Caroline Goldman, la nouvelle mère fouettarde ? C’est le type de phrases d’accroche réservé aux articles consacrés à Caroline Goldman, et qui annoncent la couleur. Depuis la réédition de son célèbre File dans ta chambre, la psychologue surfe sur une vague de polémique que je devine particulièrement lucrative pour beaucoup d’acteurs de la parentalité.
Du moins, c’est la seule explication que j’aie trouvée pour justifier que cette discussion perdure encore des millénaires après la sortie du livre. Enfin, je dis discussion, mais ce n’est pas la définition que j’attribuerai à cette hystérie collective, systématiquement suivie de réponses par médias interposés.
Donc, la polémique Caroline Goldman. Mais quelle polémique ? Et pourquoi je ne peux m’empêcher d’y voir avant tout une recherche de visibilité individuelle de la part de ses illustres détracteurs ?
Comme le regrette un article paru hier, jeudi 20 juillet dans Libération, les guéguerres médiatiques ont caricaturé un débat ô combien important. Cet article rappelle au passage qu’il n’existe pas de formule magique pour élever des enfants à la fois heureux, mais bien élevés socialement.
Alors, par pitié, arrêtons d’être obsédés par les moindres faits et gestes de Caroline Goldman et recentrons-nous sur des sujets qui en valent la peine. Merci.
Caroline Goldman, odieuse, insupportable, polémique !
Caroline Goldman est une psychothérapeute, du courant psychanalytique. C’est-à-dire qui applique et transmet les préceptes freudiens — même si l’allemand, célèbre pour son obsession des chibres, n’est pas le seul qui se soit illustré en la matière. Freud n’a pas dit que des absurdités, mais à la lumière de notre société, certaines de ses théories sont clairement réductrices et invalident des vérités désormais établies. Par exemple, elles remettent en cause la véracité des troubles neurodéveloppementaux. Elles suggèrent que les sources de ces neuroatypies se trouvent dans la petite enfance du patient. Oui, la science a prouvé que ce n’était pas le cas, n’empêche que la psychanalyse reste un courant psychologique très populaire et majoritaire en France… Le pays de Caroline Goldman.
Deuxièmement, mais aussi principal point de désaccord (invalider des personnes neuroatypiques, c’est moche, isoler un enfant de cinq ans qui casse tout, c’est intolérable), Caroline Goldman s’est élevée contre la parentalité positive. Dans le détail, elle dénonce en vérité les dérives de la parentalité positive, elle l’a elle-même précisé à certaines reprises. Mais comme cette précision n’intéresse personne, nous allons donc prétendre qu’elle s’est élevée contre la parentalité positive, source d’angoisse et de conflits familiaux.
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Selon la psychothérapeute, il est important de poser des cadres et des limites aux enfants pour qu’ils puissent se développer sainement. Un avis que partagent tous les professionnels sérieux de la petite enfance, quel que soit leur bord, mais passons.
Elle suggère la mise l’écart de l’enfant — dans des conditions bien particulières — et martèle l’importance de règles éducatives cohérentes et fermes pour éduquer les enfants. Et c’est tout — sauf si vous avez des sources à me partager, attestant de la dangerosité de Caroline Goldman.
Ne pas croire aux troubles neurodéveloppementaux pour une professionnelle qui assume son attachement à la psychanalyse et considérer qu’il faut poser des limites aux enfants, il faut admettre que c’est sulfureux.
Paluchage Instagram collectif, l’onanisme du vide
C’est toujours la même histoire. Un grand méchant débarque, il dit quelque chose de parfaitement choquant et intolérable. On lui tombe dessus à bras raccourcis, et ça marche ! Les foules s’enflamment et en redemandent ! Sauf que, quand on se construit sur une polémique, il faut l’entretenir. Surtout lorsqu’elle permet d’obtenir des vues, de l’engagement et des followers.
