Mise à jour du 25 août 2021
Il n’aura pas fallu plus d’une semaine pour assister à un revirement radical de la part de OnlyFans. Après le coup de tonnerre du 20 août et l’annonce de l’interdiction des contenus sexuellement explicites, la plateforme revient sur sa décision :
« Merci à toutes les personnes qui ont fait entendre leur voix. Nous avons pris les garanties nécessaires au soutien de notre communauté de créateurs et avons suspendu le changement de politique prévu le 1er octobre. OnlyFans soutient l’inclusion et continuera à offrir une maison pour tous les créateurs. »
Le post publié sur Twitter est laconique et ressemble presque à un mea culpa, doublé d’un « hé, reviens, pars pas tout de suite, j’ai changé, je te jure » (ouais, votre ex aussi disait ça).
Un rétropédalage pour rattraper les travailleurs et les travailleuses du sexe qui produisent des contenus pornographiques et sans qui la plateforme perdrait une grande partie de son trafic ? On ne va pas faire de mauvais esprit, mais personne n’est dupe…
Article publié le 20 août 2021
Virage à 180 degrés pour OnlyFans. La plateforme de partage de contenu sur abonnement a annoncé, jeudi 19 août, sa décision de bannir « tout contenu sexuellement explicite » à partir du mois d’octobre.
Créé en 2016, le réseau social britannique propose à des « créateurs » d’échanger des discussions, photos et vidéos exclusives avec leur « fans » en échange d’une rémunération. Le partage de contenus érotiques ou pornographiques était rapidement devenu le fonds de commerce d’OnlyFans, qui compte près de 130 millions d’utilisateurs.
L’entreprise explique ainsi sa décision :
« Afin d’assurer notre fonctionnement dans la durée et de continuer à héberger une communauté inclusive de créateurs et de fans, nous devons faire évoluer nos règlements. Ces changements sont nécessaires pour nous conformer aux requêtes de nos partenaires financiers et services de paiement en ligne. »
OnlyFans précise que les créateurs pourront toujours partager des publications exposant de la nudité, à condition qu’ils se conforment aux nouvelles règles du site. Le règlement actuel de la plateforme interdit, entre autres, les contenus sexuels extrêmes ou criminels mais pas l’érotisme ni la pornographie, qui ont contribué au succès du réseau.
L’entreprise britannique a précisé qu’elle donnerait plus de détails dans les jours qui viennent et « aiderait activement » ses plus de 2 millions de créateurs.
Des plateformes sous pression
Avant OnlyFans, Pornhub a également fait l’objet de pressions de la part des services de paiement. Le géant du X a été accusé dans un article du New York Times, en 2020, de diffuser des vidéos pédopornographiques et de viols. Quelques jours plus tard, les entreprises Mastercard et Visa ont bloqué les paiements sur le site pour les détenteurs de leurs cartes de crédit.
Mais si OnlyFans évoque les « requêtes » des investisseurs et services de paiements pour justifier sa décision de bannir les contenus sexuels, un autre élément a pu contribuer à ce choix.
La BBC a en effet mené une enquête à charge contre le réseau, qui révèle notamment que les comptes publiant des contenus interdits par le règlement du service n’étaient pas systématiquement fermés.
Le média britannique a eu accès au manuel distribué aux modérateurs d’OnlyFans, lequel indique, par exemple, que les créateurs partageant du contenu répréhensible reçoivent trois avertissement avant d’être plus sévèrement réprimandés. Pour les créateurs très populaires, les avertissements peuvent être encore plus nombreux.
Quant aux stars du site, dont les comptes sont les plus lucratifs, elles seraient surveillées par une équipe de modération à part.
OnlyFans a réagi en déclarant que ce fameux manuel était incomplet et ne devait pas être pris comme « une orientation officielle ».
Les travailleurs et travailleuses du sexe mises en difficulté
La nouvelle politique d’OnlyFans, en plus de compromettre la survie du site, restreint encore plus les possibilités de travail des professionnelles du sexe en ligne.
Surnommé l’« Instagram du porno », le réseau social avait attiré de nombreuses travailleuses du sexe ou personnalités du milieu pornographique mises en difficulté par la crise sanitaire, comme l’expliquait au Monde Maria Coelho, une des porte-parole d’OnlyFans.
« Jusqu’à fin 2019, c’était effectivement la partie la plus importante de nos utilisateurs. Avec le confinement, des créateurs de tous types d’industries se sont rendu compte du potentiel de rémunération que peut leur offrir la plate-forme. »
Alors que certains associent ces pratiques à de la prostitution, l’acquisition de vidéos ou photos à caractère sexuel est totalement légale en France. Avec OnlyFans, « les jeunes [actrices] ont la chance de pouvoir être chef d’entreprise, d’engranger leurs propres communautés, de choisir leurs pratiques, leurs partenaires, de s’affranchir de la pression d’un réalisateur », défendait (toujours au Monde) Liza Del Sierra, réalisatrice et productrice de films porno.
Pour les utilisateurs, l’un des principaux attraits du site tenait à la possibilité d’interaction avec les performeuses via leurs abonnements. Ceux-ci ont rapporté plus de 5 milliards de dollars aux créateurs dont 20% des revenus générés sont prélevés par la plateforme.
Après l’annonce d’OnlyFans, de nombreuses créatrices se retrouvent désemparées face à la perte imminente d’une de leurs principales sources de revenus : « Les plateformes de contenus et les réseaux sociaux créent sans cesse des barrières pour empêcher les travailleurs du sexe de survivre », a regretté auprès de l’AFP une créatrice de contenus érotiques active sur OnlyFans depuis avant la pandémie, qui préfère rester anonyme.
« Mais nous avons l’habitude de nous adapter et nous trouverons toujours des moyens de faire notre travail avec succès, parce que les gens veulent nos contenus et la demande existe, que la société l’admette ou non. »
À lire aussi : Pourquoi 34 femmes ont attaqué Pornhub, « système mafieux », en justice
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires