J’ai mis près de cinq ans avant de faire un deuxième enfant. Rien à voir avec une difficulté de conception d’ordre biologique ou autre, mais j’avais tellement la flemme de tout recommencer depuis le début que j’ai procrastiné.
Comme quoi, quand on est flemmarde, ça peut vraiment être sur tous les sujets. Et puis surtout : je n’en avais pas envie.
Remettre le couvert après une dépression du post partum
Après la naissance de ma fille, et surtout à cause d’une dépression du post partum bien vénère, je m’étais jurée, croix de bois, croix de fer, que jamais je ne recommencerai. J’envoyais bouler allègrement toutes celles et ceux qui me foutaient (plus ou moins) la pression pour qu’on « fasse un petit frère ou une petite sœur », et j’étais sûre que ma fille serait une enfant unique, ce qui nous convenait très bien, à mon mec et moi.
Et puis un jour, l’accident arrive, et je tombe enceinte. Un véritable choc, si violent que je me renseigne immédiatement pour avorter. Je prends rendez-vous en clinique, je fais une prise de sang, je suis déterminée. Mon mec l’est autant que moi, on ne veut pas de cet enfant, c’était un accident.
Nous voulons rester à trois, et c’est tout. La grossesse, l’accouchement et les premières années de vie de notre fille ont été si compliqués à gérer, physiquement et émotionnellement, qu’il était clair que ce n’était plus pour nous.
En plus, on voyait enfin le bout du tunnel de cette période si dure qu’est la toute petite enfance. Notre fille grandissait, elle n’était plus un bébé, devenait de plus en plus autonome et notre vie familiale était enfin équilibrée. Toutes ces raisons étaient amplement suffisantes, nous ne voulions pas chambouler notre vie qui avait mis tant de temps à se stabiliser.
Et puis, d’un coup, d’un seul, on a changé d’avis, en même temps. Je crois que ce qui a tout bouleversé, c’est qu’on a envisagé, quelques secondes, ce que pourrait être notre vie si nous passions de trois à quatre. On a commencé à imaginer les repas, les vacances, les jeux que pourraient partager notre fille et puis pouf : quel prénom on pourrait lui donner.
En quelques secondes, cet enfant existait et on ne voulait plus qu’il s’en aille. Toutes mes convictions, toutes mes décisions, tous mes traumatismes étaient écartés, je désirais ce deuxième enfant, c’était évident.
De l’avortement à la fausse-couche
Mais ça n’a pas fonctionné. Dès mon deuxième mois de grossesse, l’embryon s’est décroché. Celui dont on n’avait pas voulu en premier lieu avait préféré quitter le navire, me laissant dans une marre de sang puant la culpabilité.
Quelle ironie, non ? Je rejette immédiatement l’idée de cette grossesse, je veux m’en débarrasser au plus vite, puis je change d’avis, et je le perds. J’ai beau être informée sur le sujet, j’ai beau écrire dessus depuis des années, aider à libérer la parole comme je le peux et à mon échelle, je reste persuadée que je suis responsable de cette fausse-couche, que c’est le fait de l’avoir rejeté qui l’a fait partir de mon ventre.
Passé le choc, la tristesse et les pleurs, nous prenons la décision de recommencer, et d’essayer encore. C’était assez dingue de se dire qu’à peine quelques mois en arrière, nous étions sûrs de ne pas vouloir d’un autre enfant, et qu’aujourd’hui, après un presque-avortement et une fausse-couche, nous désirions officiellement nous remettre dans le bain, en pleine conscience.
Et hop, c’est reparti pour un tour
Nous sommes chanceux, nous n’avons rencontré aucune difficulté à procréer. Seulement deux mois après l’arrêt naturel de ma grossesse, je retombe enceinte.
La grossesse ne se passe pas vraiment bien, j’ai des malaises très (trop) fréquents, des contractions fortes dès le 5e mois, des nausées, une grande fatigue et une anémie qui ne me quittera que plusieurs semaines après la naissance de mon fils.
Je suis souvent arrêtée par mon médecin pour me reposer et j’ai vraiment du mal à « me mettre dedans », à réaliser que oui, ça y est, un deuxième enfant va bientôt débarquer.
Pourtant, je suis bien plus sereine que pour ma première grossesse. Je sais un peu plus ce qui m’attend, je reconnais plus facilement les maux qui me turlupinent, je ressens très vite les premiers coups de pieds.
Quand j’apprends que je vais accoucher par césarienne programmée, je ne suis pas déçue. Je connais, je sais ce que ça fait, et surtout j’ai hâte d’être débarrassée de tout ça. Pour moi, l’accouchement n’est qu’une toute petite étape, ce qui compte, c’est l’après. Comme quoi, être enceinte une deuxième fois ne m’a pas fait aimer davantage la grossesse, je déteste toujours ça.
Parentalité : round 2
Quand mon fils pousse son premier cri, je respire enfin. Cette impression d’avoir passé 9 mois en apnée se dissipe immédiatement, et voir sa petite tête hurlante et rouge posée près de mon visage me soulage tant que j’en pleure de joie.
Enfin, cette étape est terminée. J’ai réussi à fabriquer un deuxième être humain vivant, en bonne santé, je suis allée au bout. Maintenant, le plus dur arrive, je ne le sais que trop.
Est-ce que je suis prête pour ce deuxième enfant ? Un peu plus que la première fois oui, j’en ai l’impression. Je n’ai plus de deuil à faire, celui de ma vie sans enfant, comme ça avait été le cas lors de la naissance de ma fille. Je n’ai plus toute cette ambivalence de la matrescence à gérer, je sais déjà ce que c’est que d’être mère.
Mais je sais que ça va être dur, très dur. Aujourd’hui, mon fils a à peine quatre mois, et je suis épuisée. Moi qui pensais, un peu naïvement, que je ne ferai pas une deuxième dépression du post partum, j’ai été servie, encore.
Je commence enfin à sortir la tête de l’eau, même si les vagues reviennent fréquemment s’écraser plus ou moins violemment sur ma famille et moi.
Je ne regrette pas notre choix, cet enfant est désiré, aimé, et je sais que tout ça finira par passer. Mais vivement ! Vivement que cette longue période, pleine de doutes, de peurs, de rage, d’épuisement, se tarisse, et qu’enfin reviennent les jours plus sereins.
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Crédit photo image de une : Josh Willink / Pexels
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