Donald Trump a mieux à faire, si l’on en croit la réponse qu’il a faite à un journaliste qui l’interrogeait lors de son déplacement en Irlande, où il visite des golfs dont il est propriétaire, alors que se tenait, mercredi 3 mai, le sixième jour du procès civil pour viol et diffamation, qui l’oppose à la chroniqueuse et autrice E. Jean Carroll.
Une absence qu’il justifie par une visite qui était un « accord de longue date » pour assister à une « formidable réception », ajoutant au mépris et à la déconnexion totale dont faisait déjà montre l’ancien président.
Jeter le discrédit sur le récit de E. Jean Carroll
Pourtant, s’il estime que « nous nous débrouillons très bien à New York », ce qui ressort de ces six jours de procès n’est pas tellement favorable à l’ancien président et à sa défense, qui tente par tous les moyens, et parfois vainement, de discréditer le témoignage de Carroll.
À l’ouverture du procès, mercredi 26 avril, l’ancienne chroniqueuse du ELLE avait livré un récit glaçant de sa version des faits : « Je suis ici parce que Donald Trump m’a violée », détaillant les conditions de son agression présumée dans la cabine d’essayage de Bergdorf Goodman, un grand magasin de luxe, au milieu des années 1990. Des accusations réfutées par Donald Trump.
La « victime idéale »
Dès le début du procès et tout au long de plusieurs journées de contre-interrogatoire, Joseph Tacopina, l’avocat de Donald Trump, réputé pour ses stratégies de défense très agressives, a questionné E. Jean Carroll sur son comportement lors de l’agression et sa réaction à la suite de celle-ci. Pourquoi n’a-t-elle pas appelé à l’aide ? Pourquoi n’a-t-elle pas porté plainte ensuite ? Pourquoi, bien plus tard, a-t-elle affirmé, dans un podcast enregistré en 2019 que sa vie était « fabuleuse » ? En résumé, pourquoi n’a-t-elle pas enfilé le costume de la victime idéale, reproche déguisé en question qui revient sans cesse lorsqu’il s’agit de décrédibiliser le récit des victimes de viols ou d’agressions sexuelles.
Pourtant, de nombreuses études ont déjà démontré et expliqué le phénomène de sidération dont peuvent faire l’objet des victimes d’agression, les empêchant de bouger, de se défendre, et parfois même par la suite, de se souvenir de détails liés à l’agression.
Une réalité que les avocats de Donald Trump ont savamment décidé d’ignorer, questionnant encore E. Jean Carroll sur la date précise de l’agression présumée, l’accusant, de façon non voilée d’avoir tout inventé sur la base du scénario d’un épisode de la série Law & Order datant de 2012, dans lequel un viol se déroule dans la cabine d’essayage d’un grand magasin. Une accusation vite réfutée par les avocats de E. Jean Carroll, arguant que dans un tel cas, la chroniqueuse n’aurait pas pu témoigner de l’agression auprès de deux de ses amies plusieurs années plus tôt.
Deux autres femmes accusent Donald Trump d’agressions sexuelles
Autant de tentatives vaines de déstabiliser et de décrédibiliser le témoignage de E. Jean Carroll, qui n’ont pas manqué d’agacer le juge Kaplan, qui a plusieurs fois répondu de façon sarcastique aux questions des avocats de Donald Trump, suscitant parfois même un rire, de la part des membres de jury, comme le rapportent nos confrères du New York Times.
Car les accusations pleuvent sur l’ancien-Président lors de ce procès, et pas uniquement de la part de E. Jean Carroll, démontrant un modus operandi bien établi.
Mardi 2 mai, Jessica Leeds, femme d’affaires à la retraite a expliqué avoir été agressée sexuellement par Donald Trump dans un avion à la fin des années 1970. Alors qu’elle le rencontre lors d’un vol qu’ils partagent, elle raconte : « Il n’y a pas eu de discussion, c’est venu de nulle part (…) Il a tenté de m’embrasser, d’attraper mes seins (…) Cela m’a semblé durer une éternité ».
Dans l’après-midi du mercredi 3 mai, c’était au tour d’une autre femme de témoigner : alors qu’elle doit réaliser un reportage sur les 1 an de mariage de Donald Trump et sa femme Melania, alors enceinte, en décembre 2005, l’ancienne journaliste de People, Natasha Stoynoff, raconte s’être fait agresser sexuellement par l’ancien-Président dans sa résidence de Mar-a-Lago.
Choquée, elle n’en a parlé qu’à quelques amis, se pensant isolée, avant de réaliser plus de dix ans plus tard, qu’elle n’était pas la seule, lorsqu’une vidéo de Trump expliquant « attraper les femmes par la chatte » avait été révélée par le Washington Post. Elle s’était alors senti la responsabilité d’écrire publiquement sur son agression pour montrer qu’à l’inverse de ce qu’affirmait le candidat alors en campagne, il avait bien déjà, au moins une fois, embrassé de force des femmes.
E. Jean Carroll a souffert longtemps après l’agression, selon une psychologue
Mercredi, Leslie Lebowitz, une psychologue clinicienne et spécialiste des traumatismes a également été entendue, répondant aux questions après 20 heures d’entretien avec E. Jean Carroll, confirmant que l’autrice états-unienne avait souffert longtemps après l’agression.
Après avoir expliqué les mécanismes de fonctionnement du cerveau d’une personne qui vient de subir un traumatisme, elle a été questionnée sur les raisons pour lesquelles Carroll avait refusé d’utiliser les mots « viol » ou « victime », et quel impact l’agression avait eu sur sa vie. « Elle avait l’impression d’être stupide » a répondu la psychologue, « elle a eu l’impression de valoir moins qu’auparavant ».
S’appuyant sur un vieux cliché sexiste et misogyne, Chad Seigel, l’un des avocats de Trump, a demandé à Leslie Lebowitz si E. Jean Carroll avait pu « présenter ses symptômes » d’une manière qui profiterait à son cas. « Je ne crois pas qu’elle ait fait ça », a répondu la psychologue.
De son côté, Donald Trump n’envisage pas faire venir de témoins complémentaires pour réfuter le récit de Carroll. Le jury devrait pouvoir se réunir dans le courant de la semaine prochaine pour un délibéré.
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