Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe, par certains aspects ! Dans Règlement de comptes, des personnes en tout genre épluchent leur budget, nous parlent de leur organisation financière en couple ou en solo, et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, Assia a accepté d’éplucher ses comptes pour nous.
- Prénom : Assia
- Âge : 27 ans
- Métier : chef de publicité
- Indemnités de VIE et salaire : 1 718 € d’indemnités de son entreprise, 280 € de participation employeur au logement, et 320 € de salaire pour des cours particuliers qu’elle donne à côté
- Lieu de vie : un appartement dont elle est locataire à Lisbonne
- Vit seule
Les revenus d’Assia
Assia est chef de publicité, et elle participe à un volontariat international en entreprise, un dispositif qui permet aux 18-28 ans d’effectuer une mission rémunérée à l’étranger.
« Il existe des offres VIE dans tous les domaines, le mien est celui de la publicité. Ce contrat est particulier : pendant sa durée (deux ans dans mon cas, qui est la durée maximale), je ne cotise pas pour la Sécurité sociale, pôle Emploi ou encore la retraite. »
Elle est rémunérée par une indemnité de 1 718 € par mois, ainsi que 280 € de participation de l’employeur au logement. Un salaire qu’elle estime très bon, au regard des salaires portugais moyens :
« En comparaison à la population locale, je suis TRÈS bien payée. Le salaire minimum portugais est à 705 €… Malgré tout, je dirai quand même que je suis dans la moyenne. Je n’ai franchement pas un train de vie extravagant, et mon salaire devrait largement me permettre de vivre correctement mais je me retrouve toujours en négatif à la fin du mois depuis mon arrivée en avril.
Si j’avais un salaire portugais, je ne sais pas comment je ferais ! »
Ce n’est pas sa seule source de revenu puisqu’elle touche aussi 320 € par mois pour des cours particuliers qu’elle donne :
« Depuis janvier 2023, je donne officieusement des cours d’anglais à distance à une ancienne élève que j’avais suivie via un programme de soutien scolaire. Ça ne fait pas de mal à mon budget ! »
En tout, elle gère un budget de 2 318 € mensuel.
Les dépenses d’Assia
Chaque mois, la plus grosse dépense d’Assia se trouve dans son loyer qui représente 850 €, charges comprises :
« Avant d’arriver à Lisbonne, j’ai cherché des logements sur des sites spécialisés mais il m’a été impossible de trouver ce qu’il me fallait dans le centre-ville, dans ma fourchette de prix.
Mon logement se trouve à 7 km de mon lieu de travail, ce que mes collègues trouvent « loin ». Mais ne voulant pas vivre en colocation, j’ai dû faire un compromis et m’installer un peu plus loin seule. Mon appartement fait 45m2 et est assez neuf, dans un bâtiment un peu vieillot. »
Ses factures courantes pour l’eau, l’électricité et le chauffage sont inclues dans son loyer. Ses abonnements lui coûtent 50 € et comprennent son abonnement téléphonique, YouTube Premium, Netflix et le magazine ELLE. Chaque mois, elle paie 53 € pour ses assurances (responsabilité civile, auto, et deux assurances décès).
Elle compte aussi dans ses frais fixes un crédit étudiant contracté pour sa voiture qu’elle rembourse à hauteur de 159 € chaque mois, pour lequel elle est engagée jusqu’en mars 2024 environ.
Ces derniers mois, elle a payé une régularisation d’impôts de 130 € mensuels qui prendra fin le mois prochain. Ensuite, son VIE n’étant pas imposable, elle ne paiera plus d’impôts sur ses revenus.
« J’aimerais réduire mon budget grignotages et livraison de nourriture »
Les dépenses d’Assia pour les courses représentent 180 € par mois qu’elle dépense dans diférents espaces :
« Au Portugal, je me suis inscrite auprès d’une AMAP. Chaque semaine, je vais récupérer un panier de 5 kilos composé de fruits et légumes pour 3,9 €.
Au-delà du prix qui est fantastique, je voulais vraiment soutenir l’agriculture locale. Il s’agit de fruits et légumes dont le calibre ne permet pas la vente en magasins. L’AMAP se nomme d’ailleurs Fruta Feia (les fruits moches en portugais).
Je complète ce panier par des courses chez Lidl, l’enseigne la plus proche de chez moi et qui me convient bien (mais dont l’assortiment est encore moins varié qu’en France). »
La nourriture représente aussi une grande partie de son budget loisirs d’environ 350 € mensuel :
« La nourriture que je ne cuisine pas représente une bonne part de mes dépenses. C’est une source de plaisir et de satisfaction, donc c’est important ! Les restaurants, fast-foods, snacks ou repas de midi peuvent me coûter cher. Je n’ai pas de budget alloué, même si j’aimerais me limiter à deux restaurants par semaine et deux craquages sur des fast-foods par mois. Il faudrait que je réduise mon budget grignotage et commandes de repas via applications.
