Ça faisait quelques mois que j’y pensais, et voilà, enfin prête, j’ai sauté le pas : j’ai arrêté de fumer. Et c’est fou, mais vraiment fou, tous les sentiments qui nous envahissent petit à petit.
Un sentiment de trahison
La clope du matin, celle d’en attendant le bus, celle de la pause, celle d’avant manger, et celle d’après, celle d’après l’après, puis les autres, même celle de pendant madmoiZelle. Toutes ces clopes qui, inconsciemment, étaient devenues nos amies régulières. Elles sont là, toujours là pour nous, elles nous accompagnent, pour peu que l’on soit seule quelque part. Puis on se dit aussi qu’elles nous donnent un air assez… mystérieux, en nous rendant inaccessibles. C’est un genre qu’il est sympa d’avoir (mais pas trop quand même, on aime avoir une vraie vie sociale). Ce petit tube blanc est, à part une dose de nicotine et de tous ces autres composants dont on préfère ignorer les véritables méfaits, un peu comme notre amie imaginaire qui nous suit partout, qui nous accompagne. Quand on ne les fume pas, on se sent mal, on se sent vidée de l’intérieur, comme si nos poumons, habitués à ce que leurs alvéoles soient remplies de ce goudron malsain, nous faisaient ressentir ce manque, notamment par un assèchement de la bouche.
Alors, quand on arrête pour de bon, radicalement, on a l’impression de les trahir. De les laisser sur le bord de la route, comme on abandonne un gosse pour le punir. Puis la trahison devient si forte qu’on pense à la rédemption. Mais il ne faut pas, on ne peut pas replonger si tôt : ça ne fait que trois jours que l’on a arrêté. Ne soyons pas filles faciles, allons bon. On en a vu d’autres, comme cette fois où l’on a pris comme résolution d’arrêter la tablette de chocolat devant la télé. La clope, c’est une blague, à côté.
Un sentiment de manque
Après les premiers jours difficiles sans ces cigarettes du bonheur (je parle toujours de cigarettes faites avec du tabac, et seulement du tabac, évidemment), qui nous emplissaient de leur fumée ravageuse, vient cette tentation de tout abandonner et remettre l’arrêt à plus tard en se disant : « Oh, c’est bon, je le ferai plus tard, et j’y arriverai ». Mais le truc, c’est que ça, tu l’as dit plus de dix fois. Parce qu’entre deux paquets, tu t’es déjà dit que t’arrêterais, puis, hop, te voilà au bureau de tabac en train de tendre ton billet au marchand.
Et après tout ça, une fois que tu as surmonté les débuts difficiles, une fois que tu crois que c’est bon, en fait, tu n’étais pas accro, arrive le pire : le manque. Le vrai manque, celui qui te rend malade. Ce manque de nicotine que tu compenses par la bouffe. Tu aurais aimé le compenser par l’alcool, mais le problème, c’est qu’à « petit verre », tu associes « petite clope ». Donc voilà. Tu manges, et tu manges, et tu bois de l’eau, des jus de fruits, ou d’autres conneries comme ces boissons pleines de sucres différents, du coup, tu grossis.
Mais grossir, c’est pas le top ! Comment tu vas faire ? Reprendre ? Non, tu as réussi à tenir deux semaines, presque trois, alors tu ne peux pas abandonner maintenant. Et puis, vlan. La culpabilité de la bouffe ingurgitée te revient en pleine poire, tu ne peux supporter ces boutons à ouvrir après manger, tu ne peux plus supporter ce petit bourrelet qui est venu s’incruster sur ton ventre. C’en est trop, tu décides de te mettre au sport, au moins pour un temps.
Un sentiment de bien-être
Aaah, te voilà en tenue de sport. Parée à toute éventualité. Tu te regardes encore une fois dans un miroir, tu te regardes, encore, et encore. Tu te demandes «
Pourquoi tant de haine ?« . Mais la réponse, tu l’as : la haine, c’est toi qui l’es infligée seule, puisque l’action « manger » a remplacé « fumer ». Du coup, ton corps, frustré de ce manque de nicotine inopiné, a décidé de conserver chaque portion de glucides, lipides et autres trucs en –ides que tu aurais ingurgité depuis l’arrêt fatidique.
