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Après dénonciation des violences en son sein, le Cours Florent réagit… par une plainte pour diffamation

En 2020, Les Callisto, une association qui lutte contre les violences sexistes, sexuelles et discriminantes dans le monde du spectacle, dénonçait des exactions au cours Florent. La réponse de l’école a été de porter plainte pour diffamation.

En novembre dernier, l’association Les Callisto mettait en lumière la récurrence des violences sexistes, sexuelles et discriminantes dans le milieu du spectacle vivant et notamment au Cours Florent, école de comédie emblématique à Paris. En réponse, plutôt qu’offrir un dialogue ouvert et transparent sur son fonctionnement, l’école a choisi une stratégie que l’on connaît un peu trop bien : une plainte en diffamation. 

La violence n’est pas un outil pédagogique ou artistique

L’association est née en août dernier face à un constat : les violences que ses membres avaient pu vivre ou observer n’étaient ni « uniques », ni marginales. Elles sont une réalité institutionnelle dans le milieu des arts vivants, et notamment dans les méthodes d’enseignement.

Après cette réalisation, les membres des Callisto ont donc décidé de se réunir. Pour rompre l’isolement dans lequel se trouvent les victimes, qui n’osent pas parler parce qu’elles se sentent seules, pour dénoncer ces agissements, mais aussi pour participer à la création d’une scène de demain, moins marquée par la violence.

Aujourd’hui, l’association joue un rôle de lanceuse d’alerte. Sur son site internet, elle recueille des témoignages de victimes de violences au sein des écoles d’art du spectacle. La porte-parole de l’association explique ainsi :

« Après réception et croisement des témoignages, nous contactons les directions des écoles avec un compte-rendu pour les mettre au courant. Nous leur rappelons les obligations légales auxquelles elles sont tenues : en plus de l’obligation de sécurité qu’elles doivent offrir à leurs élèves, les écoles sont censées saisir le préfet d’elles-mêmes si elles ont connaissance d’un crime ou d’un délit. Il est capital que les administrations assument les responsabilités qui leur incombent. Si les directions ne prennent pas leur responsabilité, nous agissons sur l’espace public, en prenant la parole. »

Depuis, les récits affluent sur leur site et sur leur compte Instagram.

 

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La dénonciation des exactions au sein du Cours Florent

En 2020, la direction du Cours Florent est informée de faits de viol, de corruption de mineur et de harcèlement par des enseignants au sein de leur établissement.

Sans réaction suffisante de leur part, l’association a pris la parole dans une tribune chez Mediapart pour dénoncer ces agissements et appeler à la mise en place d’un véritable environnement de travail sain dans l’école.

« Les aménagements mis en place – mutation, cellule d’écoute animée par des professeur.e.s- semblent plutôt des invitations à étouffer ces affaires, à ne pas faire de vague, et décridibilisent (sic) en un même temps nos dénonciations. […]

Nous exigeons que vous preniez acte de nos déclarations et de nos souffrances. Que vous condamniez fermement toute entrave à l’intégrité physique et morale de vos étudiant.e.s.  Que vous dispensiez une écoute attentive aux élèves qui auraient subi ou assisté à des violences. Que le cas échéant vous les accompagniez dans leurs démarches judiciaires et médicales. Que vous preniez des mesures vis -à -vis des professeur.e.s et des personnes incriminé.e.s. Que vous mettiez en place un climat de travail sain, où ne sont tolérées ni les insultes, ni les agressions. Que vous ne légitimiez plus la violence ni comme outil pédagogique ni comme méthode artistique. Que vous dispensiez au contraire une formation très claire aux élèves en matière de violences afin qu’iels soient armé.e.s pour leur entrée dans le monde professionnel, dans un monde post #metoo où il n’est plus possible d’ignorer la maltraitance structurelle du monde du théâtre et du cinéma. »

Une plainte pour diffamation portée contre l’association

Si des choses ont changé au Cours Florent depuis la publication de leur tribune, les mesures qui ont été prises ne sont pas à la hauteur des enjeux, pour Les Callisto. Contactée par madmoiZelle, la porte-parole de l’association explique :

« En février dernier, il y a eu l’ouverture d’une cellule de veille et d’information sur le harcèlement au sein de l’école. Mais cette cellule était tenue par deux professeurs de l’école, qui ne sont pas des travailleuses ou travailleurs sociaux, et qui n’ont pas reçu de formation quant à la réception de témoignages et à la sensibilisation.

Depuis, il a été porté à ma connaissance qu’ils avaient recruté une association extérieure à l’école pour prendre la main sur cette cellule de veille, mais ne pouvons pas en témoigner avec certitude. De manière générale, ces mesures sont très timides face aux violences constatées.»

À la suite de cette tribune, la direction du Cours Florent a affirmé publiquement avoir porté plainte pour diffamation contre Les Callisto.

En retour à cette plainte, l’association a diffusé un communiqué de presse pour appeler au soutien et montrer que les membres de l’association continueraient à porter la voix des victimes.

« Ce communiqué de presse est une réponse à leur déclaration de plainte. En premier lieu, nous avons besoin de lever des fonds pour payer les frais légaux engendrés par la situation. Mais nous essayons aussi d’agir à plus grande échelle : nous voulons montrer qu’il est possible de visibiliser les violences, de briser l’omerta, et de libérer la parole, et de permettre la prise en compte des victimes. Il est grand temps de faire bouger les choses, et il faut que les administrations sachent que nous n’arrêterons pas de parler tant que nous n’aurons pas obtenu gain de cause. »

À lire aussi : Les accusations d’agressions sexuelles envers le président du CNC Dominique Boutonnat embarrassent les César


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Les Commentaires

10
Avatar de Aichathegypsy
28 février 2021 à 10h02
Aichathegypsy
La plainte pour diffamation ou comment museler la parole.
0
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