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De l’influence de l’éducation sur notre rapport au sexe

À quel point les discussions à propos du sexe que nous avons avec nos parents influencent notre vie intime ? C’est la question que se pose Brigitte Lebuysson cette semaine.

Les parents ont bon dos : on peut les tenir pour responsables de bien des choses, des raisons pour lesquelles on échoue dans notre vie scolaire aux choses qui font que nos relations amoureuses se cassent la tronche. Mais si ce sont à eux qu’on incombe les fondements de nos échecs comme ceux de nos victoires, c’est bien pour une raison : décider d’avoir des enfants, c’est être conscient qu’on prend un petit être dès sa sortie d’un utérus pour l’emmener vers la vie d’adulte et l’accompagner pendant la construction de lui-même. C’est savoir guider sans conduire, savoir s’effacer suffisamment de l’enfant et garantir sa sécurité. Être parent, ça répond à des codes bien précis et ça me semble bien trop compliqué pour moi qui vais de ce pas me coudre les trompes avec du papier de verre.

Parmi toutes ces prérogatives inhérentes à la condition de parent, il y a bien évidemment le sexe. À quel point notre rapport à la sexualité est-il influencé par nos parents ? Existe-t-il un dialogue parfait entre les parents et les enfants par rapport au sexe ? À quel point leur façon de nous éduquer influence-t-elle notre rapport au sexe ? 

Quand les parents se contentent du minimum syndical

Prenons un exemple lambda, par exemple, le mien. Le jour où j’ai eu mes premières règles marque la première fois où j’ai parlé de sexualité avec mes parents. Par parler sexualité, j’entends « me passer un livre d’éducation sexuelle datant des années 1980 en me précisant que si j’avais la moindre question, je pouvais venir leur poser ». Plus tard, ma mère a évoqué avec moi la contraception et combien il était important que je me protège, pour ne pas avoir d’enfants avant d’en souhaiter, mais surtout pour m’éviter d’attraper des MST plus ou moins graves. C’est elle qui m’a accompagnée pour mon premier examen gynécologique avant de me laisser voler de mes propres ailes, ma carte vitale en main.

Beaucoup des lectrices qui ont accepté de répondre à mes questions ont été dans le même cas que moi. L’une d’entre elles raconte :

« Ils m’ont parlé du danger du sexe à l’époque de mes premières règles, à 12 ans. Me protéger, ne pas accepter n’importe quoi des garçons, prendre mon temps, faire ma première fois par amour et non pour faire comme les autres. Cependant la masturbation, les préliminaires, les positions sexuelles, le plaisir, le porno, tout ça je l’ai appris seule, par les médias, les livres et mon imagination. »

Attention, pavé dans la mare imminent : nos parents s’inquiètent pour notre santé. Il est donc logique pour eux de nous parler contraception et protection contre les MST car ils n’ont évidemment pas envie de nous savoir malades ou malheureuses avec une grossesse non désirée. Ils n’ont donc aucune difficulté à nous parler des mécanismes qui pourraient nous éviter de connaître des désagréments plus ou moins sérieux. C’est ce qu’on appelle le minimum syndical de l’éducation sexuelle.

En revanche, dans leur envie de nous savoir heureux, certains restent toutefois mal à l’aise à l’idée de creuser le sujet pour nous apprendre à faire des préliminaires, à nous épanouir sensoriellement et à profiter de toutes les joies que nos parties peuvent nous apporter. Pour certains, l’influence de la propre éducation sexuelle qu’ils ont reçue par leurs parents jouent beaucoup : mon propre père a tout appris tout seul sans jamais oser en parler avec ses géniteurs et réciproquement, et face à moi qui apprend tout sur Internet, il y a un fossé qu’il n’a jamais su traverser. Conflit générationnel, tout ça.

Entretien et transmissions des tabous

Mais ce pourrait-il que toutes les filles de notre génération qui ont grandi dans des familles où la sexualité était un tabou entretiennent ce sentiment et cette façon restreinte et fermée de voir les choses ? Je ne suis pas sûre.

