Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe, par certains aspects ! Dans Règlement de comptes, des personnes en tout genre épluchent leur budget, nous parlent de leur organisation financière en couple ou en solo, et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, Asmahan a accepté d’éplucher ses comptes pour nous.
- Prénom : Asmahan
- Âge : 34 ans
- Métier : gérante d’entreprise en reconversion professionnelle
- Allocations : 526 € de RSA et 230 € d’allocation logement
- Lieu de vie : un appartement de 54 m² en HLM dont elle est locataire depuis un an, en Bretagne
- Vit avec : sa fille
Les revenus d’Asmahan
Il y a deux ans, après avoir travaillé dans l’administration publique pendant plusieurs années, Asmahan a créé un atelier de recyclage favorisant l’insertion des personnes éloignées de l’emploi.
« Quand j’ai créé cette entreprise, je touchais l’allocation chômage. En deux ans, nous avons réussi à créer deux emplois et vendu plus de 20 000 pièces. Mais pendant cette période, j’ai été au chômage, puis au RSA : je ne me suis jamais dégagé de salaire. Je trouvais normal de me payer en dernier, mais nous n’avons pas pu arriver jusque-là.
La crise sanitaire nous a beaucoup fragilisés. Les charges se sont accumulées sans que nous puissions avoir de visibilité sur l’avenir, nous avons vu nos clients en être touchés et fermer les uns après les autres…
Dans ce climat incertain et inédit, nous sommes passés en mode survie. Nous maintenons nos ventes, mais sans local, et nous espérons grâce à ça rembourser nos dernières dettes : un prêt de 3 600 € à rembourser et un retard de cotisations de 335 € à l’URSSAF. En 2023, quand ces ardoises seront effacées, j’aimerais dissoudre ce projet et reprendre un travail salarié.
En attendant, je vis avec 526 € par mois. »
À son RSA s’ajoutent 230 € d’allocation logement, pour un budget mensuel de 756 €. Une somme insuffisante pour ses charges :
« Je suis en transition, donc je ne souhaite pas me mettre dans une catégorie comme riche ou pauvre.
Chaque mois, je finis à découvert (−150 € en moyenne). C’est la première fois de ma vie que je me retrouve dans cette situation. »
Le rapport à l’argent d’Asmahan
Asmahan a été éduquée par des parents très économes, qui lui ont transmis l’habitude de faire ses comptes :
« Mes parents ont immigrés en France dans les années 70. Ils étaient maraîchers et agents d’entretien, et s’assuraient que nous ayons accès à l’essentiel, sans rouler sur l’or. Nous savions que les achats plaisir étaient exceptionnels ! L’argent de poche n’était même pas un sujet, nous n’en avions pas.
À 17 ans, ma mère m’a permis de trouver un job pour faire le ménage dans les entreprises après les cours et le week-end. J’adorais gagner de l’argent et l’économiser.
Cela m’a permis d’être autonome assez rapidement, et de payer mon permis seule. »
Aujourd’hui, elle a gardé ces réflexes de gestion de budget et dépense le moins possible :
« Je suis de nature frugaliste. Mon plus grand plaisir, c’est le sentiment de liberté ! J’aime parler d’argent, et poser tous mes comptes à plat pour connaître chaque dépense, chaque catégorie. »
Les dépenses d’Asmahan
Chaque mois, Asmahan dépense 342 € pour le loyer de son appartement de 54 m² dans un habitat à loyer modéré de Bretagne.
« Depuis moins d’un an, je suis locataire d’un logement social. Je l’ai eu avec beaucoup de chance : le premier candidat a refusé la proposition, ce qui m’y a donné accès. »
Ses factures s’élèvent à 74 € en tout pour l’eau, le gaz et l’électricité, 15 € pour son téléphone qui lui sert aussi d’accès à internet et 15 € de frais bancaires.
Sa fille de 8 ans partage son temps entre chez elle et chez son père, qui prend en charge une grande partie des frais qui la concernent :
« Nous vivons séparément, mais passons beaucoup de temps ensemble. Ma fille peut passer du temps chez son père ou chez moi sans organisation fixe, c’est très fluide.
C’est lui qui touche les aides en lien avec notre fille, et qui gère la majorité des frais qui la concernent pour l’instant. Quand ma situation sera différente, nous rééquilibrerons les dépenses. »
« Je ne prends pas de contraception pour des raisons féministes »
La trentenaire dépense 180 € de courses par mois dans des enseignes autour de chez elle, en utilisant souvent des paniers zéro-gâchis que l’on trouve avec une application dédiée.
« Je mets en place des menus, et j’optimise au maximum. Petit à petit, mon alimentation devient presque entièrement végétale et je bois beaucoup de jus de légumes crus. »
Pour ses dépenses dites féminines, ces frais qui pèsent sur les personnes perçues comme femmes (rasage, produits de « beauté », contraception…), Asmahan favorise les alternatives réutilisables « pour ne pas avoir à racheter et gagner en pouvoir d’achat ». Elle utilise des culottes menstruelles, prépare ses crèmes elle-même… Elle n’a pas de frais de contraception :
« Je ne prends pas de contraception, et je n’en prendrai jamais pour des raisons féministes. C’est mon partenaire qui a cette responsabilité. »
En tout, ces dépenses lui coûtent environ 20 € par mois.
Pour se déplacer, elle utilise sa voiture qui lui coûte 150 € mensuels en essence. Elle paie aussi 64 € pour ses assurances logement et automobile.
Les loisirs d’Asmahan
Asmahan consacre environ 20 € par mois à ses loisirs, qui comprennent des activités très différentes qui l’enrichissent toutes :
« J’aime aller travailler sur mes projets dans des salons de thé, ça me donne de l’énergie : j’écris, j’ai aussi lancé ma chaîne YouTube qui m’apporte beaucoup d’épanouissement.
Je marche beaucoup, et j’adore partager. Bientôt, j’animerai bénévolement un évènement autour de la cuisine à l’épicerie solidaire de ma ville. Je lis aussi des livres, je médite. »
Chaque mois, elle essaie de s’acheter un joli vêtement à moins de 10 € sur Vinted : « C’est fou, les pépites que l’on peut y trouver ! ».
Les projets d’Asmahan
Mi-2023, Asmahan espère en avoir fini avec les obligations liées à son entreprise et pouvoir reprendre une activité salariée. « Je souhaite rester dans l’insertion et le social, peut-être comme conseillère RSA. »
Quand elle aura retrouvé un salaire, elle ne compte pas changer particulièrement son mode de vie :
« J’essaie de privilégier l’être sur l’avoir. Je ne pense pas augmenter drastiquement mes frais quand j’aurai de nouveau un salaire… Peut-être que je ferai un peu plus de dépenses pour le bien-être, comme des stages de méditation ou des retraites. On repensera aussi la répartition des charges pour ma fille ! »
Crédit photo : Milan Popovic / Unsplash
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