La bonne nouvelle, c’est que comme le vilain pas beau continue de vivre sa vie, et que sa simple respiration offre à ses détracteurs une source d’inspiration sans fin, on n’est jamais à court de contenu indigné. Au moindre éternuement, c’est parti pour la course à celui qui fera le Réel le plus virulent, le plus malin.
Et ça, les copains, ce n’est pas de la dénonciation ni même du militantisme, c’est un concours d’éloquence. Il s’en organise chaque année en France, alors inscrivez-vous au lieu de ridiculiser des causes importantes sur vos feeds.
En soi, je comprends le concept, je ne vois aucun mal à explorer de nouvelles formes de business, mais pas sous des prétextes limite malhonnêtes. Personnellement, à force de voir la meute aboyer dès que Caroline Goldman remue un orteil, je soupçonne ses détracteurs de brandir le sujet pour se valoriser. Et même si je ne doute pas que certains comptes soient de bonne foi, cette façon de faire est totalement contre-productive :
- La personne fustigée s’en bat la nouille des dénonciations. On n’a jamais vu quelqu’un remettre en question son projet d’une vie parce que « Ouh là, j’ai vu une mamoune danser dans un Réel ! Je dois vraiment me remettre en question ! »
- Ces dénonciations lui accordent au contraire beaucoup de visibilité (merci les algorithmes). La preuve ? Je m’empare du sujet, alors qu’il m’indiffère, mais que je sais qu’il attirera des lecteurs.
- Personne n’a jamais participé à une discussion constructive sur un réseau social. On s’entre congratule ou on se déchire, mais on ne discute pas intelligemment.
- Résultat ? Le débat n’avance pas, et la cause non plus. N’était-ce pourtant pas l’objectif de départ ?
Alors, calmons-nous, par pitié.
Mon (non) avis au sujet de Caroline Goldman
Pour rédiger ce billet, j’ai dû lire et relire beaucoup d’articles. Je devais vérifier que je n’avais pas manqué un épisode crucial, où elle conseillerait par exemple de noyer des chatons, ou de faire le trajet Paris Lille en avion. Combien de temps perdu que j’aurais pu passer à taper une sieste à la place ?
Quand je lis des mots comme dangereuse ou folle, à son sujet, je me demande si on a tous les mêmes notions linguistiques. On peut trouver ses conseils éducatifs old-school, voir discutables sur certains points, mais avant d’utiliser ces termes, interrogeons-nous sur leur sens réel. Ou partagez avec moi des sources convaincantes (bis).
J’ai eu la chance d’échanger avec plusieurs professionnels de la petite enfance pour certains de mes papiers. De Caroline Goldman à Héloïse Junier, en passant par la Fondation pour l’enfance. Ces échanges avaient deux points en commun : ils étaient passionnants, et ils étaient mesurés. Ils n’avaient rien à voir avec ces déclarations choc et isolées, que l’on peut lire dans les médias. En tant que mère, certains discours m’ont particulièrement plu, j’ai par exemple adoré mon échange avec Héloïse Junier, dont la vision de l’enfance et de l’éducation raisonne beaucoup en moi. Cela ne signifie pas pour autant que je doive me révolter contre tous ceux qui ne partageraient pas ses opinions. Même si ça me permet de rameuter des followers. Et pourtant, mon compte à 800 abonnés fait la tronche.
À ce niveau de vide (à moins que vous ayez des sources, bis repetitam), on pourrait faire le choix de parler d’autre chose et de s’adonner à des activités plus intéressantes, comme soutenir des associations. Ceux qui portent leur cause en dénonçant celle des autres me font penser qu’ils n’ont pas grand-chose à dire. Et pour peu que je sois d’accord avec eux, je leur en veux d’accorder autant de visibilité à quelqu’un qui n’en vaut pas la peine.
Pour finir, je vous rappelle qu’il n’existe aucune formule magique qui vous permettrait d’élever magiquement vos enfants dans l’harmonie et l’épanouissement. Continuez de tâtonner, de ne rien comprendre et d’essayer quand même. C’est ce qu’il y a de mieux à faire. Sans (trop) impliquer vos réseaux sociaux, merci.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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