Ces derniers mois, voire ces dernières années, on peut s’être fait la réflexion que le féminisme, à droite, semblait plutôt rare sinon inexistant. Entre les oppositions rencontrées face aux ABCD de l’égalité, les attaques contre Najat Vallaud-Belkacem alors qu’elle était Ministre des Droits des femmes et les diatribes contre la « théorie du genre » (qui rappelons-le, n’existe pas), les tentatives de progrès n’ont pas suscité de réel enthousiasme de ce côté du tableau politique.
Si l’on prend le premier parti d’opposition à l’heure actuelle, le fait que moins de 30% des candidat•e•s investi•e•s aux dernières législatives aient été des femmes et que le parti ait encore une fois été sanctionné pour no- respect des règles sur la parité ne nous incite pas non plus à penser qu’un féminisme pourrait se cacher dans les rangs de l’UMP. Et pourtant…
Rencontre avec Aurore Bergé
Aurore Bergé est jeune, mais elle a déjà un parcours politique plutôt riche. Engagée depuis ses 16 ans, porte-parole des jeunes UMP des Yvelines entre 2008 et 2010, elle est allée chercher son investiture lors des dernières élections communales et est élue depuis dans la mairie de Magny.
Aussi coordinatrice du déploiement du numérique au sein du parti, elle est venue parler de son féminisme lors d’une rencontre organisée par l’association Politiqu’elles de Sciences Po, qu’elle tient à faire exister, y compris à droite.
D’abord, pourquoi se pose-t-on cette question ? Ne serait-ce pas naturel d’avoir un féminisme à droite ? Aurore Bergé tient à rappeler que de grandes réformes menées en faveur des femmes l’ont été par des personnalités politiques positionnées à droite, au premier rang desquelles l’avortement, qui a été porté par Simone Veil sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.
Elle rappelle aussi que c’est un gouvernement de droite qui a renforcé la loi sur les quotas en 2007. Selon elle, « le problème c’est un décalage systématique [entre les élus et les citoyen car le Parlement est] assez masculin et assez âgé ».
Pourtant, selon sa conception de la droite et du féminisme, c’est un combat qui devrait être intrinsèque et mené de façon forte par son camp politique, car le féminisme d’Aurore Bergé, c’est avant tout la liberté. Liberté de choisir son parcours, liberté d’accéder aux responsabilités, liberté de mener sa carrière et sa vie privée comme on l’entend. Et la liberté, « c’est la valeur cardinale de la droite ».
C’est ici qu’elle distingue ce qui pourrait être un « féminisme de gauche » et un « féminisme de droite », l’égalité d’un côté et la liberté de l’autre, en soulignant qu’ils sont complémentaires. Elle affirme cependant n’avoir « aucune gêne à parler d’égalité » et qu’elle est persuadée que « la droite gagnerait à se saisir de ce sujet pour ne pas le laisser à la gauche mais aussi pour que ça ne soit pas conflictuel ».
Droite et féminisme
Et en effet, le sujet semble s’être matérialisé en marqueur idéologique. Lorsqu’un étudiant l’interroge sur son avis sur les ABCD de l’égalité, elle affirme qu’elle « pense que tout se joue au niveau de l’éducation » et qu’on devrait « apprendre aux petites filles que tout leur est possible au même titre qu’aux petits garçons ».
Dénonçant les nombreux fantasmes sur cette fameuse « théorie du genre » et le fait que ça ait contribué à brouiller le message, elle était d’accord sur le fond du dispositif mais pense que la présentation de ce dernier a été utilisée par le gouvernement pour en faire un marqueur de gauche et que cela a suscité, de suite, l’opposition de la droite. « Il n’y avait pas urgence à le mettre en place dans le mois, ou dans les deux mois, avance-t-elle, on aurait dû rassembler et s’appuyer davantage sur la communauté enseignante et le volet associatif ».
