La parution du livre-enquête co-signé par Leïla Miñano et Julia Pascual avait entraîné l’ouverture d’une enquête interne, annoncée par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le 27 février 2014.
Le rapport d’enquête a été remis au ministre le 15 avril, et les dix mesures du plan d’action contre les harcèlement, les violences et les discrimination semblent effectivement répondre aux problèmes soulevés par les deux journalistes dans La guerre invisible, certainement confirmés par l’enquête interne :
- Isolement des femmes victimes de harcèlement et/ou de violences
- Absence de prise en charge (ou prise en charge insuffisante) des victimes
- Opacité des procédures d’instruction des plaintes et des procédures disciplinaires
- L’absence ou la faiblesse des sanctions infligées en cas de faits avérés
Le plan d’action s’articule autour de quatre piliers : l’accompagnement des victimes, la prévention des comportements nocifs, une plus grande transparence des poursuites et la sanction systématique des cas avérés.
Lever la loi du silence
Le premier axe de progrès préconisé par le rapport repose sur une meilleure prise en charge des victimes d’actes de harcèlement, de discrimination ou de violence. Plusieurs femmes ayant quitté l’armée ont témoigné de l’absence de recours possible dès les premiers comportement offensants. Elles se sentent alors isolées, a fortiori lorsque le coupable est leur supérieur hiérarchique…
Le plan d’action prévoit la mise en place d’un dispositif de signalement, afin d’assurer une meilleure information des victimes quant à leurs droits et aux suites données, aux procédures en cours, etc. L’accès aux associations de défenses des droits et au soutien psychologique devrait être renforcé.
Le harcèlement reconnu dans le code de la Défense
L’axe « prévention » porte notamment l’inscription de l’interdiction des actes de harcèlement dans le code de la Défense et dans le code du Soldat. Cette reconnaissance officielle doit permettre d’ouvrir un droit à la protection juridique des victimes de harcèlement et de violences dans l’armée.
La partie prévention de ce plan d’action consiste également à organiser la mixité au sein des infrastructures, en luttant contre les discriminations au recrutement
mais également en prenant en compte la mixité des effectifs lors de la rénovation des lieux de vies. S’il n’existe pas de sanitaires ou d’espaces réservés aux femmes et que la mixité est un problème, ces espaces doivent être prévus lors des travaux.
C’est ainsi que les sous-marins nucléaires devraient accueillir leurs premières officières en 2017, le temps que le vivier existant puisse être formé à ces fonctions ! Il s’agit du dernier baston 100 % masculin dans l’armée française.
Communiquer et sanctionner
Le livre-enquête des deux journalistes a donné une voix à celles qui avaient été réduites au silence, celles qui n’avaient pas pu se faire entendre de leur hiérarchie. Dans sa partie « Transparence », le plan d’action prévoit de confier au Haut Fonctionnaire à l’égalité des droits, en lien avec l’Observatoire de la parité, la compilation annuelle de statistiques sur les faits de harcèlement et de violence au sein des armées.
Ces chiffres devront être publiés dans le Bilan social annuel du ministère de la Défense et présentés aux instances de concertation et de dialogue social du ministère.
En dernier point, les procédures disciplinaires doivent être harmonisées, pour assurer notamment la proportionnalité des sanctions.
Alors que les auteures de La guerre invisible dénonçaient l’impunité des agresseurs, le plan d’action prévoit « d’appliquer des sanctions […] allant de l’exclusion temporaire des fonctions, à la radiation des cadres et la résiliation des contrats pour les actes de violence et d’agression sexuelle ».
Il faudra sans doute du temps pour que les mentalités évoluent dans les rangs de la Grande Muette, mais le message envoyé par la hiérarchie est clair : le harcèlement et les violences ne sont pas tolérés à l’armée, pas plus que dans la société.
Sur le blog dédié à La guerre invisible, des témoignages continuent d’être publiés. Le combat ne fait que commencer.
Pour aller plus loin :
- Plan contre le harcèlement dans l’armée: « Un moment historique pour les femmes », sur L’Express
- La Défense veut être «exemplaire» contre les violences sexuelles dans les armées, Libération
- Armées et violences sexuelles : la fin d’un tabou ? Le passage de Julia Pascual au Grand Journal (15/04)
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Les Commentaires
Je pense à ça car étant dans un milieu plus féminisé, je n'ai jamais eu à faire face à ce genre de problème dans mon métier... mais par contre je confirme, récemment on a eu cette discussion, le gars pressenti pour être le "monsieur harcèlement sexuel" l'a été sans aucune raison, il ne s'est pas porté volontaire, on l'a juste désigné, et ça ne lui a pas fait spécialement plaisir...
D'ailleurs je trouve symptomatique et amusant que face à ce débat, mes collègues, pourtant loin d'être de gros lourds, aient le réflexe de se dire que la meilleure personne pour être "conseiller discrimination sexuel" de l'unité soit une femme... comme si les hommes ne se sentaient pas concerné, que c'était un problème de gonzesse à régler entre gonzesse...
Après, moi-même militaire, je ne pense pas qu'il soit forcément mieux qu'il y ait 50% de femmes, mais que toutes celles qui ont les motivations et les compétences nécessaires puisse y rentrer, oui. Et quand je parle de compétence, je pense surtout au physique, parce que pour le reste y a aucun problème. Oui les femmes peuvent être aussi bonnes physiquement que les hommes, c'est pourquoi les barèmes ne doivent pas être adaptés mais maintenus tels quels, à chacun de s'adapter si elle veut y rentrer, le but est de maintenir la capacité opérationnelle. Mais là, je m'égare ^^'