Sur madmoiZelle.com, on a eu envie de te faire découvrir un peu le monde de la bd, mais le monde qui se situe de l’autre côté du crayon, le monde des auteurs. Comment leur sont venus ces personnages, ce style, cet univers ? Quel est leur secret pour, à chaque fois, nous plonger dans un monde différent juste à l’aide de cases juxtaposées les unes aux autres ?
madmoiZelle.com : Bon, d’abord on va essayer de mieux te connaître. Tu pourrais te présenter, en quelques phrases, aux madmoiZelles ici présentes ?
Vanyda : Je m’appelle Vanyda (c’est à la fois mon prénom et mon pseudo d’artiste), j’ai bientôt 27 ans et je fais de la bande dessinée professionnellement depuis 3 ans (le tome 1 de ma première BD L’année du dragon est sorti en août 2003). Avant ça, je faisais du fanzine.
madmoiZelle.com : C’est souvent difficile d’avoir un style propre à soi, dans la vie de tous les jours comme ailleurs. Tu as peut-être eu des influences, des dessinateurs qui t’ont marquée et par la même ont influencé le trait, ou t’ont amenée à pencher vers tel univers, telle atmosphère ?
Vanyda : Le style graphique qui m’a le plus influencé étant enfant, c’est celui des dessins animés japonais qui passaient à la télé à l’époque (Olive et Tom, Les Chevaliers du Zodiaque et surtout Les Samouraïs de l’Eternel). Ensuite j’ai redécouvert la BD avec Thorgal (avant j’avais lu Tintin, et Astérix, mais ça ne m’avait pas inspiré…). Puis Sambre de Yslaire m’a beaucoup marquée de même que Julien Boisvert de Plessix et Akira de Otomo, surtout au niveau des cadrages et de la mise en scène. A l’adolescence, mon style graphique est alors devenu un mélange de manga et de bd franco/belge.
Au niveau de l’univers, depuis le début, ce qui m’intéressait, c’est les relations entre les personnages. Dans la plupart des BD et dessins animés japonais, ces relations n’étaient pas le centre même de l’intrigue mais elles servaient une histoire policière, d’aventure, ou autre… J’adorais inventer ce qui pouvait se passer entre deux combats, enquête ou autre.
C’est avec des auteurs comme Frédéric Boilet ou Jean-Philippe Peyrault, que je me suis aperçue qu’on pouvait faire des BDs uniquement sur des tranches de vie, sans avoir besoin d’une intrigue proprement dite. Aujourd’hui, c’est devenu un genre assez commun, de plus en plus en vogue même, car avec les blogs graphiques, il semble devenu normal de raconter des tranches de vie en BD, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quelques années. D’ailleurs, à l’époque où on cherchait un éditeur avec François Duprat pour L’année du dragon, on a eu du mal a en trouver un, entre autres, à cause de ça.
Récemment, l’arrivée des traductions de « manga pour filles », où l’intrigue est purement sentimentale, m’a aussi un peu influencée dans ma façon de raconter les choses. Des mangas comme ceux de Ai Yazawa (Nana, Paradise Kiss) m’inspirent beaucoup !
madmoiZelle.com : Je suppose que l’envie de dessiner ne t’est pas venue un matin au milieu du mois de février, mais est-ce que tu dessinais déjà depuis l’enfance ? A partir de quand ton "rêve de gosse" t’a-t-il paru possible ?
Vanyda : Oui, je dessine depuis toujours. A l’école j’étais très timide alors je passais mon temps à dessiner et j’ai fait ma première BD à 6 ans. J’ai ensuite continué à dessiner, et je me suis remis à la BD vers 10 ans (après avoir lu Thorgal) et je ne me suis plus jamais arrêtée.
Je dessine depuis l’enfance et c’est vrai que devenir un jour dessinatrice professionnelle était un rêve. Ca ne me semblait pas impossible, mais assez difficile. Ca a commencé à devenir réalisable quand j’étais en 3ème et qu’avec mes parents on s’est renseignés sur la façon de devenir auteur de BD pour mon orientation en seconde. Quand j’ai vu qu’il y avait des Ecoles pour ça (Angoulême en France et plus tard j’ai su qu’il y en avait en Belgique), ça m’a paru du coup un « vrai » métier, avec lequel on pouvait gagner sa vie. Les deux n’ont pas forcément de lien, mais dans ma tête, ça c’est fait comme ça ! En tout cas, il m’a semblé qu’il y avait une voie à suivre… et je l’ai suivie !
madmoiZelle.com : Tu as suivi des cours de dessins ? Une formation dans le domaine artistique ou approchant ? Ou tu es une autodidacte ?
Vanyda : J’ai donc suivi les cours des Beaux-Arts de Tournai en Belgique en section BD après mon bac S. Ca a duré quatre ans, avec des cours théoriques (histoire de l’art, histoire du cinéma, sémiologie…) et des cours pratiques (bd, bien sûr, croquis de nu, dessin, couleur, photo…)
C’était une expérience géniale, où j’ai surtout rencontré d’autres passionnés de BD comme moi. On était six à vraiment bien s’entendre et à avoir une vision assez similaire de la BD, on a donc monté une association pour éditer un fanzine de bande dessinée : Porophore.
J’ai commencé L’immeuble d’en face à ce moment-là, pour le fanzine.
Aujourd’hui, je travaille en atelier avec d’anciens camarades des Beaux-Arts, pour ne pas rester seule chez moi, où j’ai beaucoup plus de mal à travailler.
madmoiZelle.com : C’est toujours intéressant de savoir comment se sont passés les débuts. Comment tout à commencé, LE jour qui a marqué le pas entre le : "je veux faire de la bd" et "ça y est j’ai commencé" ?
Vanyda : Je crois qu’en fait, ça s’est passé à l’envers ! Un jour j’ai fait un dessin, puis un autre à côté dans une autre case puis encore un autre… j’avais commencé ma première bd, mais sans m’en rendre compte (à 6 ans donc), et c’est après que je me suis dis, « Je veux faire de la bd ! ».
Sinon, pour répondre plus sérieusement, ma vraie première bd payée et publié était pour les éditions « Petit à petit ». Ils faisaient un collectif sur les « chansons d’Edith Piaf en bande dessinée » et ils ne voulaient que des dessinatrices. François Duprat, qui était aux Beaux-Arts avec moi et qui travaillait déjà pour eux, m’a présentée à eux au festival BD de Colomiers (près de Toulouse), et c’est comme ça que j’ai été prise sur ce projet. Ils m’ont ensuite rappelée pour le collectif sur les « chansons de Téléphone en bandes dessinées ».
madmoiZelle.com : Tu as des projets particuliers en ce moment, dont tu peux parler ? Ou c’est top secret ? Dans ce cas je serais dans le devoir de te les soutirer sous la torture, hin hin.
Vanyda : En ce moment, je travaille sur la suite de L’immeuble d’en face, qui sortira début 2007 et sur un nouveau projet prévu aux éditions Dargaud en 2008. L’histoire d’une adolescente au collège puis au lycée… Les 2 projets sont prévus en noir et blanc.
Je viens aussi de terminer une courte histoire pour les éditions Casterman, sur le thème de la Corée. Pour cela, j’ai été invitée une semaine à Séoul en mars dernier avec d’autres dessinateurs (Tanquerelle et Bouzard), c’était génial ! La sortie du recueil est prévue à la fin de l’année avec des histoires de six auteurs français et six auteurs coréens
madmoiZelle.com : Justement… étant franco-laotienne, est ce que tu penses un jour travailler sur un projet en rapport avec le Laos ? Ton métissage est quelque chose d’important pour toi ?
