— Article du 10 décembre 2013
Que les choses soient bien claires : promis, cet article ne sera pas culpabilisant, moralisateur voire vengeur à l’égard des fumeuses d’entre vous et des fumeurs en général.
Pourquoi ? Parce que je suis fumeuse depuis 6 ans et que j’arrive toujours pas à trouver la force d’arrêter, malgré les gommes à mâcher, les cigarettes électroniques, la motivation pure et les méthodes improvisées.
Alors tu penses bien que je vais pas me mettre en mode « nan mais arrêtez quoi franchement fumer c’est nul et puis ça sert à quoi ? À rien ! ».
Non mais c’est vrai : ce discours, je l’entends à longueur de semaine, comme si j’étais pas déjà au courant de l’inutilité de mon addiction.
S’il suffisait de me faire entendre raison pour que je me débarrasse de ce gouffre financier, ce serait bien trop simple et les choses sont tellement plus compliquées que ça.
Et j’ai tendance à penser que c’est en comprenant les choses par soi-même qu’on finit par avoir le déclic.
C’est comme les mathématiques. Imaginons : tu es (de retour) au lycée et ton prof te donne une équation à faire. C’est ta première fois et tu n’y arrives pas.
Ton enseignant, tout ce qu’il trouve à faire, c’est de rapprocher sa bouche de ton oreille et de crier toutes les 30 secondes « TU FAIS N’IMPORTE QUOI ».
Est-ce que tu vas réussir à apprendre à résoudre des équations de cette façon ? Non, je ne crois pas, non. C’est pareil pour la clope : c’est pas en nous gueulant dessus constamment et en nous foutant la pression qu’on s’en débarrassera.
En revanche, il y a des moments où je réalise de moi-même que mon addiction à la cigarette me rend complètement stupide ascendant tarée.
Alors bien sûr, ces moments-là, tous les fumeurs ne les connaissent pas : il y en a qui arrivent un peu mieux à gérer, et d’autres encore qui sont moins accro.
Mais j’ai comme l’impression que je serai loin d’être la seule concernée. Voici quelques attitudes absurdes que j’ai adoptées depuis que je fume.
Manger en terrasse en décembre
Aller au restaurant quand on peut se le permettre, c’est quand même bien sympa.
Quand je m’y rends avec des non-fumeurs, clairement, y a pas d’embrouille : on se réfugie à l’intérieur et, éventuellement, je sors une ou deux fois me gaver de nicotine, entretenant l’odeur de cacahuète grillée de mon manteau (car oui, je trouve que l’odeur de cigarette ressemble à celle de la cacahuète grillée, pourtant, je vous jure que la nicotine est bien la seule chose que je fume).
Mais quand j’y vais avec exclusivement des fumeurs, on fait un truc un peu foufou : si les propriétaires de l’établissement ont laissé des tables dehors — parfois réchauffées par un chauffage d’extérieur souvent peu efficace — on s’y installe.
Alors évidemment, lorsqu’il fait beau, ça ne choque personne.
Mais parfois, quand il pleut très fort, ou quand les températures sont si fraîches que mes doigts m’en tombent, je me regarde dans une surface réfléchissante (l’écran de mon téléphone, par exemple, histoire de compléter le tableau de la folie) et je me demande… Comment dire…
Surtout quand, le lendemain, au réveil, j’ai un écoulement nasal au point d’en inonder mes draps.
Préférer manger moins bien pour fumer
Un paquet de cigarettes coûte plus de 6€ (cet article a été écrit en 2013, en 2017 on est à plus de 7€, ndlr).
Mon addiction m’en faisant acheter un tous les deux jours (au mieux), je te laisse faire le calcul.
Moi je m’y amuse pas, sinon je finis par angoisser et m’en vouloir, ce qui me donne encore plus envie de fumer, et je me réveille le lendemain avec la bouche pâteuse façon sablés bretons mais sans le sucre.
Du coup, prière de me laisser dans cette position. D’avance, merci.
Et quand, à la fin du mois, je me retrouve à découvert et que je n’ai plus que quelques billets dans mon porte-monnaie, je compte.