Ce sujet s’étend d’ailleurs au-delà de l’éducation, à la représentation des femmes dans la société en générale ; en effet, à titre d’exemple, les experts interviewés sur les plateaux télé sont en très grande majorité des hommes.
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Concernant la question des quotas mentionnée brièvement en début de rencontre, un étudiant militant à l’UMP avance qu’il conçoit ceux-ci comme une « insulte à l’intelligence » des femmes, « qui sont nommées car elles sont femmes plus que de part leurs compétences ». C’est un point de vue régulièrement défendu à l’UMP et Aurore Bergé invoque alors Françoise Giroux en répondant qu’on aura fait des progrès « le jour où autant de femmes incompétentes que d’hommes incompétents seront nommés ».
Pour elle, les quotas sont un mal nécessaire car sans eux, même si c’est triste à dire, « nous attendrions encore ». « Et de fait, nous attendons encore », car la parité est loin d’être atteinte ! Mais le sujet va plus loin : d’après Aurore Bergé, s’ils ne sont pas toujours efficaces c’est que les hommes en place ne veulent pas céder leur siège, le renouvellement ne parvient pas à se faire.
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Être une femme et faire de la politique
Pour y remédier, le non-cumul des mandats en nombre n’est pas suffisant, il serait nécessaire d’aller plus loin avec le non-cumul dans le temps. Mais là encore, une autre question se profile : cela suppose un véritable statut de l’élu•e, le problème étant aujourd’hui qu’on a fait de la politique un métier alors qu’il conviendrait qu’elle soit une parenthèse qui permette ensuite de retourner à la vie civile. C’est de cette manière aussi qu’on pourra faire entrer plus de diversité et de jeunesse au parlement.
Lorsqu’on tire le fil du (prétendu) manque d’engagement des femmes en politique et du fait que certains pensent qu’il est difficile de trouver suffisamment de femmes pour constituer une liste, Aurore Bergé mais également une autre élue venue participer à l’échange apportent leurs expériences personnelles : en tant que femmes ayant été face à ce défi, elles n’ont eu aucun mal à former une liste paritaire. « J’avais même trop de femmes ! » s’exclame Aurore Bergé, quand la seconde explique pour revenir sur la question de la compétence « [qu’elle avait] des femmes compétentes, mais par contre qu’on a essayé de [lui] imposer des hommes incompétents ».
Finalement, sur son expérience en tant que jeune femme engagée, Aurore Bergé avoue avoir été surprise du nombre de réactions qu’elle pouvait provoquer. La première fois qu’il a été dur pour elle de faire face au sexisme, c’est lorsque suite à sa nomination à la présidence des jeunes UMP d’Yvelines par le président du Conseil Général, à seulement 19 ans, on lui a prêté une liaison avec ce dernier. « Aujourd’hui je le prend avec recul et humour », mais à l’époque ce n’étaient pas des propos aisés à affronter. « Là, j’ai été insultée dans mon intelligence », reprend-elle.
Mais même aujourd’hui, avec davantage d’expérience, elle estime que le fait d’être une femme, jeune qui plus est, apporte quantité de questionnements qui épargnent les hommes : vais-je devoir argumenter sur ma jeunesse, sur mon genre, dois-je me vieillir, masquer ma féminité ? Et ces questions-là ne datent pas d’aujourd’hui puisqu’elle évoque Isabelle Debré avec qui elle a échangé à l’occasion de l’écriture de son ouvrage Alter-Égales, en collaboration avec Élise Vouvet et Élodie Massé.
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La sénatrice racontait alors que pendant longtemps elle avait rejeté sa féminité pour éviter au maximum qu’on lui oppose cet argument, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que si même elle n’assumait pas cette part de féminité, il serait difficile pour la nouvelle génération de le faire.
Finalement, si Aurore Bergé a un conseil à donner, c’est d’oser se faire entendre, oser demander le poste que l’on souhaite, oser prendre la parole car si nous ne la prenons pas, on ne nous la donnera pas non plus.
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