La représentation importe. C’est ce que martèlent beaucoup d’activistes, de plus en plus repris par les marques de mode et de beauté.
Armani Beauty nomme Valentina Sampaio comme nouvelle ambassadrice
Après Yves Saint Laurent Beauté (marque appartenant au groupe L’Oréal) qui a choisi comme ambassadeur l’artiste trans non-binaire engagé Chella Man pour sa nouvelle ligne de maquillage, c’est au tour d’Armani Beauty (qui appartient au même groupe) de faire un choix rarissime dans l’univers des marques cosmétiques de luxe : une femme transgenre pour égérie.
C’est Valentina Sampaio qui a tapé dans l’oeil de la marque, laquelle s’est fendue d’un communiqué signé du nom de son fondateur de 87 ans :
« Armani Beauty est ma vision de ce que la beauté devrait être aujourd’hui : signifiante et transversale. Tout comme mes vêtements, mes produits de beauté visent à responsabiliser toutes les femmes, quels que soient leur culture, leur pays d’origine ou leur origine.
Je suis fier d’avoir Valentina en tant que nouveau visage de la beauté Armani : j’admire sa volonté, son engagement et sa détermination. Valentina n’a pas peur de parler et ses mots sont importants et touchants. »
Valentina Sampaio, toujours la première femme trans à ouvrir une porte dans le luxe
Valentina Sampaio a l’habitude d’être la première femme trans à ouvrir des portes dans l’univers de la mode et de la beauté de luxe. Celle-ci avait déjà été la première femme trans en couverture de Vogue Paris (récemment rebabptisé Vogue France avec Aya Nakamura en première couverture de cette volonté de renouveau éditorial). Mais aussi la première à défiler pour Victoria’s Secret.
De quoi donc se réjouir de cette avancée pour une plus large représentation des beautés possibles, dans toute leur diversité. Mais aussi s’interroger sur les possibles dynamiques de tokénisme dans cette industrie.
Être ou ne pas être une caution diversité, exotisée comme trans ou enjointe à passer pour cis
Le tokénisme désigne une pratique consistant à faire des efforts symboliques d’inclusion vis-à-vis de groupes minoritaires, dans le but d’échapper aux accusations de discriminations. Autrement dit : embaucher des « cautions diversité », dans une logique qu’on appelle le socialwashing concernant la justice sociale en générale, et le pinkwashing pour les droits des personnes LGBTI+ en particulier.
D’autant que sélectionner toujours la même personne renforce le caractère exceptionnel de ce choix, et donc confirme en creux la règle.
Sois belle mais passe pour cisgenre et tais-toi ?
Dans un article du Monde intitulé La beauté mise sur les transgenres… sous conditions, la journaliste Zineb Dryef soulignait notamment comment L’Oréal avait mis fin au contrat du mannequin transgenre Munroe Bergdorf après ses prises de position contre les manifestations d’extrême droite de Charlottesville (Virgine, États-Unis) et le suprématisme blanc, en septembre 2017. Le groupe a donc intérêt à se racheter sur le sujet depuis quelques années…
L’enquête du Monde interrogeait également Karine Espineira sur la façon dont les choix même de ces égéries trans répondaient aussi à des critères de beauté bien spécifiques, reproduisant d’étroites normes corporelles pouvant être oppressives :
« Les seules morphologies trans acceptées par le monde de la beauté seraient donc celles qui “passent”, les cultures LGBTQ ayant défini le terme de “passing”, soit l’aptitude à ne pas avoir de pomme d’Adam proéminence ou de voix trop grave — donc de ne pas être confondue avec un homme. »
Valentina Sampaio ouvrira-t-elle la porte à d’autres beauté trans dans toute leur pluralité ?
Outre celles qui bénéficient d’un bon passing comme Valentina Sampaio, notons aussi que d’autres personnes trans peuvent aussi être encensées dans l’industrie en tant que personne trans, justement pour cocher une case de diversité et d’inclusion des talents LGBTI+.
C’est donc une problématique complexe, dont le meilleur moyen d’en sortir pourrait bien être d’arrêter d’en faire des exceptions, et de plutôt dresser l’inclusion en minimum syndical.
Alors on peut se réjouir pour Valentina Sampaio ET espérer qu’elle ouvre la porte à beaucoup d’autres beautés, dans la pluralité des transidentités, qu’elles passent ou non pour des personnes cishétéros, sans qu’elles ne soient exotisées à ce sujet pour autant.
À lire aussi : « Penser la diversité sans inclusion ne mène à rien » : Barbara Blanchard secoue la mode française
Crédit photo de Une : capture d’écran Instagram Armani Beauty
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