Comme beaucoup, j’ai déjà désactivé mon compte Instagram à plusieurs reprises parce que j’y passais trop de temps à me comparer aux autres, qui semblaient toujours avoir la vie rêvée (c’était évidemment faux). Oui, quelques soirs où je me suis retrouvée seule sur mon canap à manger des restes de pâtes froides tout en lorgnant les stories de soirées auxquelles je n’étais pas invitée, j’ai craqué.
Parallèlement, sans tout à fait disparaître, cette tendance de la vie rêvée perd de la vitesse au profit d’une recherche de plus d’authenticité. Mais pas n’importe laquelle : une authenticité à fleur de peau, faite de vidéos éplorées et de confessions morveuses.
Censés mettre en lumière des instants plus réalistes de la vie et débloquer le dialogue autour de la santé mentale, les « crying selfies » nous rendent-ils vraiment service ?
Sauver la santé mentale des internautes, une larme à la fois
Ce n’est pas nouveau : mal utilisés, les réseaux sociaux nous encouragent indirectement à comparer nos vies aux moments les plus photogéniques et notables des autres. Ils sont même responsables de la déprime et de la dépression croissante des plus jeunes.
Mais une vague de selfies prend le chemin inverse… de plus en plus d’internautes, et même de célébrités, partagent leurs pires moments et les instants les plus vulnérables pour montrer qu’ils et elles sont comme tout le monde.
Et pour cela, pas de filtres, à la manière de Cara Cunningham en lorsqu’elle nous conjurait de « Laissez Britney Spears tranquille » en 2007 sous sa couche de mascara brouillé par les larmes.
Sur TikTok, qui se vente d’être plus authentique que les autres plateformes aux yeux des internautes, les vidéos de gens qui pleurent et se plaignent de leur vie sont de plus en plus nombreuses et accumulent les vues.
Sur Instagram, ce fut récemment le cas de la mannequin Bella Hadid, qui expliquait à ses 47 millions d’abonnés, la morve au nez, que :
« C’est à peu près mon quotidien, chaque nuit, depuis quelques années maintenant. Les médias sociaux ne sont pas réels. Pour tous ceux qui luttent, rappelez-vous de cela. Parfois, tout ce que vous avez à entendre, c’est que vous n’êtes pas seul. Alors de moi à toi, tu n’es pas seul. Je t’aime, je te vois et je t’entends. »
Ce fut également le cas de la chanteuse Lizzo, qui, les yeux rouges s’est confiée à ses abonnés au sujet de sa santé mentale fragile.
Mais ces clichés ne sont pas là uniquement pour que les stars se donnent un visage plus humain. Certains et certains jugent que cette tendance ouvre le dialogue sur la santé mentale et déstigmatise les moments de faiblesse que chacun et chacune peut vivre.
Mais est-ce suffisant ?
Et si on allait voir un ou une psy, plutôt ?
Voir ses célébrités préférées verser volontairement des torrents de larmes en ligne peut, certes, encourager à plus de vulnérabilité, mais et après ? Et si ces clichés bien intentionnés étaient au contraire plus nocifs qu’autre chose ?
La psychologue Monica Johnson confiait à Vogue :
« Il y a des situations dans lesquelles voir ce contenu en ligne pourrait être validant pour d’autres, mais gardez à l’esprit que cela pourrait aussi être un trigger. »
Et c’est sans compter le fait que les plus jeunes des internautes pourraient vite croire qu’il suffit de sortir la perche à selfie à chaque crise d’angoisse, en guettant le nombre de commentaires bienveillants une fois la photo publiée, pour que tout aille mieux. Au contraire, c’est plutôt paradoxal. Le magazine Vogue le résume bien :
« Nous commençons à poster des selfies de larmes et sur les réseaux sociaux parce que nous nous sentons seuls, alors que ce sont les réseaux sociaux eux-mêmes qui exacerbent souvent notre sentiment de solitude. »
Montrer que tout le monde pleure, c’est cool, mais il faudrait surtout plus de discussions autour de l’accès à la santé mentale et ses tabous, non ?
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Crédits photos : compte Instagram de Bella Hadid / TikTok de Lizzo / Capture d’écran de la vidéo de Cara Cunningham
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Les Commentaires
Et je plaide coupable, j'ai exactement fait ça .