J’ai eu l’occasion, dernièrement, de vous parler de fantasy et de bons romans, comme lors de l’annonce d’une suite pour L’Assassin Royal (attention, n’allez voir que si vous avez déjà lu le cycle en question !). Or, si je vais jusqu’à parler d’une suite et partager ma joie empreinte d’hystérie avec celles et ceux d’entre vous qui ont déjà lu la série, je me rends bien compte que ce n’est pas possible avec tout le monde. Et que c’est bien dommage.
C’est pourquoi, s’il y a de bons romans, cycles, trilogies de fantasy à la pelle, aujourd’hui j’aimerais m’adresser à vous, lectrices et lecteurs qui ne connaissez pas L’Assassin Royal, pour vous présenter la série et vous expliquer pourquoi c’est une référence dans son genre. Et, si je me débrouille assez bien, vous donner envie.
Les autres, notez que vous avez le droit de lire quand même pour ajouter votre grain de sel, parler de votre amour ou de votre déception (on ne sait jamais) concernant ces livres, et vérifier que je ne raconte pas n’importe quoi. Non parce que, bon, mine de rien, j’ai lu et relu le tout il y a déjà fort longtemps, et bien que l’annonce d’une suite m’a donné envie de m’y remettre, je n’ai pas encore eu le courage ni le temps de ramener mes 13 tomes de chez mes parents.
Oui, j’ai dit 13 tomes, pourquoi ?
L’Assassin Royal, en gros
À l’origine, c’est-à-dire dans sa version originale, le cycle de L’Assassin Royal, écrit par Robin Hobb, se divise en deux trilogies, « The Farseer Trilogy » et « The Tawny Man ». Cette division en deux parties vient simplement du fait que l’auteure n’avait prévu d’écrire que la première, mais qu’après avoir écrit l’autre trilogie intitulée Les Aventuriers de la mer (« The Liveship Traders ») qui se déroule dans le même univers, elle a décidé de continuer à compliquer la vie de son héros, Fitz Loinvoyant.
Pour autant, il n’est pas nécessaire de lire Les Aventuriers de la mer à un moment précis pendant votre découverte du cycle de L’Assassin Royal. La preuve, c’est que la plupart des éditions françaises — pour des raisons pécuniaires évidentes devant le succès de l’oeuvre — ont découpé les deux trilogies en 13 tomes qui se suivent sans interruption.
Vous aurez d’ailleurs plus de chances de trouver L’Assassin Royal en français chez J’ai Lu en version poche. Ce qui devrait, au passage, moins vous ruiner.
Il ne s’agit pas d’une série récente, puisque Robin Hobb a écrit le tout entre 1995 et 2004. Cela dit, elle n’a pas tardé à devenir un classique de la fantasy, qui s’approprie les codes du genre tout en les renouvelant. Et pour cause : L’Assassin Royal se déroule dans un monde secondaire médiéval-fantastique, se rapprochant tout en douceur et avec une certaine maturité de l’heroic fantasy. Mais soyons ordonné-e-s, et commençons par le commencement.
L’intrigue : petit résumé qui ne spoile pas
Tout allait bien, au royaume des Six Duchés, tout était en paix : le roi Subtil Loinvoyant régnait depuis le château de Castelcerf, soutenu par ses trois fils, Chevalerie, Vérité, et Royal.
Non, le roi Subtil n’était ni un original, ni un fils d’original qui avait besoin de se venger pour le nom que ses parents lui avaient donné… Dans les Six Duchés, il est tout simplement d’usage chez les nobles de donner à leurs enfants le nom de la qualité qu’ils espèrent les voir développer.
Malheureusement, Chevalerie souille son propre nom auprès du roi et de sa lignée en ayant une mystérieuse aventure, qui donne naissance à un petit bâtard. La catastrophe menace l’équilibre précaire du royaume : Chevalerie, pourtant prince aîné et roi-servant, est obligé d’abdiquer en apprenant l’existence de son fils, et la famille royale des Loinvoyant se retrouve avec un bâtard, honte de la lignée et en même temps potentiel prétendant au trône, sur les bras.
Voici donc les circonstances dans lesquelles le petit Fitz Chevalerie arrive à la cour ; il est tout jeune quand il est emmené à Castelcerf, se souvient de peu avant cela, et c’est comme si sa vie commençait avec son arrivée au château puisqu’il raconte son histoire à la première personne. Une histoire pas très rose bonbon, comme vous vous en doutez sûrement !
Un peu.
Son père ayant abdiqué et disparu, Fitz grandit sans parents, entouré d’une famille qui le voit comme un fardeau gênant, surtout le prince Royal qui semble le détester tout particulièrement. Sous l’égide de Burrich, le maître des écuries un peu bourru mais bien brave, le jeune bâtard se retrouve à peu près protégé des intrigues et complots de la cour dans un premier temps. Mais bien vite, le roi Subtil, son grand-père auquel il doit allégeance ainsi que la vie, décide de lui trouver sa place au sein de la cour : Fitz devra servir la couronne comme personne, en devenant « assassin royal ». Rien que ça.
Et si tout ça vous paraissait déjà pas mal à gérer, figurez-vous que les galères et la véritable aventure commencent à peine ! Pour devenir l’assassin du roi, Fitz va apprendre toutes les techniques de meurtre les plus fourbes auprès d’un mystérieux vieillard, du mensonge et de la préparation de poisons au poignard dans la nuque. Le bâtard devient à la fois une menace et une force dans l’ombre pour le royaume, mais aussi, comme l’affirme cet étrange personnage qu’est le Fou du roi, le monde.
