecy (BUS) ou encore C) tout en stop ?
4/ Des impératifs à respecter ? Je suis une fille, j'ai un visage assez peu farouche, voire jeune/enfantin, 20 ans presque 21, j'ai jamais fait de stop dans ma vie, et là, je vais en faire pour la première fois et seule (au pire du pire, au scout j'ai déjà fait de la RED (Randonnée Exploration Découverte, 4 jours de bonheur où on vous lâche 4 filles (on était juste les Guides, pas les Scouts et Guides) dans la nature avec une carte et un point d'arrivée. A nous de nous démerder, à 13-14 ans, et sans un rond. Du coup s'IL LE FAUT, je ferai le chemin à pied mais si je pouvais éviter de trop délayer mes arrivées d'un point à un autre, c'est quand même plus cool, j'ai pas un an devant moi, juste 5 semaines pour 4 endroits). Est-ce que donc vous avez des recommandations ? Genre écrire sur une pancarte gros comment ? Prendre en photo la plaque d'immatriculation et le visage de la personne, j'imagine et l'envoyer à un ami ? Ne jamais m'endormir ? I guess ? Est-ce que je dois éviter les camions ou bien si je suis prudente ça va ? Prendre un truc pour me défendre au cas où ? Et les règles basiques ? Une pancarte ? Sortie d'autoroute ou stations essence ? Une présentation qui marche mieux que d'autres ? Genre avoir l'air ferme ou plutôt s'excuser de déranger ? Bref: teach me sempai onegai (>A<