« La place des drag queens, c’est dans les cabarets, pas dans les bibliothèques ». Le 2 avril, se tenait au Québec, une manifestation contre Barbada, célèbre drag queen canadienne, qui lit depuis 2016 des histoires aux enfants des écoles de la province. Alors qu’elle devait animer une nouvelle « heure du conte » dans la ville de Sainte-Catherine, Barbada a dû se produire dans un lieu tenu secret, par mesure de sécurité. Deux semaines plus tard, le chef du Parti conservateur canadien (qui ne compte aucun élu à l’Assemblée nationale) vient de déposer une pétition pour réclamer que soient suspendus les financements à destination des activités animées par les drag queens à l’école et dans les bibliothèques municipales.
Une guerre culturelle aux fausses allures de protection infantile
Pour nos confrères de Radio-Canada, cela ne fait aucun doute : la haine anti-drag a été directement importée de leurs voisins états-uniens, dont l’actualité ces derniers mois a été émaillée de nombreuses mesures restrictives à l’égard des drag queens et kings. Le média évoque une guerre culturelle :
« D’un côté, on a les valeurs progressistes de diversité, d’inclusion, de tolérance. De l’autre, on a des valeurs plus conservatrices, qui considèrent que le progressisme va trop loin. On constate une espèce de mouvement de ressac par rapport à toutes les évolutions sociales des dernières années, et je pense que le mouvement de protestation contre les drag queens, là, s’inscrit dans ce phénomène plus large. »
Frédérick Nadeau, chercheur au CEFIR, cité par Radio-Canada
En effet, la droite conservatrice mène un combat féroce contre les drag shows aux États-Unis, au nom d’une prétendue protection des plus jeunes : en 2022, les militants du groupe d’extrême droite Proud Boys s’attaquaient aux séances de lectures pour enfants animées par des drag queens dans certaines bibliothèques municipales, criant au lavage de cerveau et accusant les intervenant•e•s d’être de potentiel•les « pédophiles ». Cet argument de protection infantile est la carte joker préférée des conservateurs qui l’utilisent à tout-va pour camoufler tant bien que mal leur LGBTQIA-phobie décomplexée.
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L’éducation sexuelle des enfants en question
C’est sur cette même logique que s’est appuyé Eric Duhaime, chef du Parti conservateur canadien, à l’initiative d’une pétition visant à restreindre les activités animées par des drag queens pour « protéger les enfants ». Comme ses confrères américains, le politique est convaincu que ces interventions, très populaires au Canada, sont « une façon déguisée de faire la promotion de la diversité sexuelle et d’influencer le jugement des plus jeunes ». Se joue aussi une certaine vision de la famille nucléaire traditionnelle, analyse Frédérick Nadeau, qui serait mise en péril par des modèles comme ceux qu’incarnent les drag queens.
En creux, se dessine aussi la question épineuse de l’éducation sexuelle pour les plus jeunes, qui suscite bien des craintes chez les conservateurs, désireux de confier cette tâche aux parents pour éviter que leurs enfants ne soient « pervertis » par des discussions sur les identités de genre et/ou l’orientation sexuelle. Un argument entendu à maintes reprises lors de la manifestation contre Barbada, comme le rapporte Radio-Canada : « Aujourd’hui [les drag-queens] veulent faire de l’éducation. C’est pas leur rôle, ils sont pas formés pour ça ». Ironie absolue, quand on sait qu’en parallèle de sa pratique du drag, Barbada enseigne la musique en primaire.
En France, les animations de drag queens pour enfants sont aussi dans le viseur des conservateurs : en décembre 2022, La Maryposa était la cible d’un torrent de haine suite à l’annonce de sa participation à un cabaret pour tous petits. Un harcèlement alimenté notamment par un débat (sans la première concernée) sur le plateau de Touche pas à mon Poste.
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