C’est un plaisir, mais c’est aussi un peu de culpabilité. C’est de l’argent que je dépense souvent sur des coups de tête. Si je me restreignais, j’en profiterais peut-être un peu plus en me disant “J’ai mérité mon restau”. »
Elle dépense 100 € par mois pour des séances de sport avec un coach particulier.
Ses déplacements mensuels, qui lui coûtent environ 60 €, impliquent fréquemment de courts trajets en VTC et elle aimerait éviter ces dépenses. « Les trajets sont beaucoup moins chers qu’en France mais à force d’abuser de ces services, le budget qu’ils représentent peut vite grimper »
Les derniers craquages d’Assia
Interrogée sur son dernier craquage, Assia mentionne une session shopping lors de son dernier retour en France :
« J’ai craqué sur des vêtements et des chaussures de marques que je ne trouve pas au Portugal. J’en ai eu pour 300 € avec les promos et ventes privées post Noël. »
Elle dépense en moyenne 150 € par mois pour les vêtements, un budget qui a évolué au contact de ses collègues de VIE :
« Dans mon entreprise, on est assez jeunes et pas mal de filles aiment bien s’habiller chez les mêmes enseignes, des marques françaises assez chères. Moi, j’ai plutôt tendance à acheter dans des magasins mainstream ou sur des sites de ventes privées mais en voyant leur manière de consommer, j’ai commencé à m’interroger sur la mienne.
Ce n’est pas vraiment de la pression sociale, plutôt un questionnement : est-ce que moi aussi, je ne devrais pas consommer mieux, faire plus attention ? »
Enfin, craquages mis à part, son budget comporte 40 € mensuels de dépenses dites féminines (maquillage, produits de beauté, rasage/épilation, protections hygiéniques…). Cette somme comprend entre autres environ 10 € par mois pour des épilations, une manucure par trimestre.
« Tous les mois, je finis à −200 ou −300 € sur mon compte »
Une fois toutes ces dépenses additionnées, Assia devrait encore avoir de l’argent sur son compte. Pourtant, depuis son arrivée au Portugal, elle explique terminer chaque mois dans le rouge :
« Avant le COVID et malgré la situation financière difficile de ma mère, je n’étais pas du tout économe. Je vivais chez ma mère (pas de loyer, j’aidais juste de temps à autre avec les courses) et malgré ça, je n’économisais jamais, tout mon salaire passait en shopping ou en alimentation/resto.
J’ai pris goût aux économies pendant le premier confinement, avec l’impossibilité de dépenser à l’extérieur. Puis la vie a repris son cours et j’ai gardé cette conscience qu’il fallait que j’économise.
Pourtant depuis que je suis au Portugal, je suis constamment à découvert, d’environ 300 €. Je n’en suis pas fière. »
La jeune femme explique avoir du mal à expliquer d’où proviennent les frais qui lui font dépasser son budget :
« J’ai essayé d’analyser un peu mes dépenses (avec des applis par exemple), et je ne comprends pas trop : je ne bois pas d’alcool, je ne sors pas tous les soirs… Je pense que ce sont de petites dépenses à droite à gauche : un truc à grignoter par-ci, un trajet en VTC par là. Je n’arrive pas à identifier de gros poste de dépense qui explique pourquoi je suis dans le rouge. »
L’épargne d’Assia
Pour mieux gérer son budget, Assia a décidé en septembre dernier d’ouvrir un PEL et une assurance vie, afin de bloquer l’argent qu’elle épargne.
« Mon livret d’épargne populaire me sert de fonds d’urgence et me permet de me renflouer quand je suis à découvert. Mais c’est dommage d’utiliser mes économies comme ça.
Pour éviter ça, j’ai transféré une partie de mes économies sur un PEL et une assurance-vie. Je fais un virement mensuel de 50 € sur mon PEL, que j’aimerais augmenter bientôt à 150 €. »
Elle essaie aussi depuis quelques mois de rééquilibrer son budget grâce à des comptes Instagram qui l’aident à faire son éducation financière, mais aussi à un compte sur une banque en ligne :
« Aussi depuis octobre, j’ai un compte en ligne où je peux déposer une somme qui me servirait de budget mensuel (pas de découvert autorisé comme je peux l’avoir sur ma banque historique). Pour l’instant, cette méthode ne porte pas ses fruits avec décembre qui est passé par là… mais j’ai bon espoir qu’elle le soit d’ici février.»
