Mercredi 7 janvier, l’horreur. Deux terroristes abattent 12 personnes — des caricaturistes de Charlie Hebdo, un agent d’entretien et deux policiers. Jeudi 8 janvier, un autre homme, Amedy Coulibaly, tue une jeune policière municipale. Le lendemain, il prend en otage les client•e•s d’une épicerie casher près de la porte de Vincennes. 5 morts s’ajoutent au lourd bilan laissé par les frères Kouachi, auteurs de l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo.
Dès mercredi, le Gouvernement a tenu une réunion de crise, et le plan Vigipirate a été élevé à son niveau d’alerte maximale en Île-de-France et en Picardie. Jeudi et vendredi, plusieurs alertes à la bombe et aux colis suspects ont perturbé le trafic des transports en commun.
Une vague d’agressions terroristes
La France a peur, et c’est normal : le risque de subir de nouvelles attaques terroristes est bien réel. Depuis mercredi, et la fusillade à la rédaction de Charlie Hebdo, plusieurs dizaines d’attentats sont à déplorer. Là encore, il semblerait que les revendications reposent sur des motifs religieux.
Oui, depuis mercredi, des lieux de culte musulman sont pris pour cible. La mosquée de Soisson a essuyé des tirs, celle de Saint-Juéry également, des grenades ont été lancées contre celle du Mans, celle de Rennes a reçu une enveloppe suspecte contenant de la poudre blanche, celle de Poitiers a été tagguée…
– Carte interactive via francetv infos.
« Ich Bin Charlie » à Bischwiller (Aslace), « Mort aux Arabes » à Poitiers, « Charlie » et « sale arabe » : des tags racistes ont été retrouvés sur des lieux de culte, fréquentés par des musulman•e•s.
Des dizaines d’attaques de ce genre ont été rapportées ; leur ampleur est telle qu’un préfet dédié à la sécurité des lieux de culte a été nommé par Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur.
La liste des victimes d’attentat s’allonge
En parallèle de ces attaques, on déplore déjà plusieurs victimes d’agression : un lycéen passé à tabac, des femmes voilées prises à parti… Le site d’information Al Kanz relaie une infographie de Kaitibîn, qui répertorie les agressions signalées.
Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. Il y a cette femme, à laquelle un enfant vient demander « si elle va se faire sauter » (c’est son père qui le lui a dit), tout ça parce qu’elle vient chercher sa fille à la sortie de l’école… et qu’elle porte un voile. Il y a cet homme auquel ses collègues ont demandé son alibi pour l’heure de la fusillade à Charlie Hebdo...
En France, en 2015. Mais qui fait ça ?
Au total, à l’heure où nous publions ces lignes, ce sont plus de 50 agressions contre des personnes et des lieux de culte qui ont été perpétrées depuis mercredi.
Et oui, ce sont des attaques terroristes, puisqu’elles visent à inspirer la terreur aux musulman•e•s de France. Elles envoient un message clair : ne sortez pas de chez vous. Vous risquez d’être pris•es pour cible.
Il est absolument intolérable, inacceptable, inadmissible que des concitoyen•ne•s ne soient pas libres de circuler sur le territoire français, ne puissent pas exercer leur liberté de culte sans craindre d’être agressé•e•s lâchement.
Nous nous devons de réagir pour empêcher la terreur de s’installer durablement, et empêcher nos concitoyen•ne•s de devenir victimes de la violence de fanatiques intolérants. Il faut tout de même être sérieusement dérangé pour ne voir QUE le point commun « Islam » entre les frères Kouachi et tou•tes les musulman•es de France, et manquer de voir LES différences entre deux terroristes notoires, et tou•tes les musulmans de France ! (Déjà, de base, les uns ont tué 12 personnes, les autres vivent leur vie sans tuer personne : c’est loin d’être un détail.)
Peut-on véritablement parler « d’islamophobie » ? Oui, dans le sens où ces agressions ont pour cible des lieux de culte et des personnes de confession musulmane. Non, dans le sens où elles relèvent davantage de l’ignorance et de la peur de l’autre que d’une réelle aversion pour le religieux, ou cette religion en particulier. Je veux dire, quand on en vient à attaquer des kebabs en « représailles » d’un attentat revendiqué par des fanatiques islamistes, ce n’est plus une guerre de religion, c’est un duel d’abrutis ! Le terme n’est certainement pas assez fort, mais il est sans doute plus correct qu’« islamophobie ».