Sans vouloir faire de généralités, il est clair que notre génération a grandi avec Internet, où on trouve du bon comme du mauvais. Très vite, quand à l’adolescence, j’avais des conversations sur le cul avec des copines, j’ai appris à aller googler les termes utilisés pour voir si elles ne m’avaient pas dit n’importe quoi. Et c’est ainsi que mon grand précepteur du sexe est devenu le Net, où j’ai pris connaissance d’un nombre raisonnable de pratiques sur lesquelles je me suis renseignée, d’abord pour plaisanter, avant qu’elles fassent leur chemin dans mon esprit et que j’accepte leur existence dans le monde. Une autre lectrice raconte aussi être passée par le Net pour s’éduquer sexuellement :

« Concernant mon identité sexuelle je n’ai pas l’impression que ce manque de dialogue m’ait influencée. J’ai appris très tôt, par hasard, à me faire du bien toute seule, petite je n’avais pas vraiment conscience de ce que je faisais et puis avec le temps j’ai appris à comprendre pourquoi je me masturbais, ce qui m’excitait (porno sur le Net, téléfilms érotiques sur M6 le dimanche soir. »

Nombreuses sont celles qui ont compensé le manque d’échanges sur le sexe avec les parents par les conversations à ce sujet avec les amis, Internet, ou en regardant des scènes de nu à la télé, comme cette autre lectrice.

« J’ai dû tout découvrir toute seule, ma mère ne m’en a jamais parlé. Je suis la dernière de mes frères et soeurs, et c’était pareil avec eux. Elle nous a laissé faire notre apprentissage nous-même en fait. Par contre on avait souvent des discussions sur ma pilule, tout ça, mais rien de plus. Quand j’ai eu mon premier copain, la seule fois où ma mère m’en a parlé elle m’a juste dit : « Vous dormez ensemble ? Bon, on va te prendre rendez-vous chez le gynéco« . Rien de plus. J’ai donc fait mon apprentissage par moi-même, grace à Internet, avec mon copain, les copines, tout ça. »

En ce sens, on peut estimer qu’avec toutes les possibilités qu’on a pour assouvir notre curiosité et nos interrogations multiples, on peut facilement faire fi des craintes et des complexes de nos géniteurs pour se libérer nous-mêmes des tabous et de la culpabilité qui auraient pu brimer notre sexualité. Et – plus accessoirement – nous éviter de transmettre cette gêne à parler de cul à nos enfants si tant est que nous en voulions un jour.

"On aurait peut-être dû lui dire qu'il fallait pas croquer..."

"On aurait peut-être dû lui dire qu'il fallait pas croquer…"

La masturbation : le seul vrai sujet tabou ?

Existe-t-il des parents complètement décomplexés de la nouille au point de n’éviter aucun sujet et de n’avoir aucun tabou ? Il y en a sûrement, mais pas dans le panel représenté par les lectrices qui ont bien voulu participer à la conversation. Une madmoiZelle nous a parlé de sa mère, très ouverte sur la sexualité et celles des autres et qui semble préconiser une sorte d’équilibre entre l’ouverture d’esprit et une certaine réserve. Toutefois, malgré la facilité avec laquelle elle traite le sujet, elle reste silencieuse sur un sujet :

« […] Le sexe n’a jamais été tabou, surtout pour ma mère, mais le sujet n’est pas non plus abordé tous les jours; il y a une forme de pudeur sans complexe et sans honte dans ma famille.

[…] J’ai l’impression que maintenir un équilibre entre liberté d’aborder le sujet (absence de complexe) et pudeur est probablement une bonne idée. Mais en même temps, ça peut aussi envoyer des signaux contradictoires. Je me souviens que comme on n’en parlait pas tant que ça, j’avais honte de me masturber au début. Je pense que mes parents considéraient que mon plaisir et mes désirs ne regardaient que moi et qu’ils n’avaient pas à ingérer là-dedans, du coup au début je ne savais pas si je pouvais en profiter ou si c’était pas bien. »

Pourquoi un tel silence radio sur la masturbation, alors même qu’Ophélie Winter en a fait une chanson ?