À l’avenir, elle aimerait acheter seule un bien immobilier.
Merci à Assia de nous avoir ouvert ses comptes !
Règlement de comptes recherche de nouveaux profils ! Pour participer, écrivez-nous à [email protected] avec une brève présentation.
Crédit photo de Une : Zino de Groot / Pexels
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Les Commentaires
850 euros de loyer (CC si j'ai bien suivi). 10/15 ans en arrière elle aurait certainement payé moins, largement moins. Sauf que Lisbonne est devenue une capitale à la mode (et pas que Lisbonne, Porto la 2ème ville du pays connaît aussi ce phénomène).
Cela a pour conséquences de vider Lisbonne des Lisboètes et Porto des Portuenses. Les habitations sont reprises et retapées pour les louer (voire les vendre) à des étrangers faisant grimper le prix de l'immobilier. Et pourtant pour eux, les loyers restent encore très en deça de villes comme Paris, Londres ou Bruxelles. Donc elle reste gagnante sur ce point (ce qui n'est plus le cas des populations locales).
L'arrivée d'immigré.es et d'expatrié.es des autres pays européens (attention ! expatrié.e pour l'administration française répond à un statut particulier) et notamment de Français.es, Britanniques, Allemand.es ont fait que tout une économie tournée vers les services qu'ils/elles peuvent connaître dans leur pays d'origine s'est développée. Le cas le plus typique est les commerces de bouches type 'installation de boulangeries françaises. Sauf que les personnes (personnes immigrées du pays d'origine du commerce) qui ouvrent ce genre de commerce pratiquent des prix très proches voire alignés sur les prix français (bah oui...français donc forcément gastronomie donc cela se paye) alors qu'aller dans un salaõ de cha (salon de thé) typiquement portugais revient largement moins cher et tu manges du local (dont les fameuses pastéis de Nata ou encore des bolos de cenoura ou des bolos de arroz pour ne citer qu'eux). C'est très bon (bon...depuis que les pastéis de nata sont arrivées dans nos boulangeries pareil un vrai commerce autour de ce gâteau s'est développé.)
Idem au Portugal les restaurants te servant des plats locaux restent très abordables. Faut-il vouloir manger la fameuse morue ou du marisco, ou encore du leitaõ ou le midi dans un café tu manges sur le pouce rapido um lanche de presunto com qeijo (ou tout autre lanche) y uma agua com gaz o natural ou même un coca. Cela ne coûte pas grand chose et c'est bon. Ou tu vas dans un bistrot portugais. Soyons honnête ces établissements typiques du pays disparaissent pour laisser place à du fast food sans compter les grandes chaînes....Alors quand je lis 350 euros de restaurant je ne sais pas où elle déjeune et dîne mais pour le Portugal c'est trop !
Les transports en commun : que ce soit Lisbonne ou Porto les 2 villes ont un métro. A Lisbonne, il compte 4 ligne et plus d'une cinquantaine de station. Le hic ? Les correspondances sont pas super bien développées comme dans le métro parisien ou le métro bruxellois. Un ticket de métro c'est 1,65 euros. Après il y a des cartes d'abonnement comme en France. Si tu es dans Lisbonne ou à ses portes, le métro reste le moyen le plus simple et le moins cher pour te déplacer. Après, Lisbonne développe le déplacement en vélo ou alors tu marches (bon....7 km tous les matins pour aller au taff' ok...le métro c'est mieux). Par ailleurs, le Portugal est un des pays de l'Europe qui a un des taux de criminalité les plus bas. Pour avoir pris le métro là-bas en soirée tard : jamais eu de problèmes. A Paris, je suis moins à l'aise voire j'ai déjà eu quelques bricoles.
Les fringues et les pompes : pendant longtemps Lisbonne a été la capitale de la chaussure en Europe. Tu trouvais des supers pompes en cuir pas chères et de très bonne qualité. Les vêtements étaient tout aussi abordables (en matière de textile, le linge de maison était top-top). Avec l'arrivée de l'euro' et la standardisation des boutiques ce n'est plus trop le cas. Par contre dire que tu n'as pas trop les mêmes boutiques que dans le reste de l'Europe (ou alors j'ai mal compris)....mouais pas trop d'accord (rien que pour Zara je te donne 2 adresses sans compter les outlets). Après je respecte si elle préfère commander de la seconde main ou faire de l'échange etc...(après tout les grandes marques standardisées....mouais on devrait se pencher plus sur leur fonctionnement et autre). Après les Portugais.es ont aussi des magasins avec des fringues que tu retrouves un peu partout.
Donc en effet, comment peux-tu te retrouver dans le rouge avec 2300 balles au Portugal et sans dépenses du type voiture (pour ne citer que celle-là) ?