Prenons par exemple cette personne, qui semble confondre religion, origine ethnique et nationalité :
« de religion arabe ». De mieux en mieux.
Est-ce islamophobe ou simplement crétin ? Je penche pour la deuxième proposition. En revanche, concernant la vague d’agressions visant les lieux de culte et les musulman•es, la question ne se pose pas : ce sont bien des attaques terroristes. Nous sommes tou•te•s citoyen•ne•s français•es avant d’être quoi que ce soit d’autre, et ces attentats perpétrés contre les nôtres, peu importe leur confession, sont insupportables.
Comment réagir ?
La vague de solidarité née des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes n’a pas fait oublier nos concitoyen•ne•s musulman•es, victimes depuis mercredi des pires insultes, menaces et agressions physiques dans certains cas.
Il est extrêmement difficile d’identifier des terroristes avant qu’ils ne passent à l’action. Dans le cas de l’organisation Al Quaïda, ils ont plutôt pour habitude de revendiquer leurs attentats après les avoir perpétrés. Heureusement, les groupes les plus dangereux basés en France sont sous surveillance par le ministère de l’Intérieur.
Le problème n’est pas nouveau, puisqu’il faisait déjà l’objet d’une question au gouvernement en 2012. Cette intervention de Manuel Valls date du 24 octobre 2012.
https://www.dailymotion.com/video/xulp0l_question-d-actualite-au-gouvernement-de-veronique-massonneau-sur-la-lutte-contre-l-intolerance-relig_news
Plusieurs groupuscules d’extrême droite avaient été dissous en 2013, mais il en reste suffisamment pour réussir à semer efficacement la terreur dans les villes.
Pour en savoir plus, je ne puis que vous inviter à vous renseigner sur ces factions radicales grâce au blog Droite(s) Extrême(s) hébergé sur Le Monde.
Signaler les menaces
Si vous avez parmi vos contacts des gens qui partagent les tracts (papier ou numériques) de ces organisations, soyez vigiliant•e•s !
Si vous êtes en mesure d’entamer un dialogue avec la personne pour l’amener à reconsidérer son affiliation à ces organisations, c’est comme si vous aviez réussi à retenir un jeune s’apprêtant à aller faire le djihad en Syrie. Ne hiérarchisons pas les fanatismes.
Si vous voyez passer des tweets ou des posts Facebook contenant des incitations à la haine, ne les retweetez pas, ne les partagez pas : signalez-les aux autorités grâce à la plate-forme Pharos. Et oui, ça sert à quelque chose : il y a déjà eu des inculpations. Dieudonné, qui s’est cru drôle en se fendant d’un « Je suis Charlie Coulibaly » sur sa page Facebook, est poursuivi pour apologie d’actes de terrorisme.
Ne laissez pas passer les menaces ! Faisons ensemble le ménage sur les réseaux sociaux.
Vigilance et solidarité
Face à la recrudescence insupportable de ces attaques visant nos concitoyen•ne•s, nous devons faire front, comme nous l’avons démontré dans les rues de Paris et d’autres villes de France les 10 et 11 janvier.
Le propre du terrorisme, c’est de semer la terreur, justement. On ne sait pas à l’avance quelle sera la cible. En revanche, en « pensant comme un terroriste », on peut éventuellement prévenir certaines agressions aléatoires.
Par exemple, à en juger par les cibles attaquées jusqu’à présent (des lieux de culte mais aussi des kebabs, des femmes voilées, des gens d’origine étrangère), on peut se dire que les terroristes vont prendre pour cible des lieux et des personnes « d’apparence musulmane », cette fameuse expression complètement ridicule (copyright Nicolas Sarkozy), étant donnée que l’apparence d’une personne est déterminée par son patrimoine génétique, et sa foi par ses convictions personnelles et intimes. Il n’y a aucun lien entre les deux.
À lire aussi : L’islamophobie ordinaire — Vos témoignages
Il y a des musulman•ne•s blanc•he•s-bien-de-chez-nous, il y a des émigré•e•s venus du monde arabe non musulman•e•s, des musulman•e•s et des non-musulman•e•s français•es, et quand bien même : on ne m’a jamais demandé de justifier ma religion lorsqu’un catholique extrémiste avait tué 70 personnes à Oslo, je ne vois donc vraiment pas pourquoi je devrais interpeller des femmes voilées pour qu’elles se justifient au sujet des frères Kouachi. Où est le rapport ? Il n’y en a aucun.
