BONJOUR. Loin de moi l’idée de coller le bazar dans vos couples dès la deuxième semaine de septembre, mais causons un peu d’un truc parfois complexe à aborder, le nerf de la guerre des amoureux-ses : l’argent.
Vous avez rencontré le bon, la bonne ou même les bons, la courbe de leurs yeux fait le tour de vos cœurs, vous emménagez ensemble dans la joie et la bonne humeur, mais après : qui paie le canapé Ikea et l’abonnement Internet ? Hein ?
Comment fait-on lorsqu’une relation devient sérieuse ? Sommes-nous plutôt pour une mise en commun des sous durement acquis ou adoptons-nous l’adage des bons comptes individuels qui font les bons amants ? Comment ça marche, chez vous ?
Une majorité de couples adepte de la mise en commun totale des revenus
Figurez-vous que l’INSEE a publié cet été les résultats d’une enquête sur « la mise en commun des revenus dans les couples ». Comment les couples partagent-ils leurs ressources ? Comment prennent-ils leurs décisions en matière de dépenses ?
L’Institut a interrogé 2 349 couples cohabitant depuis au moins un an et dont au moins l’un-e des conjoint-e-s était « actif » au moment de l’enquête (pour celles et ceux qui ne seraient pas familier-e-s avec les termes de l’INSEE, un « actif » est quelqu’un qui a un emploi ou est au chômage).
Généralement, chaque couple se situe sur un continuum qui va de la mise en commun totale du flouze (tous les sous sont placés sur un compte commun et utilisés à la fois pour les dépenses collectives et personnelles) à la séparation totale des euros (chacun garde ses sous et les conjoint-e-s s’arrangent autrement pour les dépenses communes).
Selon les résultats de l’enquête INSEE, en 2010 :
- 64% des couples sont adeptes de la mise en commun totale
- 18% optent pour des comptes complètement séparés
- Et 18% pour un système « entre-deux » de mise en commun partielle (une « caisse » pour les dépenses communes et le reste est gardé par chacun pour ses propres dépenses personnelles).
Cette répartition ne semble pas vraiment évoluer au fil du temps (90% des participants à l’enquête n’ont jamais changé de système). Pour la plupart des férus de la mise en commun totale ou de la séparation totale, la mise en place du système s’est faite d’elle-même, sans y avoir réfléchi au préalable. En revanche, les amoureux-ses qui mettent partiellement en commun leurs revenus déclarent avoir réfléchi et étudié toutes les possibilités au préalable, ou ont décidé d’adopter ce système à la suite d’un évènement particulier (naissance d’un mouflet, achat d’un bien immobilier).
De fait, ces derniers doivent s’accorder pour décider qui contribue à quoi et pour quel montant – 3 logiques sont identifiées pour 88% des couples (un petit groupe d’irréductibles ne font rien de tout ce qui suit – bande d’anarchistes) :
- La redistribution (les conjoint-e-s contribuent aux dépenses communes proportionnellement à leurs revenus)
- L’égalité de contribution (chaque conjoint-e contribue au même montent pour les dépenses collectives)
- La répartition par domaine (l’un paie l’abonnement Internet, l’autre l’électricité…).
La mise en commun totale des revenus est la situation la plus répandue lorsque le couple est marié, ou a des enfants – généralement plus le couple est « ancien » (plus de 20 ans de vie commune), plus la mise en commun est probable. Ces « metteurs » en commun ne se consultent pas forcément lorsqu’ils utilisent l’argent commun pour des dépenses personnelles – excepté s’il s’agit d’une grosse somme.
Lorsque les conjoint-e-s ont déjà une expérience précédente de vie de couple, ils auront moins tendance à mettre en commun (d’une part parce que « chat échaudé craint l’eau froide », d’autre part parce que ce-tte conjoint-e pourra avoir encore des liens financiers avec l’ex-partenaire).
En fait, tout est un peu lié : il y a plus couples avec enfants qui sont mariés, et plus de mariés parmi les couples « anciens »… Pour autant, chaque caractéristique n’a pas forcément la même influence sur la probabilité de la mise en commun : ce n’est pas parce que vous avez endossé l’étiquette « marié » que vous mélangerez forcément vos dollars avec ceux de votre bien-aimé-e.
Dans un article pour le Plus du Nouvel Obs, François de Singly note que les couples ayant adopté le système de la « mise en commun totale » feraient preuve d’une plus forte différenciation des sexes – l’auteur indique par exemple que lorsque les deux conjoints travaillent, ils sont moins adeptes de la mise en commun totale. Somme toute, pour lui, « la mise en commun financière va de pair avec la différenciation sexuelle ».
L’argent : partie intégrante de la création du couple et du « nous conjugal »
Malgré toutes les observations précédentes, l’argent ne peut s’appréhender seulement par une approche froide et comptable : les « ménages » ont un rapport à leur argent bourré d’enjeux moraux, symboliques, de normes, de volontés…
Lorsque nous sommes interrogés sur nos façons de gérer les dépenses et revenus, nous aurions tendance à penser et à dire que notre organisation financière est naturelle, logique, ordinaire – comme l’ont fait certains couples interrogés lors de l’enquête INSEE… Alors même que rien n’y est naturel, justement, et que
cette organisation est toujours issue de négociations conjugales implicites.
Je m’explique : lorsque vous vous engagez dans une relation suivie, vous entrez dans ce que la sociologue Caroline Henchoz appelle un « processus de construction de l’équipe conjugale » – c’est-à-dire que peu à peu, vous construisez les valeurs, normes et buts communs de votre couple, vous mettez en place une vision du monde partagée, vous essayez de construire un « idéal amoureux ».
