Depuis le 1er décembre, vous attendez avec impatience la fin du mois pour pouvoir dire adieu à 2020 et trinquer à la nouvelle année avec vos proches (dans le respect des règles sanitaires, évidemment) ? Et bien sachez que pour certaines personnes, ce type d’événement alcoolisé est un véritable calvaire !
Atteintes du syndrome du rougissement asiatique, aussi appelé Asian flush ou Asian glow, elles ne peuvent boire un verre de spritz sans devenir rouge tomate. On fait le point sur ce trouble méconnu avec le Dr. William Lowenstein, président de l’association SOS Addictions et co-auteur du livre Tous addicts, et après ? aux éditions Flammarion.
Qu’est-ce que le syndrome du rougissement asiatique ?
Le syndrome du rougissement asiatique est un trouble lié à un déficit enzymatique héréditaire qui entraîne une mauvaise métabolisation de l’alcool par l’organisme. Il se caractérise le plus souvent par l’apparition de rougeurs sur le visage, la nuque et la poitrine, mais il peut aussi provoquer des réactions plus embêtantes dans les cas les plus critiques.
Comme l’explique le Dr. Lowenstein, « pour être correctement métabolisé, l’éthanol que contient le petit verre de vin ou la flûte de champagne du réveillon doit subir deux transformations successives qui ne sont possibles que grâce à deux enzymes, l’alcool déshydrogénase (ADH) et l’aldéhyde déshydrogénase (ALDH2). Lorsqu’il y a un déficit de cette seconde enzyme, l’éthanol, qui est devenu de l’éthanal lors de sa première transformation, met beaucoup plus de temps à être éliminé par le corps. »
Le problème, c’est que cet éthanal est toxique pour l’organisme et qu’il entraîne une vasodilatation des tissus responsable d’un certain nombre de maux qui vont de l’érythème localisé à l’évanouissement. Tu parles d’un glow !
Dans cette vidéo en anglais, la journaliste Joss Fong, qui est à moitié chinoise, explique les effets de l’alcool sur son organisme.
Si ce trouble est appelé « syndrome du rougissement asiatique », c’est parce qu’il touche particulièrement les populations originaires de Chine, de Corée et du Japon, même si le métissage fait que cette mutation génétique se répand aujourd’hui partout dans le monde. « On estime qu’environ 500 millions de personnes présentent ce déficit enzymatique, et qu’elles vivent essentiellement en Asie, mais aussi aux Etats-Unis ou encore en France », précise le médecin addictologue.
En général, à moins de n’avoir jamais bu une goutte d’alcool, les personnes concernées le savent ou s’en doutent fortement car les manifestations physiques après une consommation minime d’alcool suffisent à diagnostiquer un déficit en ALDH2
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Comment prévenir l’Asian flush pendant les fêtes ?
Lors des fêtes de fin d’année, il est courant de se laisser tenter par un ou plusieurs petits verres (et même beaucoup trop). Mais dans le cas d’une déficience en aldéhyde déshydrogénase, il vaut mieux prendre quelques précautions avant d’enchaîner les shots.
« Si on se sent mal et qu’on rougit dès les premières gorgées d’alcool, la prévention est difficile en dehors de l’abstinence, admet le Dr. Lowenstein. C’est rare mais il existe quand même une toute petite portion d’individus dont l’enzyme est totalement inactive et pour qui il est préférable de ne pas boire du tout afin d’éviter des réactions qui pourraient s’avérer dangereuses. »
En revanche, si les manifestations du syndrome restent modérées, c’est-à-dire sans trouble du rythme cardiaque ni céphalée, on peut tester une astuce bien connue de celles et ceux qui ne tiennent pas l’alcool pour en réduire les symptômes : « Boire son verre très lentement et manger en même temps peut être intéressant car ça laisse un peu plus de temps à ce qu’il reste d’enzyme pour faire son travail dans l’intestin et dans l’estomac, explique le médecin. Mais quand je dis lentement, c’est en minimum une demi-heure, pas moins ! »
Le choix de l’alcool peut aussi faire une différence : plus l’éthanol sera dilué, moins les effets sur l’organisme seront importants. Boire une bière mettra plus de temps à déclencher un érythème qu’un shot chocolat-guimauve (qui a inventé ça, sérieux ?), même si d’un point de vue santé, un verre d’alcool reste un verre d’alcool.
