Article initialement publié le 9 janvier 2019
Je n’arrive pas à me rappeler exactement quand j’ai eu mon premier cheveu blanc, sans doute aux alentours de mes 25 ans.
J’imagine que comme pour les suivants, j’ai dû le pincer entre deux doigts pour l’arracher, sans me poser plus de questions. En étant mi-fâchée mi-fière de voir apparaître ce signe de sagesse : quand tu n’as qu’un fil argenté dans ta chevelure noire, ça te fait plutôt marrer.
Et puis, à plus de 50 ans, ma mère n’en a quasiment aucun : je me pensais tranquille sur ce coup-là.
Sauf que j’ai commencé à en arracher de plus en plus régulièrement, tous les mois, puis toutes les semaines. Jusqu’à cet été, où l’une de mes amies, m’a dit, en pointant l’arrière de ma tête :
– Oh, dis donc, t’as un cheveu blanc là. – Vas y, enlève-le s’te plé. – Je veux bien… mais il y en a plein à côté. Je les enlève tous ?
C’est bête, mais ça m’a un peu vexée. C’est aussi là que j’ai arrêté de faire l’autruche. OK, j’ai 28 ans et je commence à avoir des cheveux blancs (gris ? – difficile à dire pour l’instant) et je SAIS que ça ne va pas s’arranger. Si je continue à les arracher, je vais juste finir par devenir chauve.
Résister à l’envie compulsive d’arracher mes cheveux blancs
Du coup, j’ai décidé de résister à l’envie compulsive de tirer dessus et de les laisser faire leur vie. Pour l’instant, ça ne se remarque pas trop. Je dois en avoir une petite dizaine et il faut vraiment coller son nez sur mon crâne pour les voir.
J’imagine que d’ici mes 30 ans, ils seront déjà beaucoup plus visibles et que se posera à moi LA question fatidique : “to dye or not to dye ?” (teindre ou ne pas teindre, telle est la question).
Je ne me suis jamais teint les cheveux. Même pas avec une bombe orange un soir d’Halloween au collège. Même pas au henné pour avoir des reflets acajous. Trop peur de les abîmer, eux qui sont déjà si fins et si cassants.
Le plus simple serait de les assumer mais je trouve ça difficile dans notre société qui lie tellement la beauté à la jeunesse et qui a fait des cheveux gris l’un des symboles du vieillissement. Enfin, chez les femmes hein, apparemment George Clooney et les autres mecs ont une dérogation.
Heureusement, il y a de plus en plus de femmes qui ont décidé de porter fièrement leurs cheveux gris ou blancs : des célébrités – de Christine Lagarde à Mona Chollet, en passant par Lio – mais aussi des anonymes sur les réseaux sociaux.
Si vous suivez les hashtags #silversisters ou #greyhairdontcare, vous pourrez tomber sur des photos de femmes de tout âge qui ont décidé de ne pas (ou plus) se teindre les cheveux et de les laisser grisonner.
Arrêter de se teindre les cheveux et voyager du côté argenté de la force
J’ai discuté avec trois d’entre elles pour savoir ce qui les avait poussées à prendre cette décision, et comment c’était passé leur voyage du côté argenté de la force.
Pour la blogueuse Delphine L’astucieuse, le voyage a commencé un peu avant ses 40 ans avec une envie croissante d’utiliser des produits cosmétiques plus naturels. Elle qui a recours à des teintures depuis ses premiers cheveux blancs vers 17 ans, décide de passer à des colorations végétales faites maison.
Mais elle trouve le procédé fastidieux puisqu’il faut s’y coller toutes les deux ou trois semaines pour que l’on ne voie pas les racines.
En parallèle, elle voit sur internet de plus en plus de femmes, aux États-Unis notamment, porter fièrement leurs cheveux gris. “Si je trouve ça beau sur elles ? Pourquoi pas sur moi ?”, se demande-t-elle. En 2015, elle se lance et arrête de se teindre les cheveux.
Même cheminement chez Annick, 42 ans, qui se teignait les cheveux depuis son adolescence, d’abord pour le plaisir de changer de couleur puis, très vite, pour planquer ses cheveux blancs.
“On ne parlait pas encore à l’époque du danger potentiel des teintures permanentes”, m’explique-t-elle. Il y a six ans, elle rejoint des groupes Facebook de femmes qui laissent leurs cheveux gris au naturel et elle a une vraie révélation. “Sur les photos avant/après, je les trouvais transformées, plus lumineuses et même plus jeunes qu’avec leurs cheveux teints”.
