Tu vois, madmoiZelle, hier soir, dans mes placards, il y avait des tas de trucs sains : des fruits, des légumes, des trucs d’apprentie végétarienne. Oui, mais voilà, je n’avais envie que d’une chose (un truc de gourmet, tu vas voir) : une pizza livrée par les bons soins de la première chaîne venue. Avec de la mozzarella dans la croûte.
Pourtant, à chaque fois, c’est la même histoire : vautrée devant une série ou une émission, je mâchouille ma pizza en la trouvant parfaitement dégueulasse.
Mais alors, pourquoi je recommence ? Ces envies cycliques d’aliments un peu pourris, vous connaissez ça ? Pourquoi certain-e-s d’entre nous ne peuvent pas résister à l’appel de la junk food ?
Figurez-vous que des chercheur-se-s se sont saisis du sujet. En 2011, David Neal, Wendy Wood, Mengju Wu et David Kurlander ont mis au point une expérience autour de la question suivante : pourquoi certaines de nos habitudes persistent, même lorsqu’elles ne correspondent pas à nos intentions conscientes ? Peut-on arrêter de se goinfrer de pop-corn au cinéma ?
Manger du pop-corn pas frais… sans même le réaliser
Pour répondre à leurs interrogations, l’équipe menée par David Neal a tout d’abord placé du popcorn à disposition de personnes qui étaient sur le point d’entrer dans une salle de cinéma. Les personnes étaient répartis dans deux groupes : certains recevaient un paquet de pop-corn « frais », tandis que d’autres héritaient d’un paquet de pop-corn vieux d’une semaine.
Les chercheur-se-s demandent également aux participant-e-s de répondre à quelques questions – dont l’une portant sur leurs habitudes alimentaires au cinéma : ont-ils l’habitude de manger du pop-corn pendant les projections ?
Après la projection, les chercheur-se-s comparent les quantités de pop-corn avalées par chaque participant… et constatent une chose étonnante : les personnes ayant indiqué qu’elles mangeaient régulièrement du pop-corn au cinoche ont avalé à peu près la même quantité de pop-corn « frais » que de pop-corn « pourri ». En revanche, les participant-e-s qui avaient déclaré de pas avoir d’habitudes spécifiques ont mangé beaucoup moins de pop-corn pourri que de popcorn frais !
Mais alors, les aficionados de popcorn aiment-ils tellement ces friandises qu’ils peuvent les manger même lorsqu’elles sont un peu pourraves ?
Pour compléter leurs analyses, les chercheur-se-s avaient intégré à leur expérience un « groupe contrôle ». Pour les membres de ce groupe, l’environnement variait : les participant-e-s étaient installés dans des salles de réunion et visionnaient des bandes-annonces, et des pop-corns frais ou des pop-corns vieux d’une semaine leur étaient distribués. Cette fois, les résultats sont différents : le vieux pop-corn est bien moins mangé par les participant-e-s.
Pour David Neal et son équipe, cette différence s’explique par les « conditions environnementales » : être au cinéma agirait comme un élément déclencheur du comportement alimentaire – nous associons cette activité au pop-corn. Si on en distribue dans une salle de réunion, par exemple, nous sommes plus réceptifs au goût de l’aliment : s’il est mauvais, nous arrêtons de le manger. Au cinéma, nous mangerions avec un « esprit passif », par habitude, sans trop prêter d’attention au goût de ce que l’on avale.
Pour le professeur de psychologie, lorsque nous mangeons un type de friandises particulier dans un environnemental particulier de façon répétée, notre cerveau associe cette friandise à cet environnement – par conséquent, lorsque tous les facteurs sont réunis, nous aurons envie de manger cette friandise, c’est devenu une habitude alimentaire… Et dans ce cas-là, peu importe le goût : nous ne recherchons plus le bon goût de la nourriture, mais la friandise en elle-même, qu’elle soit fraîche ou non.
En somme, cette première phase d’étude indique que l’environnement joue un rôle non négligeable dans nos comportements.
ALLONS BON. Est-on condamné-e-s à manger des pop-corns avariés et des mauvaises pizzas lorsque les conditions environnementales sont réunies ?
Une stratégie pour éveiller sa conscience alimentaire
David Neal et ses acolytes ont repris leurs recherches et ont essayé de dénicher une manière de lutter contre cette satanée habitude de « manger sans réfléchir ». Évidemment, pour eux, il n’est pas question de changer l’environnement : nous serons toujours amené-e-s à aller au cinéma, à prévoir des soirées séries, etc.
Les chercheur-se-s mènent une expérience simple : une fois encore, ils offrent à des volontaires les deux types de pop-corn (le frais et l’ancien), en demandant à une partie d’entre eux de les manger avec leur main non « dominante » (avec la main droite pour les gauchers, et la main gauche pour les droitiers).
Cette demande change la consommation de pop-corn : les personnes qui doivent utiliser leur main non dominante mangent moins de pop-corn ancien que de « bon » pop-corn, même lorsqu’ils ont l’habitude de manger la friandise au cinéma. En d’autres termes, le simple fait d’interrompre nos automatismes par une technique lambda suffit à éveiller un peu la conscience des mangeurs. Et lorsque notre attention est mobilisée, nous pouvons tenir compte du goût (et de la quantité) de ce que nous ingurgitons !
Finalement, après avoir mis en lumière que nos comportements alimentaires étaient fortement liés à nos environnements, David Neal et son équipe nous offrent une première stratégie pour contrer nos habitudes – si tant est que nous souhaitons les contrer bien sûr.
Que pensez-vous de ces trouvailles et analyses ?
Pour aller plus loin :
- L’expérience
- Un article de livescience
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Pour revenir aux exemples cités, personnellement je ne suis pas une adepte du popcorn, pour moi ça n'a pas d'intérêt gustatif (en plus ça dérange tout le monde ) et ne suis pas habituée à manger devant un film. Pour les pizza j'en commande tellement rarement que quand c'est le cas je trouve ça trop booon haha.
Par contre j'ai davantage des habitudes et des automatismes liés à l'environnement et aux gens de l'entourage qui font que parfois on mange plus par convenance, parce que c'est l'heure ou que la majorité a prévu ceci ou cela, que par faim. Je subis des reproches de ma mère quand je ne mange pas à tel moment alors que juste je n'en éprouvais pas le besoin… ça devient pesant. Et pourtant je suis la première à reconnaître que partager un repas c'est tellement mieux, j'ai pas trop de plaisir à manger quand je suis seule, mais du coup enchaîner les repas en famille rime souvent avec manger trop et avoir mal au ventre (bon je dis ça mais si je n'étais pas aussi accro à baguette+fromage en fin de repas, ça n'arriverait pas :rolleyes