Enfin, dernier problème : Fitz est doué de deux magies qu’il va devoir apprendre à maîtriser presque tout seul. La première, l’Art, qui permet d’établir une sorte de lien télépathique avec les gens, est socialement admise à condition de ne pas en abuser et sombrer dans la dépendance. Mais la seconde, le Vif, fait la même chose avec les animaux, et elle est considéré comme une magie honteuse.
Or tout détenteur du Vif est exécuté sans sommation.
Pourquoi c’est une référence ?
Difficile de vous résumer la bête sans jamais en dire trop, tout en en disant assez ! L’Assassin Royal est une histoire de fantasy particulièrement prenante et bien écrite (ainsi que bien traduite, si vous vous posiez la question), racontée du point de vue de Fitz.
On suit le personnage tout au long de ses aventures, qu’il se montre malin, courageux, lâche ou carrément un boulet, dans un monde criant de réalisme alors que clairement fantastique, dans l’existence et l’utilisation de l’Art, et du Vif.
Il n’y a pas de héros. Fitz est un homme, loin d’être parfait, qui doit constamment trouver sa place et interroger sa conscience, entre les gens qu’il aime et ceux qu’il doit éliminer, l’Art et le Vif, la justice et sa condition d’assassin. Et on s’attache pourtant inexorablement à lui au cours de la lecture, comme il grandit et vieillit, et que les intrigues du royaume ne cessent jamais.
Pour tout vous dire, lorsque Fitz était épuisé et menaçait de jeter l’éponge, je me sentais lasse avec lui. S’il apercevait une opportunité pour se sortir de la galère, je me mordais les lèvres et respirais par à-coups jusqu’à ce qu’il s’en sorte. Et s’il souffrait… ben c’était pas la joie.
Assassin royal, job de rêve (paillettes et cotillons)
En d’autres termes, Robin Hobb manie parfaitement les ficelles de son histoire, et tient son lecteur en haleine en permanence, tant avec des personnages tous aussi profonds les uns que les autres, qu’avec un univers de fantasy qui tient la route sur le plan géographique, social comme politique. C’est typiquement LA série, à vrai dire, que l’on conseille à quelqu’un qui n’a jamais lu de fantasy, et qui part dans l’idée que c’est un genre puéril et pas très creusé.
Sans compter que parmi toutes les relations les plus étranges que Fitz tisse au fil de sa vie… Il y a le Fou. Et rien que pour le Fou, vous devez vous y mettre. 13 tomes, vous allez voir : c’est vite lu (et après vous irez pleurer que vous voulez une suite).
Autour de L’Assassin Royal
Si la version française de la série n’est pas découpée en deux cycles distincts, on note quand même une sorte de césure dans l’histoire : une aventure se termine, et une autre commence quelques années plus tard.
C’est durant cette césure que se déroule la trilogie des Aventuriers de la mer que j’évoquais plus haut. Celle-ci n’a pas de lien particulier avec L’Assassin Royal, ce qui fait que vous pouvez très bien lire l’une sans lire l’autre — si ce n’est que Robin Hobb a repris des personnages des Aventuriers de la mer dans la seconde partie de L’Assassin Royal. (Vous me suivez toujours ?)
Ça peut avoir l’air compliqué, mais ça ne l’est vraiment pas. De toute évidence, vous serez vite incollables si vous adhérez à 100% à cet univers et aux personnages. Et je vous promets qu’on s’y attache — d’où la joie des fans (mêlée d’un peu de crainte) à l’annonce d’une suite devant sortir cet été.
Mais vous n’en êtes pas là. J’hésite même à vous parler de l’adaptation en bande dessinée, éditée chez Soleil, de peur que celle-ci n’influence votre vision des personnages ! Disons que si vous ne voyez que les couvertures, ce n’est pas très grave, et vous avez toujours la possibilité de choisir de les lire avant, après, ou pas du tout.
Adaptés par Jean-Charles Gaudin, et dessinés successivement par Jean-Luc Clerjeaud, Laurent Sieurac puis Christophe Picaud, sept tomes sont déjà sortis sur les neuf prévus… et on compte également un tome pour les Aventuriers de la mer. Il s’agit d’une adaptation plutôt fidèle et agréable à lire, qui ne convaincra pas tous les puristes des livres, mais qu’il faut reconnaître comme du beau travail rendant honneur à l’univers de Robin Hobb.
L’Assassin Royal est loin d’être la seule référence dans la fantasy ou dans les littératures de l’imaginaire en général, mais il s’agit d’un classique, et d’un bon classique, bien écrit, intelligent, fouillé, et qui se lit facilement. Au pire, on trouve quelques longueurs par moment, ou bien on a envie de botter les fesses de Fitz pour qu’il se reprenne en main…Mais dans l’ensemble, il est brave, notre bâtard, et vous aurez tôt fait de vouloir lui faire des câlins.
Voilà. Vous avez désormais tous les éléments en main pour décider de votre prochaine étape. Tenter ou ne pas tenter L’Assassin Royal ?
Faites le bon choix. La paix du royaume en dépend.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Par contre le soldat chaman j’ai pas réussi à accrocher.