Que peut-on en déduire ? Est-ce que la masturbation (notamment féminine) est quelque chose de complètement tabou dans notre société ? Ou bien est-ce tout simplement parce que les parents estiment qu’il y a des choses que nous devons découvrir par nous-mêmes et que cela relève de notre propre intimité ?

Peut-être que c’est un mélange d’un peu tout ça. Et peut-être qu’il est très sain au fond de découvrir le plaisir solitaire seule sans en dialoguer avec ses parents car c’est finalement le premier apprentissage sexuel que l’on vit. À l’instar de toutes les évolutions dans notre rapport au sexe que nous vivons, que nous avons vécu et que nous continuerons à vivre, la masturbation nous apporte son lot d’interrogations. Elle nous aide dès notre plus jeune âge à apprendre à connaître notre corps, à nous découvrir sensoriellement. C’est là le premier acte qu’on commet exclusivement seule dans notre chambre d’enfant. Le seul véritable problème relevé par quelques-unes des lectrices à ce sujet, c’est qu’à éviter le sujet de la masturbation, les parents n’ont pas su rassurer leur fille en leur expliquant qu’aucun sentiment de culpabilité ne devait en découler.

S’affranchir des parents

En épluchant les réactions des lectrices qui ont répondu à mes questions, j’ai bien noté que toutes ont su s’épanouir physiquement quelle que soit la façon dont leurs parents leur ont parlé de sexe – c’est bien le plus important. En fait, c’est comme si elles s’étaient construites toute seule à ce sujet, comme si elles avaient su s’affranchir du rapport de leurs géniteurs vis-à-vis du sexe pour se construire le leur. C’est bien la preuve que la sexualité échappe aux clichés qui voudraient que l’on entretienne les mêmes tabous de génération en génération.

Parce que rien ne doit se mettre entre nous et les spasmes vulvaires.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

18
Avatar de Gormy
5 mars 2014 à 23h03
Gormy
houlala je refais sortir ce sujet juste pour parler de moi ! ohohoh

personnellement, je n'ai jamais connu de tabou, ma mère bossant dans un planning familial et étant infirmière, j'ai pas vraiment l'impression d'avoir eu specifiquement une éducation sexuelle, parceque j'y ai toujours eu accès, je me souviens très bien savoir exactement à quoi servait un preservatif à 7ans, alors qu'elle ramenais des sac entier de com' sur la contraceptions, les MST en tout genre et même les préservatifs féminin pas si courant il y a 10ans.
Pareil, par exemple pour la masturbation, je n'en ai jamais parler à mes parents sur mon propre cas, mais on a déjà eu des discutions là dessus dans la généralité comme sur tout. Il ne m'expliquais pas en détail leurs intimité et ne me demandais pas de faire ça, on échangeais plutôt sur tout ce qui était possible ou non pour chacun, et partout. Ce qui existe ect, ect.
Je crois que ce qui aide dans ma famille (et dans plein d'autre j'en suis sûr) c'est que l'on n'expose pas la situation en se pointant du doigt mais plutôt en discutant de chose et d'autre à ce sujet comme un fait, c'est pour tout le monde.
Si j'ai voulu réagir maintenant c'est que je viens de re-relire cet article et je me suis rappelé d'une discussion récente avec mon père à propos de l'internat et de la possibilité de relation sexuel entre des élèves (internat non-mixte) on a parlé de tout et surtout de masturbation, ça me paraissais naturel, il ne me demandais pas "et toi comment tu fait quand tu te touche ?" mais plutôt "et comment font ceux qui veulent se faire plaisir tout seul ?" c'était hyper naturel, il ne me montrait pas du doigt en parlant seulement de moi, mais je me rends compte en re-lisant cette article que ce n'est pas si évidant partout.
Voilà, mon petit témoignage sur la question?
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