Vanyda : J’aimerais bien, en effet, faire un projet (ou plusieurs) en rapport avec le Laos. Je ne sais pas encore sous quelle forme cela pourrait se faire : genre « reportage » comme Quitter Saigon de Clément Baloup (un copain métis vietnamien qui a interviewé des immigrés vietnamiens), ou plus fiction, voire fantastique, en piochant dans le patrimoine culturel local, je ne sais vraiment pas…
Par contre, le métissage ou l’origine asiatique, qui est quelque chose d’assez important pour moi, est un thème que j’ai déjà un peu abordé dans L’année du dragon avec le personnage de Kim, et dans le collectif sur la Corée, les deux personnages principaux sont un frère et une sœur métis franco-coréen qui découvrent Séoul. Pour cette histoire, je me suis inspirée de mon voyage au Laos (en novembre 2005) mélangé à mon voyage en Corée (même si la Corée et le Laos n’ont vraiment pas beaucoup de points communs culturellement et économiquement parlant).
madmoiZelle.com : Tu peux nous faire le récapitulatif de tes publications ?
Vanyda : Pour l’instant j’ai publié 4 albums de BD :
– L’année du dragon 3 tomes, aux éditions Carabas. (Un coffret des 3 tomes est prévu pour le mois de décembre 2006)
– L’immeuble d’en face volume 1, aux éditions Boite à Bulles.
J’ai participé à plusieurs collectifs :
– Chansons d’Edith Piaf en bandes dessinées, aux éditions Petit à Petit
– Chansons de Téléphone en bandes dessinées, aux éditions Petit à Petit
– Corée (à paraître aux éditions Casterman en novembre 2006)
– Porophore n°10, publié en co-édition par Bom Bom Prod et La Boite à Bulles.
Sinon, j’ai illustré le roman Vol plané de Marjolaine Jarry pour le magazine « Je Bouquine » (n° 256). Et je réalise des couvertures pour la collection de roman pour ados Cœur Grenadine (La balade de Sammy Song, Le choix de Romane, Trop beau ! Le garçon que je n’attendais pas…)
J’ai fait une affiche pour le festival de l’animation à Lille l’année dernière… Et voilà !
madmoiZelle.com : Vous avez eu un peu de mal (François Duprat et toi) à trouver un éditeur, au début, pour L’année du dragon. Maintenant que tu as déjà plusieurs publications à ton actif qui ont rencontré un franc succès, c’est plus facile pour toi de trouver des éditeurs ?
Vanyda : En fait, dès la parution de L’immeuble d’en face en auto-édition fin 2002, tout est devenu plus facile pour moi. J’ai reçu juste après plusieurs propositions d’éditeurs pour travailler avec moi (les mêmes qui venaient de refuser L’année du dragon, mais bon). Comme je venais de signer avec Carabas pour 3 tomes de L’année du dragon et que la Boite à Bulles avait déjà bien engagé les choses avec moi pour la version publiée de L’immeuble d’en face, j’ai repoussé pendant quelque temps ces propositions. Mon projet pour Dargaud vient d’un de ces contacts pris en début 2003 avant même la parution du premier tome de L’année du dragon. Ma collaboration avec Casterman résulte aussi de ma rencontre avec Frédéric Boilet à cette époque. Pour moi, l’auto-publication aura vraiment été un tremplin !
madmoiZelle.com : Tu réalises avec quoi tes dessins (Croquis, crayons, palette, peinture) ? Il y a une technique que tu préfères utiliser ? Avec laquelle tu te sens le plus à l’aise ?
Vanyda : Pour réaliser mes BD, j’utilise des feutres. J’ai plusieurs grosseurs et je fais ça sur du papier machine. Pour L’année du dragon je travaillais en A3, mais pour mes autres projets destinés à un format plus petit en noir et blanc, je travaille sur du A4, c’est là que je me sens le plus à l’aise !
Ensuite pour la couleur ou les trames, j’utilise Photoshop (à la souris parce que j’ai perdu le stylo de ma palette graphique). J’aimais bien la peinture (aquarelle, gouache, acrylique), mais faute de temps, ça fait un moment que je n’en ai pas fait…
madmoiZelle.com : Une dernière et je te laisse …. Un petit dessin ?
madmoiZelle.com : Merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions ! Au nom de toute l’équipe et de toute les Madmoizelles, je te souhaite bonne chance pour la suite.
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