#VoyageAvecMoi en toute sérénité
Si vous voyez une femme voilée seule dans les transports, un homme portant la barbe ou un vêtement rappelant ceux portés traditionnellement par les musulmans, et que la personne est visiblement mal à l’aise, regardez autour d’elle et autour de vous : y a-t-il des personnes « d’apparence extrémiste » aux alentours ? Est-elle prise à parti par d’autres gens ? N’hésitez pas à lui demander si tout va bien, si elle n’a pas besoin d’aide, si elle veut de la compagnie pour le trajet.
Si vous êtes une femme, transposez cette situation à ce que vous avez déjà vécu en terme de harcèlement de rue ou dans les transports : quand et comment auriez-vous voulu qu’on s’adresse à vous et qu’on vous vienne en aide ? Adoptez ce comportement avec la personne qui vous semble menacée.
À lire aussi : Diglee, les harceleurs et les passagères du métro
Si vous êtes un homme et/ou que vous n’avez jamais vécu une situation de harcèlement dans l’espace public, ce n’est pas très compliqué : partez du principe que vous avez une personne humaine en face et adressez-vous à elle comme vous aimeriez qu’un•e inconnu•e s’adresse à vous si vous étiez mal à l’aise dans l’espace public.
À lire aussi : Comment (faire) réagir en cas de harcèlement de rue ?
Enfin, à l’image des Australien•nes qui avaient utilisé #IllRideWithYou, suite à une prise d’otages également revendiqué par un fanatique, vous pouvez signaler aux personnes qui craignent d’être agressées dans les transports qu’elles peuvent vous solliciter directement.
Il vous suffit d’utiliser le hashtag #VoyageAvecMoi (ou #VAM pour être efficace) et de poster une photo d’un élément reconnaissable : un sac, une écharpe, des cheveux bleus, c’est vous qui voyez. L’essentiel est que la personne qui se cherche un compagnon de voyage puisse vous reconnaître.
Par exemple, si vous croisez cette personne aux cheveux bleus, vous saurez que vous pouvez lui demander de faire le trajet avec vous. Pour faire les choses bien, je vais aussi coller ce carton sur mon sac. #VoyageAvecMoi #VAM
Alors voilà, c’est idiot, mais il y a dans notre société des fanatiques prêts à agresser nos concitoyen•ne•s à cause de leur couleur de peau et/ou de leur tenue vestimentaire, en raison de la confession qu’ils leur prêtent.
Cela nous oblige à faire preuve de la même solidarité que nous avons démontré dans les différentes Marches Républicaines : là où eux voient un•e ennemi•e, nous voyons un•e concitoyen•ne, en ce moment potentiellement menacé•e par des fanatiques.
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Ne laissez personne autour de vous « exiger des musulmans qu’ils rendent des comptes » à propos des attentats contre Charlie Hebdo. Exigeons collectivement que les auteurs des attentats lâches commis contre des lieux de culte, les tags racistes et les agressions physiques soient condamnés à la hauteur de la gravité de leurs actes. Cette haine de l’autre est intolérable sur le territoire de la République, et ses motivations religieuses sont d’autant plus inacceptables dans une République laïque.
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Après les rédactions des principaux médias, voilà que les lieux de culte vont devoir être placés sous surveillance policière. Ce climat de terreur est insupportable, et intolérable. Resserrons nos rangs, nous, peuple républicain, et veillons à ce que nos concitoyen•nes ne soient pas inquiété•e•s en raison de leur apparence par des fanatiques dangereux.
Pour reprendre un slogan clamé haut et fort à la Marche Républicaine, « nous sommes un peuple ». Ne nous laissons pas diviser par les vendeurs de haine.
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Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Bon après je n'ai pas forcément la même vision des événements que vous parce que je ne suis pas en France en ce moments alors je n'ai pas forcément les mêmes informations en même temps.
Je suis contente d'avoir vu que le [HASHTAG]#VAM[/HASHTAG] se propageait parce j'avais trouvé que c'était une vrai bonne idée qui fait chaud au cœur quand il est apparu en Australie.
D'ailleurs @Marie.Charlotte je me suis permise de reprendre ta photo pour en parler sur mon blog j'espère que ça ne pose pas de problème (j'ai bien sur cité madmoizelle, mais au besoin je peux toujours retirer la photo : http://imanonation.com/2015/01/18/fr-005/)
Et l'article sur bastamag me remonte le moral aussi, j'ai juste envie d'aller coller des cœurs partout maintenant !