Publié le 27 août 2019 En partenariat avec Ad Vitam (notre Manifeste)
S’il y a un jour où tu peux largement délaisser les deux pintes de Leffe que tu avais prévu d’avaler goulument avec ton pote Yann, c’est bien mercredi 28 août 2019.
Une journée qui mérite la cessation de toutes tes activités pour foncer dans la salle de ciné la plus proche de chez toi, et découvrir Une Fille facile, le nouveau film de Rebecca Zlotowski, dont madmoiZelle est très fière d’être partenaire.
Une fiction maline, enlevée, très actuelle, et un brin intello avec Mina Farid et Zahia Dehar. Un film qui casse les clichés entourant le concept de « fille facile » et tord à sa manière le cou au patriarcat.
Une Fille facile, de quoi ça parle ?
Naïma a 16 ans et vit à Cannes chez sa mère dans un petit appartement qui donne sur la mer. Alors que l’été est bien entamé, sa cousine Sofia débarque pour passer quelques jours de vacances dans le sud.
Naïma et Sofia sont très différentes. La première passe tout son temps avec son meilleur ami et a la candeur d’une enfant, la seconde aime jouer de son corps pour séduire les hommes.
Sofia est l’archétype de la « bimbo » et assume son image. Elle s’en sert même pour obtenir ce qu’elle veut de la part de ses conquêtes. Elle fait d’ailleurs la rencontre d’un riche propriétaire de yacht qui l’invite à passer du bon temps avec lui dans sa cabine, tandis que Naïma s’endort sur le pont supérieur.
En échange de ce « bon temps » Sofia obtient des objets de luxe.
Ensemble, les deux cousines vont passer un été sensuel et inoubliable, qui les marquera sans doute longtemps.
Tu pourras lire ma revue plus longue d’Une Fille facile, un film qui m’a séduite de bout en bout, et surtout grâce à son message.
Il m’a rappelé qu’il est important de ne pas se laisser enfermer dans des cases, car beaucoup d’elles ont été pensées pour rapetisser les gens, leur faire perdre de leur pluralité, de leurs nuances.
Il m’a aussi bien remis en tête qu’il n’est jamais grave d’être à l’aise avec sa sexualité et sa sensualité. Parce que finalement, ON FAIT CE QU’ON VEUT BORDEL.
Être sexy, un choix parfois réprimandé
Pendant très, très, trèèèèèèèès longtemps, je n’ai eu aucun succès avec les mecs.
Mais alors vraiment aucun. La faute à un manque de confiance en moi ravageur, bien connu des enfants et des ados qui ont tendance à se considérer nuls et moches quoi qu’ils fassent.
Ah, la belle période !
Comme beaucoup d’ados, j’ai donc fantasmé la vie des autres filles, celles qui mettent du rouge à lèvres, rient fort et osent s’habiller court.
Les années ont passé, j’ai pris confiance en moi grâce notamment à la pratique du théâtre, et sans m’en rendre compte, je suis moi-même devenue bruyante, à l’aise en société, surtout (étonnamment) quand j’étais tartinée de rouge à lèvres et perchée sur des talons.
Aujourd’hui, je porte H24 des tops très échancrés et suffisamment courts pour qu’ils dévoilent mon nombril, des pantalons très moulants et des jupes courtes, au tissu quasi-inexistant.
Tout simplement parce que c’est comme ça que je me sens forte et bien dans ma peau.
Les décolletés, c’est toute ma vie, sans beaucoup d’exagération. J’en porte littéralement tout le temps, et j’ai eu droit à une quantité indéfinissable de commentaires à cause d’eux.
À lire aussi : J’ai osé porter une fringue qui m’intimidait, et si tu essayais ?
Pendant des années, mes mecs (oui j’ai fini par en avoir) m’ont demandé si je trouvais vraiment mes tenues décentes.
J’ai mis du temps à piger pourquoi j’avais tout le temps droit à cette question et me suis forcément interrogée :
« Qu’est-ce qu’une tenue décente ? » « Et pourquoi mon choix de dévoiler ma poitrine, clairement canon, me fait-il rentrer dans une catégorie apparemment honteuse ? »
Les réflexions des autres, un fléau
J’ai eu beau chercher, c’était difficile à piger.
Cette case de fille aguicheuse, car j’ai compris plus tard que c’était ça le problème, je m’y suis d’abord fait enfermer par mon père.
Il faisait les gros yeux dès que je sortais en mini-jupe, sans toutefois piper mot. Son regard seul suffisait à me faire comprendre qu’il n’approuvait pas mon choix.
Ensuite, les réflexions sont venues des premiers mecs avec qui je suis sortie :
« Meuf, sans déc, couvre-toi, on voit tout. Pourquoi tu veux montrer tes seins au monde entier ? »
Et puis j’ai découvert quelque chose de fou : les inconnus aussi avaient un avis sur mes tenues.
