C’est un phénomène qui n’avait pas encore été étudié et documenté. Au Québec, un rapport vient d’être publié sur la stérilisation imposée de femmes des Premières Nations et Inuit. Des pratiques qui s’inscrivent « dans un continuum de violences coloniales qui perdurent encore aujourd’hui », peut-on lire dans le document dès son introduction.
Au total, l’école d’études autochtones rattachée à l’université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a recueilli 35 témoignages en 2021. Ils font état de patientes peu ou mal informées et d’actes médicaux réalisés à la hâte : « Parmi les témoignages recueillis, neuf concernent une stérilisation imposée, treize concernent une stérilisation imposée et d’autres violences obstétricales, six se rapportent à des violences obstétricales sans stérilisation imposée, trois renvoient à un avortement imposé et quatre relatent des actes posés sur un membre de leur famille ou dans le contexte de leur travail. »
Si le sujet émerge aujourd’hui, c’est notamment grâce à la prise de parole des femmes autochtones de la province de la Saskatchewan en 2013, stérilisées contre leur gré. Leurs récits ont créé une onde de choc, permettant l’ouverture d’enquêtes sur les pratiques des professionnels de santé. Un groupe de travail sur la compétence culturelle en matière de santé a été créé, auquel le gouvernement a refusé de se joindre.
Il permet d’observer deux grands enjeux « la notion de consentement libre et éclairé » et « l’étude du racisme et de la discrimination systémique vécue par les femmes autochtones au sein du système de santé ».
Le reflet d’un racisme ancré
« J’aurais aimé être traitée de la même façon que les autres patientes non autochtones, parce que je voyais déjà quand j’étais dans la salle d’attente, je voyais déjà du racisme », affirme une autre témoin.
Ces pratiques médicales sont aussi le reflet d’un racisme systémique persistant au Canada. Les stéréotypes à l’égard des femmes autochtones sont à l’origine de cette volonté de contrôler la fertilité de cette population :
« Ce contrôle de la fertilité est enraciné dans des préjugés tenaces et pernicieux, tels que celui de la Welfare Queen (que l’on peut traduire par « reine de l’aide sociale »), selon lesquels certaines femmes tombent enceintes à répétition pour recevoir le soutien financier de l’État, ou encore qui dépeignent des femmes comme étant insouciantes. »
Le stéréotype de la Welfare Queen a été notamment utilisé aux États-Unis pour diaboliser et dénigrer les femmes noires, dépeintes comme ayant des mœurs libres, jugées paresseuses et accusées de profiter des aides sociales.
Un tabou persistant
Plusieurs récits présents dans le rapport sont glaçants tant ils montrent une absence totale d’éthique et de respect des patientes de la part de médecins : une femme raconte que sa sœur a subi une ligature des trompes sans son consentement alors qu’elle avait été hospitalisée pour une opération des amygdales. Une histoire similaire à cette autre témoin, venue pour une intervention à la vessie : « J’ai développé une infection et le chirurgien est venu me voir environ trois jours après l’opération pour me dire : “eh bien, pendant que j’y étais, j’ai décidé d’enlever votre utérus”. C’était la première fois qu’on m’en parlait. »
Des violences qui ont eu des conséquences sur la vie intime de ces femmes, sur leur santé, sur leur rapport au corps médical, auquel s’ajoute le poids du secret : « Même des années plus tard, la crainte du jugement est toujours ancrée en elles. Le silence, le tabou, le déni ainsi que la solitude ont fait en sorte que ce pan de leur vie a longtemps été enfoui. Pour certaines, c’était la première fois qu’elles verbalisaient ce qu’elles avaient vécu. »
Depuis juillet 2022, le Sénat examine une loi pour punir ces pratiques. Un comité réclame aussi la reconnaissance officielle de ces violences, ainsi que des réparations pour les victimes.
À lire aussi : Les Américaines racisées accouchent de plus en plus hors hôpital, contraintes par la précarité
Crédit photo : Alexander Grey via Unsplash
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Par contre, quand ce sont les femmes qui demandent d'elles même à être stérilisées, elles peuvent bien aller se brosser. C'est quoi ce non sens ? J'ai l'impression que ça les excitent de pas respecter leurs patientes et de jouer à Dr Maboul avec elles