Je compte ce qu’il me reste (mais ça, c’est facile), mais je compte surtout le nombre de paquets de cigarettes qu’il me faudra pour tenir jusqu’à la paye.
Et comme j’ai toujours des féculents, légumes secs et conserves dans les placards en plus de quelques sources de protéines dans mon congélateur (car oui, j’ai lu Les indispensables de la cuisine étudiante), je n’ai pas besoin de faire de courses.
Ça ne me fait pas forcément plaisir, mais je mange à ma faim et je peux fumer plein. Si je ne préfèrerais pas m’enfiler une bonne dose de sashimis ?
Si. Mais je sais que je deviendrais complètement ZINZIN sans cigarette alors mon choix est fait. C’est nul, mais tant que j’aurais pas eu le déclic de moi-même d’arrêter d’aspirer du kérosène, ça sera toujours comme ça.
(NOTE VRAIMENT TRÈS TRÈS IMPORTANTE : je ne suis présentement pas en train de me plaindre. Je suis simplement une fumeuse qui ne sait pas gérer son budget).
Partir en expédition le dimanche soir
Je vais te raconter une petite histoire : samedi dernier, pleine de bonne volonté, je ne me suis achetée qu’un seul paquet de cigarettes pour le week-end.
J’ai pensé que ça suffirait, qu’acheter plus m’inciterait à fumer davantage.
Le souci, c’est qu’entre-temps, je me suis souvenue que j’allais à une soirée le soir-même et, donc, que j’allais fumer bien plus que de raison, sans même m’en rendre compte.
Pas parce que j’allais boire comme un trou (je m’amuserais pas à le dire sur le site pour lequel je travaille de toute manière).
Surtout parce que voir les autres allumer des cigarettes quand on est soi-même fumeur, c’est comme observer des gens bâiller : c’est contagieux. Pire que la grippe, que la gale, que l‘herpès labial.
Dimanche, à midi, j’ai vu qu’il ne m’en restait plus aucune, de clope. Je me suis dit « Eh, t’as vachement réduit depuis quelques jours, c’est peut-être le moment d’arrêter. On teste ? ».
De toute façon, avais-je le choix ? La plupart des bureaux de tabac sont fermés, le dimanche.
Quatre heures plus tard, je m’entendais fermer la porte en disant « je reviens tout de suite, je vais m’acheter des cigarettes ».
Une heure plus tard, je marchais toujours dans les rues, toujours aussi vite, actualisant mon téléphone sans cesse pour voir si, par hasard, il ne m’indiquerait pas les heures d’ouverture d’un tabac pas trop loin.
Une demi-heure plus tard, je décidais de traverser la ville en métro pour aller en acheter à la gare.
Deux heures pour acheter un paquet. Deux heures où tout commence en rire nerveux, quand je réalisais par exemple que la lumière rouge clignotante que je voyais au bout de la rue n’avait rien d’un fournisseur de nicotine.
« Hihihi cé phermé. »
Deux heures pendant lesquelles on passe par la crise de larmes, l’impression de suffocation, l’éclair de génie puis, enfin, le soulagement extrême.
En tenant mon paquet de clopes dans les mains, enfin, après autant de temps sans fumer, j’ai eu l’impression de compatir à la joie des parents qui ont perdu leur enfant aux Galeries Lafayette et le retrouvent dix minutes plus tard.
Est-ce que c’était la première fois que ça m’arrivait ? Bien sûr que non. Est-ce que j’ai quand même réussi à être surprise par l’état d’hystérie douloureuse du manque de nicotine ? Oui.
Et toi, quels sont les moments où vraiment,
tu as réalisé que t’étais pas trop loin de devenir dingue à cause de ton addiction à la cigarette ?
Depuis le temps a passé, et Sophie Riche a écrit ses Chroniques d’une ex-fumeuse, que tu peux retrouver ici :
À lire aussi : Chronique d’une ex-fumeuse #1 — La frénésie des premiers jours
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Les Commentaires
C'est d'ailleurs une de mes technique pour diminuer : laisser le paquet rempli loin du cendrier,ordi tout ça, comme ça je suis généralement en mode "Pfffff, j'ai pas envie de me lever..."