Ces petits tips ne seront peut-être pas suffisants pour éviter de rivaliser avec le homard du dîner dès le premier verre de vin blanc, mais quelques minutes de répit sont toujours ça de gagné.
Que penser du Pepcid et des pilules contre l’Asian flush ?
Le syndrome du rougissement asiatique peut être vécu comme un véritable handicap social, il n’y a donc rien d‘étonnant à ce que les personnes concernées (et les industriels, pas fous !) cherchent par tous les moyens à limiter ses effets.
« Aux Etats-Unis, on a beaucoup parlé du Pepcid* pour réduire les rougeurs du haut du corps, mais il n’y a aucune preuve scientifique de son efficacité, ajoute William Lowenstein. Personnellement, je déconseille d’en prendre car même si ce n’est pas dangereux, son efficacité n’est pas prouvée pour autant. »
Dans un article publié par le Huffpost, le Dr. Daryl Davies, professeur en pharmacie clinique à l’université de Caroline du Sud, va plus loin : « Le Pepcid bloque les récepteurs histaminiques, ce qui va permettre de réduire le rougissement, mais il ne va pas diminuer les nausées ni l’impact de l’alcool sur l’organisme. Ces réactions du corps existent pour alerter sur un problème interne, et c’est assez contre-productif de vouloir à tout prix les inhiber alors qu’elles ne font qu’essayer de nous protéger. »
Il en va de même des comprimés de Zyrtec® ou de Virilix®, des antihistaminiques qui peuvent aider à limiter l’effet vasodilatateur de l’éthanal mais qui n’ont aucun pouvoir sur les maux de tête. Malgré leur popularité, ce sont de vrais cache-misères et ils n’empêchent pas les personnes présentant un véritable déficit enzymatique de devoir s’allonger au bout du deuxième verre de gin.
Dans cette lutte contre le teint rougeaud qui semble encore longue et semée d’embûches (au chocolat), une toute nouvelle marque de compléments alimentaires tente de s’attaquer à la cause de ce symptôme. En août 2020, comme le rapporte le magazine Discover, deux entrepreneurs singapouriens touchés par l’Asian flush ont lancé DrinkAid, des comprimés contenant de l’acide succinique et du raisinier de Chine, deux composants censés améliorer la fonction du foie et aider à décomposer l’éthanal.
Si le succès est au rendez-vous, et les avis postés sur le site dithyrambiques, ces suppléments n’ont pas été testés cliniquement et ne peuvent donc pas être considérés comme une solution efficiente contre le syndrome du rougissement asiatique. Alors en attendant un traitement vraiment sûr et efficace, il vaut mieux poser sa CB (et son verre de porto).
« Sinon, après avoir sifflé sa première coupe de champagne, on peut prendre un bain froid afin de provoquer un effet de vasoconstriction et diminuer les rougeurs du haut du corps, mais ça risque d’être peu compatible avec une soirée en famille ou entre amis », propose le Dr. Lowenstein. Eh oui, pour l’addictologue, quitte à boire la tasse, autant que celle-ci soit sans alcool.
* Le Pepcid, dont la molécule clé est la famotidine, et dont on a beaucoup parlé début 2020 dans la lutte contre le coronavirus, n’est pas distribué en France.
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Les Commentaires
Puis on a regardé sur internet pour s'en procurer et il s'avère qu'il n'est plus distribué en France car beaucoup de cas de cancer (de l'estomac je crois?) avaient été observés chez les personnes qui prenaient ce médicament... On a jeté le reste des comprimés et continué de boire avec modération (et à assumer la rougeur qui arrive dès la première gorgée)
Mais c'est vrai que je me retiens souvent de boire à cause de ça car inconfortable..