Il y a neuf mois, j’arrêtais de fumer. Neuf mois plus tard, donc, je suis toujours non fumeuse. Ça a été parfois très facile, et parfois un peu difficile les quatre premiers mois. Mais si, souviens-toi, je t’avais raconté tout ça dans mes chroniques précédentes :
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Après ces quatre mois, en revanche, il y a eu beaucoup, beaucoup de moments drôlement difficiles dans mon sevrage.
Cet été, j’ai refumé. Pas juste une fois comme ça de temps en temps. J’ai refumé plusieurs clopes, à plusieurs soirées. Je me suis à nouveau réveillée avec la bouche pâteuse, les yeux qui brûlent et la gorge grasse. Présenté comme ça, on pourrait croire que dix minutes après le réveil, je me promettais de ne plus jamais retoucher à la cigarette, et que je m’y tiendrais.
La première partie de cette phrase est vraie : je me mettais à chouiner en me détestant et en me promettant de ne pas replonger. La seconde partie, en revanche, bon bah, c’est une toute autre histoire. Parce que j’étais à nouveau accro.
À partir de ce moment, j’ai commencé à me chercher mille excuses pour fumer. N’importe quel mot qui n’allait pas dans mon sens me faisait monter sur mes grands chevaux, et le moindre petit désaccord avec quelqu’un, même sur Twitter, le moindre petit pet de travers se transformait en flots énormes d’émotions tellement fortes dedans moi que ça me rendait totalement zinzin.
Je sais pas dans quel sens ça allait, si c’est l’envie de clope qui aggravait mon stress ou mon stress qui donnait davantage d’importance à mon envie de clope, mais ça me donne envie de déféquer mou quand j’y repense. J’aimerais beaucoup tirer un trait sur cette période, l’oublier, la faire oublier aux autres et faire en sorte qu’elle n’existe plus, et en même temps, elle m’a tellement appris sur moi-même. Sur mon addiction, et sur ma gestion personnelle des angoisses (spoiler alert : la nicotine n’a aucun effet sur cette dernière).
Moi en super forme cet été.
J’ai craqué parce que j’étais stressée parce que je savais bien que les vacances arrivaient et qu’après les vacances, mon environnement professionnel allait changer. Ça n’a probablement pas aidé.
Un autre truc qui n’a pas aidé, c’est que j’ai pris du poids. En réalité, j’avais grossi un mois tout juste avant d’arrêter de fumer. Je ne pouvais donc même pas mettre ça sur le compte de la clope. J’avais grossi en plein milieu de l’hiver alors j’avais juste à ne pas trop souvent baisser les yeux sur mon corps pendant la douche ou éviter de me regarder dans le miroir en-dessous du cou (bien que mon visage s’était largement arrondi), et ça ne m’importunait pas trop. J’ai commencé le sport quelques jours après avoir fumé ma dernière clope, en plus.
L’été arrivait, et j’ai, comme tout le monde, porté des vêtements plus fins, plus légers, qui découvrent davantage le corps. D’un coup, la prise de conscience : je n’aimais plus du tout mon apparence physique. Je prenais tellement plus de place, et je n’étais tellement pas préparée à ça. Je me suis mise à tellement complexer que j’ai eu l’impression d’être de retour dans mon état d’esprit du collège.
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J’avais arrêté la clope, entre autres pour pouvoir faire du sport et prendre soin de moi, et je m’aimais moins qu’avant ! Ça n’avait aucun sens ! Puisque c’était comme ça, puisque je me privais de la clope pour me plaire et que c’était pire qu’avant que je me prive, bas les couilles ! Pourquoi ne pas refumer ?
Je sais pas dans quel sens ça allait, si c’est l’envie de clope qui aggravait mon stress ou mon stress qui donnait davantage d’importance à mon envie de clope.
Alors j’ai refumé. Sur, quoi, trois semaines ? Grand max, et pas tous les jours, loin de là, et sans jamais retrouver mon rythme avant l’arrêt, mais j’ai refumé, en le cachant des personnes les plus chères à mon coeur. Même mon mec. J’ai fumé et j’ai menti à la personne la plus importante pour moi ! Je te laisse imaginer la double dose de culpabilité que j’ai pu ressentir. J’peux te dire, quand j’y repense, je fais pas la fière.
Ce qui est amusant, et assez révélateur de l’honnêteté de ce livre, c’est qu’Allen Carr en parle, dans La méthode simple pour en finir avec la cigarette. Lui-même, après un arrêt raté, a expérimenté la même chose (la rechute et le fait de le cacher à sa famille). M’en souvenir m’a aidée à me sentir moins seule et moins débile (même si je n’ai repensé à ce chapitre qu’après la rechute).