Mais c’était ton destin ! Cette vie nicotinée n’était pas ce que tu voulais, au fond, sois-en assurée. Maintenant, quand tu marches en ville avec les copines, tu n’es plus essoufflée au bout de huit marches, ou d’une rue en côte. Tu n’as plus la sensation de malaise à la sortie d’un film qui t’a empêchée de fumer pendant deux heures. Tu n’as plus de problèmes pour offrir un verre à une copine parce que désormais, tu n’as plus de paquet à acheter ! Il y a tellement de choses qui vont mieux, maintenant que tu ne fumes plus ! Le matin, tu n’as plus une haleine de chacal croisé avec un fennec, malgré le brossage de dents. Tu as parfois des rechutes, des envies qui surgissent de nulle part, mais tu sais que tu peux résister, tu es capable de montrer à ton corps que la sérotonine, l’adrénaline, etc. suffisent amplement à le combler, plutôt que de passer par la case nicotine. Tu te sens bien dans ton corps, un bien-être intérieur que se voit à l’extérieur (une fois que tu as perdu ces kilos superflus qui n’avaient rien à faire ici).
Un sentiment de solidarité… et en même temps non.
Eh oui, la solidarité. Pourquoi ? Tout simplement parce que maintenant, tu entres dans la case des non-fumeurs. Et sache que désormais, tu seras d’une mauvaise foi sans précédent. La fumée de clope et le tabac froid vont devenir tes pires ennemis. Tu seras alors solidaire de ceux qui râlent contre la clope, et puis, au moins, tu peux aider ceux que tu aurais peut-être influencés, les motiver à suivre ton exemple : stop à la nicotine !
Ensuite, je peux t’assurer, que comme tu es une madmoiZelle super sympa, tu ne refuseras pas que l’on fume devant toi, penses-tu… Au début, tu pesteras dès qu’une once d’odeur de cigarette arrivera dans tes narines. Tu râleras dès qu’un cendrier ne sera pas vidé. Tu mettras de l’encens partout, quitte à empoisonner Monsieur ou Madame (ou à te faire détester par tes colocataires). Ce sont des risques à prendre. Car maintenant, la clope et toi, c’est fini, the end, tu ne veux plus en entendre parler, tu ne peux plus te la sentir (c’est le cas de le dire, je crois que j’ai préparé ce jeu de mot depuis que j’ai commencé l’article).
Mais un jour, tu verras, ça viendra petit à petit, tu sentiras l’odeur de la nicotine. Elle s’incrustera dans ton nez avec délectation (ou pas). Et à ce moment- là, tu te demanderas pourquoi tu n’as pas encore râlé. C’est parce que, ça y est, tu as enfin tourné la page, il t’a fallu quatre mois pour y arriver (pour les plus téméraires : pour celles qui ont un peu plus de mal à se débarrasser de la cigarette, ça peut prendre plus longtemps). Donc voilà, tu peux te clamer solidaire des fumeurs, parce que tu t’en fiches qu’ils fument : ils n’ont qu’à cuisiner leur mort à petit feu tous seuls. Et solidaire des non-fumeurs aussi, car tu t’es inscrite sur le listing de leur combat (même si tu ne sais pas bien de quel combat il s’agit).
Tout ça pour vous raconter comment j’ai vécu mon arrêt de la clope. J’espère ne pas être un jour tentée de recommencer, mais normalement, ça y est, j’en suis sevrée. Cela dit, je ne veux pas vous forcer à arrêter (qui serais-je pour oser cela ?), mais peut-être que ça peut vous faire réfléchir ? Je n’en sais rien. Mais en tous cas, je veux vous faire savoir mon bien-être nouveau, parce que maintenant, on atteint bientôt le cinquième mois, et je ne suis toujours pas en manque, même après le boulot. Et j’en suis fière.
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Les Commentaires
Du coup, j'ai arrêté. Du jour au lendemain. Je suis sortie de l'hôpital, j'ai vu un mendiant, lui ai demandé s'il fumait. Oui. Je lui ai filé mon paquet de clopes à peine entamé. Ça pourra même lui servir de monnaie d'échange. Et depuis, je n'y ai pas retouché, n'en ai pas eu envie, ai supporté des soirées où tout le monde allait fumer et où tu restes au chaud à l'intérieur. Et j'avoue que courir plus vite, plus longtemps, calmer mon coeur plus rapidement, m'occuper de moi, de mon corps, le sentir plus réactif, plus sain, ça n'a pas de prix.