La première fois que je suis allée à Marseille, j’ai dû patienter une demi-heure à la gare Saint-Charles pour récupérer un ami. Quelques minutes seulement après mon arrivée, deux types m’ont gueulé :
« Sale pute, tu peux pas te couvrir ? Elle t’a pas appris à t’habiller ta mère ? T’as pas de vertu. »
Waouh, le ton était donné et il était plutôt agressif.
Mais pourquoi ces hommes, apparemment doués d’altruisme, s’inquiétaient-ils tant pour ma vertu ?
En tout cas, cette interaction à sens unique m’a permis de comprendre que si je tenais un tant soit peu à l’avis de mes proches, celui des inconnus me glissait dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard.
Je n’en avais en d’autres termes : rien à secouer.
Mieux encore, j’avais envie d’encore plus assumer ce qui semblait tant déranger.
Être sexy n’était donc plus qu’une volonté mais aussi une arme, mon arme, contre la connerie.
Toutefois, quand ma première employeuse s’est mise à la mode du commentaire non-sollicité et 100% déplacé, j’ai moins fait la fière.
Quand les autres te font douter de tes propres choix
Car le boulot, c’est le boulot.
Alors écoper d’un « Kalindi, ça va parce que notre boite est chill, mais dans le futur faudra faire gaffe à ce que tu portes, surtout si tu veux avoir un taff sérieux » ça encourage forcément à s’interroger.
Mais coûte que coûte j’ai continué à vouloir faire ce que je voulais de mes fringues, de mon image et de mon corps.
Aujourd’hui, si mes décolletés ne définissent pas ma personnalité, ils en font néanmoins partie.
Ce matin, j’ai du rouge à lèvres plein la bouche, les yeux charbonneux, un décolleté, zéro soutien-gorge et j’ai écrit un article sérieux sur un film que j’ai aimé à mourir.
Rien de ce que j’arbore physiquement n’entame la qualité de mon travail ni la manière dont mes collègues me considèrent.
Je sais donc que j’ai eu tort de douter de mes choix vestimentaires suite aux propos déplacés de ma première employeuse.
Bien sûr, #MeToo est passé par là, et le féminisme a fait un bond considérable.
Un bond nécessaire, qui encouragera je l’espère – un jour ? – les mecs de la gare Saint-Charles à mâcher leurs mots avant d’insulter une femme pour sa tenue. J’ai quelques doutes mais garde tout de même espoir.
En attendant, douce lectrice, il est temps de faire fi des réflexions des autres pour exister sous le soleil que TU as choisi.
Que tu veuilles être sexy ou non, le principal c’est de faire ce dont tu as envie
Et si tu meurs d’envie d’oser être sexy, fonce.
N’oublie pas qu’en réalité, être « sexy », c’est surtout être bien dans ses pompes et ça, ça en dérangera toujours certains.
Mais qu’à cela ne tienne, tu fais ce que tu veux, et c’est valable pour tous les domaines de la vie (dans la limite du légal bien sûr, commence pas à braquer des banques).
Comme l’a expliqué Zahia dans une interview qu’elle a donné à Cannes où Une Fille facile a été primé à la Quinzaine des réalisateurs :
« Être une fille facile, ça n’est pas quelque chose de péjoratif comme pense la majorité des gens dans notre société. Pour moi c’est plutôt le contraire. Une fille facile c’est quelque chose d’extrêmement positif.
C’est une femme forte, qui s’épanouit dans sa sexualité à l’égal de l’homme. Selon moi, tous ces mots — fille facile, traînée, etc. — ont été créés pour seul objectif d’emprisonner les femmes. »
D’après moi, ce qu’elle dit s’applique à beaucoup de domaines, notamment au fait d’être sexy.
Juger quelqu’un parce qu’il arbore une certaine tenue ne vise qu’à l’enfermer, le réduire, lui mettre des bâtons dans les roues pour X ou Y raison.
Et tu mérites mieux que d’être diminuée, douce lectrice.
Alors la meilleure des batailles contre les cases, c’est de faire ce que tu veux, de conserver ta liberté. Et aussi un peu d’aller voir Une Fille facile le 28 août au cinéma.
À lire aussi : Je ne me pensais pas digne d’être aimée, jusqu’à rencontrer l’amour
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Les Commentaires
J'ai écrit "moins méfiante" pas "aveuglément confiante" et mon appréciation est basée sur l'étude comparée d'œuvres abordant la prostitution réalisées par des hommes vs des femmes. Ça n'a pas force de loi, hein.
Par ailleurs j'ai dû écrire dans la même phrase que je me garderai de juger une œuvre AVANT de l'avoir vue, c'était surtout ça l'idée centrale.