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Elle arrête de se teindre les cheveux quelques mois, avant de re-craquer. La deuxième tentative, à 38 ans, est la bonne. Comme Annick, de nombreuses femmes trouvent la période de transition entre les cheveux colorés et les cheveux gris/blancs très compliquée.
Documenter sa transition vers les cheveux blancs sur Instagram
Au fur et à mesure de la repousse, une ligne de démarcation apparaît au niveau des racines et il n’est pas évident de se trouver jolie avec plusieurs couleurs mélangées sur la tête. Il faut souvent plus d’une année pour retrouver une chevelure plus uniforme, sauf à opter pour une coupe très courte au bout de quelques mois.
Un an après avoir arrêté de se teindre les cheveux, Nina, 34 ans, commence à voir le bout du tunnel mais elle trouve le temps long : “tu ne vois que ça quand tu te regardes dans le miroir”. Pour tenir le coup, elle a pu heureusement compter sur le soutien indéfectible de son copain.
Elle est aussi ravie d’avoir documenté sa “transition” sur Instagram. Elle y a trouvé beaucoup de soutien auprès d’autres femmes traversant la même chose. “Il y a une vraie sororité : je me suis faite des amies du monde entier et de tous les âges. Recevoir des commentaires positifs et des encouragements les jours où l’on se trouve moche, ça aide vraiment à tenir le cap”.
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Annick et Delphine ont elles aussi trouvé beaucoup de bienveillance et de soutien sur internet. Hors-ligne, ça a parfois été un peu plus compliqué. “Quand les gens te font des remarques négatives, ils ou elles te renvoient en réalité leurs propres craintes autour du vieillissement”, explique Annick.
Finalement, toutes les trois sont ravies d’avoir franchi ce pas là et elles auraient même voulu assumer leur chevelure naturelle plus tôt. “Ça a été une vraie libération, j’y ai gagné du temps, de l’énergie et de l’argent”, énumère Delphine qui est aussi ravie d’avoir fait des émules autour d’elle. “J’ai une amie qui est en pleine transition, après m’avoir répété pendant des années : moi, je ne pourrais jamais”.
Résister à la pression sociale et assumer ses cheveux blancs
Nina ajoute que cela l’a aidée à mieux s’accepter : “avant j’étais intraitable sur mon apparence physique, aujourd’hui, j’ai un regard plus doux sur moi et j’en ai tiré de la force”.
Pas question pour autant de juger celles qui continuent de se teindre les cheveux : “c’est un choix personnel et chacune doit y aller à son rythme”, conseille Annick qui sait combien il peut être difficile de résister à la pression sociale.
“Quand j’étais petite, ma mère était la seule parmi les mères de mes amies à avoir les cheveux blancs”, se souvient Nina. “Je lui disais : mais pourquoi tu ne les teins pas ? Aujourd’hui, je sais que c’est elle qui avait raison. Si tu ne t’es jamais teint les cheveux, ne le fais pas, laisse tes cheveux devenir gris, ça va te rendre unique”.
Ce conseil de Nina et surtout la confiance en elle qu’elle dégage, tout comme Delphine et Annick, me fait réfléchir. Pourquoi est-ce que je passe mon temps à prêcher l’acceptation de son corps mais que je flippe pour une poignée de cheveux blancs ?!
Arrêtons de tourner autour du pot, le diagnostic est clair : j’ai peur de vieillir. Peur de voir mon corps se transformer et de me trouver moche dans la glace le matin ou dans les yeux de mon amoureux.
Heureusement, écrire cet article m’aura permis de comprendre une chose : les cheveux blancs ne sont pas un indicateur fiable de l’âge d’une personne. Certaines vingtenaires en ont déjà beaucoup, quand d’autres atteignent la retraite sans en avoir.
Surtout, j’ai regardé des dizaines de photos de femmes de tout âge avec des cheveux gris ou blancs et je les ai trouvées belles. Rien de tel que “50 nuances de gris” pour donner du relief à une chevelure et mettre en valeur des yeux.
Ces femmes m’ont réconciliée avec mes premiers cheveux blancs : j’ai presque hâte de les voir briller au soleil l’été prochain.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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