Cet été, donc, j’ai craqué bien salement. Ça m’a semblé duré des années, mais ça n’a même pas eu le temps d’être l’affaire de plusieurs mois. Mon mec, à qui j’avais bêtement caché ma rechute, a su me faire relativiser ce que j’estimais être un échec quand on a fini par en parler. Ancien fumeur également, il m’a dit un truc auquel je n’avais pas pensé : « la rechute fait partie de l’arrêt ».
Ce n’est pas obligatoire, bien entendu — je veux dire par là que si tu ne rechutes pas alors que tu n’as pas fumé depuis un an, peut-être que tu n’as pas nécessairement à passer par un craquage pour t’estimer sauvée de la clope. Peut-être que tu ne refumeras JAMAIS de ta vie toute entière, mais chez certaines personnes, ça aide. Et effectivement : je me sens encore plus éloignée de la cigarette depuis. Elle ne m’atteint pas, plus du tout. J’ai l’impression que c’est la conclusion de chacune de mes chroniques d’ex fumeuse, mais c’est à chaque fois vrai : à chaque fois, je suis un peu plus forte à la nicotine. Et bouya.
Moi, en forme pour de vrai à nouveau
Je suis désormais profondément consciente du danger, de la clope de soirée et encore plus de la cacher. Parce qu’en la cachant, je me suis remise une dose de culpabilité ce qui, dans une phase où le besoin physique de nicotine faisait à nouveau partie de moi, était un bonus de l’horreur.
Depuis, ça va TELLEMENT bien. Je ne me sens plus autant à l’abri qu’avant mes craquages de l’été, mais paradoxalement, je suis également bien plus apaisée. Je suis consciente du danger de la rechute, mais le fait est que je n’ai plus jamais envie. J’ai trouvé le truc qui me permet vraiment de me détendre : trois fois par semaine, je vais courir, un peu longtemps. Ça me fait un bien fou. Vraiment.
Je suis pas en train de dire que c’est une drogue, que c’est facile, que ma vie serait nulle à chier le caca sans. Je pense que c’est psychologique avant tout : je suis encore plus heureuse depuis que j’ai commencé à courir. Encore plus heureuse qu’après avoir arrêté la cigarette. Je me sens mieux dans ma peau, j’ai réappris à manger sans chercher à me récompenser pour ne pas fumer ou à compenser le manque de nicotine, je me sens plus légère et plus saine pour moi et pour les autres, dans mon esprit et dans mes habitudes et mon rythme de vie avant tout.
Je sais pas si c’est le simple fait de prendre l’air, de respirer très fort, de sentir mes poumons chaque fois un peu plus sains, de m’étirer après, de prendre une douche avec un grand sourire de fierté et une énergie plein le coeur et les jambes, mais je suis vraiment plus heureuse que jamais, et surtout plus armée pour les prochains pics de stress maintenant que j’ai trouvé le truc qui me permet de me défouler. Pour moi c’est courir, mais ça peut être le yoga, ou cuisiner, ou n’importe quoi d’autre ! Toi aussi, j’en suis sûre, tu as ta recette de détente, que tu ne l’aies pas encore découvert ou pas.
Je sais désormais que si ça m’arrive de refumer, par grand malheur, je ne le cacherais pas. Parce que le cacher, c’est en faire un drame, et se priver de l’expérience et du soutien de ceux et celles qui peuvent t’aider.
Parce que non, la cigarette ne m’aidait pas à me détendre. La cigarette m’empêchait d’être totalement détendue. La cigarette m’empêchait de connaître la plénitude de finir une journée de travail sans avoir à sortir fumer, d’enfiler des vêtements sans qu’ils ne sentent le tabac froid, de courir sans avoir l’impression de décéder des poumons ou de profiter d’un repas sans avoir à quitter mes partenaires de table pour aller m’en griller une.
Je pense qu’il m’arrivera toujours de penser à la clope, de temps en temps. Pendant les accès de panique, ou parce que je vois quelqu’un fumer à la télé, ou simplement sans raison, juste comme ça. Mais je sais que je peux être plus forte que ça. Que je l’ai pas toujours été, certes, mais l’intérêt de faire des erreurs, c’est qu’on en tire toujours des enseignements. Je sais désormais que si ça m’arrive de refumer, par grand malheur, je ne le cacherais pas. Parce que le cacher, c’est en faire un drame, et se priver de l’expérience et du soutien de ceux et celles qui peuvent t’aider.
Arrêter de fumer, c’est pas facile tout le temps, mais j’vais te dire : c’est carrément possible.
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Les Commentaires
Bref, merci @Sophie Riche je me suis sentie moins seule et un peu moins con sans rien pour m'occuper les doigts et la bouche. Et je sais que si jamais je rechute, je pourrais re-re-re-lire tes chroniques et être un petit peu plus sympa envers moi-même.