En d’autres termes, cela signifie qu’aux prémices de votre relation, lorsque peau qui brille et auréoles de transpiration sont encore cachées par le filtre de l’amour naissant, des habitudes et des normes vont se former entre vous et votre conjoint-e et vont déterminer la façon dont votre couple va évoluer.
Imaginons que je m’entiche d’une nana super nommée Plectrude, ou d’un type super nommé Plectrin. Lorsque nous nous rencontrons, nous vivons chacun-e avec nos normes, nos valeurs, notre histoire, notre réseau familial : pour Plectrude/Plectrin et moi, l’argent n’a pas la même signification, ni les mêmes usages – notre couple se construira au travers de ces caractéristiques personnelles et de l’interaction de celles-ci.
Pour ma part, au début de notre relation, je veux tout lui donner, lui balancer mes thunes sans compter, je fais péter les croissants le samedi et dégaine les tickets restos pour payer la pizza, tandis que Plectrude/Plectrin se mettra à payer les courses et la laverie. Petit à petit, cela peut devenir une habitude de fonctionnement ; je paie les plaisirs et Plectrude/Plectrin paie les trucs chiants. L’exemple est schématique, mais vous voyez le truc ?
Le couple, l’amour et les rapports genrés
Si l’argent a des enjeux symboliques, il peut aussi être perçu sous un prisme genré – selon Henchoz, il n’aurait ni le même sens, ni le même poids pour les hommes ou pour les femmes. Non pas parce que nous aurions des fonctionnements innés selon nos sexes biologiques, mais plutôt parce que nos histoires sociales sont différentes : pour rappel, les femmes n’ont été autorisées à ouvrir un compte bancaire et exercer une activité professionnelle sans l’accord de leur mari qu’en 1965.
Des études sociologiques ont ainsi montré par exemple que l’argent des femmes était souvent perçu comme « argent d’appoint », lorsque celui des hommes est considéré comme « l’argent familial ». D’autres ont constaté que les femmes étaient généralement responsables des dépenses quotidiennes et puiseraient dans leur argent personnel pour les effectuer – par ailleurs, elles semblent éprouver de la culpabilité à utiliser leur argent pour des dépenses personnelles.
De la même manière, gagner plus d’argent que leur conjoint est problématique pour certaines d’entre elles : elles auraient dans ce cas tendance à dévaluer leur salaire dans leurs discours, à le faire passer pour « l’argent du ménage » – les hommes dont le salaire est inférieur à celui de leur compagne devront quant à eux parvenir à se défaire du rôle stéréotypé de mâle « pourvoyeur » d’argent pour sa famille.
Laurence Bachmann, docteure en sociologie, ajoute que les femmes pensant leur émancipation seraient également astreintes à une exigence d’égalité et d’autonomie : « les usages de l’argent des femmes sont de temps à autre traversés par des soucis de soi qui les incitent à s’écarter ponctuellement de leurs dispositions de genre ». Autrement dit, si le « rôle de genre » des femmes les pousse à utiliser leur argent pour leur famille, un « souci de soi » prendrait parfois le dessus et les mènerait par exemple à mettre à l’écart de l’argent pour anticiper une rupture potentielle, à puiser dans leurs économies plutôt que d’accepter le soutien financier de leur conjoint… Les femmes doivent donc jongler entre rôle de genre et émancipation.
Selon la sociologue, certaines femmes pourraient avoir un fort désir de non-dépendance – pour celles-ci, l’argent est une protection, même si cela peut sembler aller « contre » l’idée de solidarité et de partage familial.
Bachmann, en allant à la rencontre de couples hétérosexuels, constate que la plupart des hommes ne semblent pas saisir ce souhait d’émancipation de la part de leur compagne – pour eux, le couple serait un espace de partage. La chercheuse propose deux interprétations : cette réaction relèverait soit d’une stratégie de dominant pour préserver leurs privilèges de genre, soit d’un « aveuglement » (puisque les hommes ont une position privilégiée, ils ne peuvent pas voir, saisir les préoccupations d’émancipation de leurs compagnes). De la même manière, sans doute, que les femmes pourraient ne pas saisir la pression des hommes à être pourvoyeurs pour leurs familles, à endosser le rôle social masculin de pourvoyeur économique.
Somme toute, être en couple nécessite un ajustement constant – nous avons ici abordé la thématique de l’argent, mais l’adaptation concerne bien d’autres domaines… Si l’ajustement et les négociations peuvent être spontanés, ils ne sont généralement pas naturels. Vous pensez toujours que « quand on aime, on ne compte pas » ?
Pour aller plus loin :
- L’enquête INSEE
- L’article de F. De Singly
- Quelques mots à propos d’un ouvrage de Caroline Henchoz
- Des extraits d’un ouvrage de C. Henchoz et H. Belleau (petit aparté au passage : l’article manque cruellement de données concernant des couples non hétérosexuels – je ne me suis pas procuré l’ouvrage, mais un chapitre de ce livre-là aborde le sujet)
- Un article de Laurence Bachmann
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Les Commentaires
Pour ma part j'ai jamais calculé ,c'était en fonction ..dans chacun de mes ex couples,du moment où ça marchait c'était à celui qui avait les moyens,parfois ma personne parfois le bonhomme en question..une fois je suis tombée sur un radin mesquin,je l'ai quitté (le tue l'amour)
j'ai même payé les études d'un ex ,alors bon
Aujourd'hui mon mec est riche et proprio donc il paie la majorité des dépenses (sorties,courses etc) et bien entendu je ne paie guère de loyer(il se vexerait ^^) même s'il m'arrive de faire des folies pour lui ^^
Non pr moi le budget se fait ensemble si les moyens st similaires,ms sans plus de calcul que ça sinon vive le mal de crâne ,et sinon autant être en coloc hein !Enfin je me comprends ^^