Précédemment dans #62jours : Pourquoi mon rapport aux autres me pose autant de problèmes ?
Dans les épisodes précédents, je faisais l’enfant en refusant de me confronter à un problème qui me trotte dans la tête depuis le début de mon expérience #62jours.
J’essaie de devenir ma meilleure alliée, mais jusqu’à présent, je raisonne dans une bulle : je parle de moi, à moi-même. Les autres n’entrent pas en ligne de compte.
C’est comme si je m’étais progressivement aménagé un espace au sein duquel je me sens bien. Aller vers les autres, ce serait en sortir ? Pas forcément : je peux rester dans cette bulle, tout en allant au contact des autres.
Cette bulle, c’est ce que j’appelle « ma zone de respect ». Sauf que je suis bien incapable de la définir ! Mais si je veux avancer, il va bien falloir que je m’y colle.
Pourquoi apprendre à dire non ?
« Pourquoi » est vraiment la meilleure question du monde pour moi : j’en pose plusieurs à la suite pour trouver la racine d’un problème.
Donc, pourquoi est-ce que je n’arrive pas à définir ma zone de respect ? Parce que j’ai passé beaucoup trop de temps dans ma vie à me conformer aux attentes des autres.
Donc je ne me rends plus compte de la différence entre ce que je fais pour moi, et ce que je fais parce que c’est ce qui est attendu de moi.
Comment je sais que quelque chose vient percuter ma zone de respect ? Parce que je me retrouve à devoir faire ou à devoir me comporter d’une manière pas naturelle pour moi. Pas agréable.
C’est pas ce que j’ai envie d’être, ou envie de faire.
Pourquoi je le fais, alors ? Parce que je le « dois ». Et pourquoi ?
…Parce que j’ai pas su dire « non ».
Dire « non » est loin d’être une évidence
Ça paraît complètement ridicule. Pourquoi j’ai tellement de mal à dire « non », alors que c’est environ le premier mot que les enfants apprennent à dire, lorsqu’ils découvrent le langage ?
Parce qu’on m’a ensuite appris à ne pas dire non. À être polie. À être gentille. Et puis il y a toute la culture sexiste de notre société, qui m’a transmis des non-dits allant toujours dans le même sens.
C’est fou, quand j’y repense, mais quand j’ai emménagée seule, en arrivant à l’université, et qu’un mec en soirée me proposait de payer mon verre, je disais « non ».
Pas parce que j’avais pas envie de me faire offrir un verre, ou que le mec ne m’intéressait pas.
Je disais « non » parce que j’avais peur que « je te paie un verre » veuille dire « tu me plais », que mon « d’accord, merci ! » veuille en fait dire « toi aussi, tu me plais », et qu’en réalité, en ayant accepté que le mec me paie un verre, j’étais implicitement d’accord pour finir dans son lit.
Quand la culture du viol brouille les frontières de ma zone de respect
Avec le recul, ça me semble extrêmement extrapolé, comme raisonnement. Mais je n’ai effectivement pas inventé ces non-dits qui me polluaient l’esprit : ce sont les produits de la culture du viol.
Et si j’avais monté ce raisonnement tortueux qui m’amenait à refuser des verres, c’est parce que j’avais le sentiment qu’une fois chez le mec, je n’avais plus le droit de refuser de coucher avec lui.
Puis, j’ai découvert la notion de consentement, et l’idée que j’avais TOUJOURS le droit de dire « non », à tout moment. Je me suis repassé le fil de pensée que j’avais à l’université et… À QUEL POINT C’EST FLIPPANT ?!
Évidemment que c’est difficile de savoir dire « non » dans une société qui m’a mis dans la tête que j’avais pas trop le droit de refuser un rapport sexuel
. Enfin si, mais ça dépend… (Alors que non, lol, ça ne dépend que d’une chose : mon choix).
Pourquoi apprendre à dire « non » ?
Je rassure tout le monde : dans l’intimité, j’ai très vite appris à dire « non ». Mais dans tous les autres aspects de ma vie… c’est plus difficile. C’est moins naturel.
Alors je dis « oui » à plus de trucs que je ne le voudrais bien. Trop de sorties, trop de projets, trop d’implications… Trop de petites charges qui finissent par me plomber.
La première étape, pour que je puisse définir les limites de ma zone de respect, c’est de reprendre le pouvoir de les faire respecter.
Si je ne veux pas boire, mais que j’ai quand même envie de sortir avec cette bande de pote qui m’entraîne toujours à prendre une pinte, et me charrie si je reste au Perrier, c’est à moi de dire : non merci, je n’ai pas envie d’une bière.
Apprendre à dire « non » pour moi-même, c’est la base. Et ça n’est pas repousser les autres ou refuser de partager plein de choses avec eux, que d’affirmer ce que j’ai envie, et aussi, par exclusion, ce que je n’ai pas envie de faire.
Comment apprendre à dire « non » ?
Si j’ai tant de mal à dire « non », c’est parce que tout ce qu’on me demande me semble important. On retrouve ici mon incapacité à choisir… et c’est là que j’ai donc une marge de progression intéressante à exploiter : à moi de choisir des priorités parmi toutes mes sollicitations.
Il y a forcément des propositions, des contraintes, des projets, des demandes plus importantes que d’autres. Question de point de vue. Et justement, MON point de vue, il en dit quoi ? C’est cette question qu’il faut que je me pose pour pouvoir apprendre à décliner les requêtes moins importantes…
Ensuite, refuser n’est pas forcément claquer la porte au nez de quelqu’un. Attention, cette révélation a changé ma vie de manager, lorsque j’en ai pris conscience.
Je répondais « oui » à toutes les sollicitations : t’as deux minutes ? Tu peux me relire ? Je peux te pitcher un truc ? Je peux avoir ton avis ? Tu peux me répondre ? Oui. Oui à tout.
Résultat ? Je passais ma journée à ça. À la fin, j’étais épuisée de zapper en permanence, et frustrée de n’avoir rien accompli (puisque j’étais interrompue toutes les : 25 secondes 45 dixièmes). (Je fais ma drama queen si je veux).
J’ai fini par apprendre à dire « non », pas pour envoyer bouler mon équipe, mais pour hiérarchiser les requêtes :
- T’as deux minutes ? Oui, dans 15 minutes.
- Tu peux me relire ? C’est urgent ? Si oui : oui. Si non : non.
- Je peux te pitcher un truc ? Oui, mais maintenant.
- Je peux avoir ton avis ? Non, j’ai pas assez d’éléments. Développe ton plan, renvoie-moi une version.
- Tu peux me répondre ? Oui, je termine ce que je fais, et je reprends ta question.
« Non », ça ne veut pas forcément dire « abandon ». C’est aussi pas tout de suite, pas maintenant, pas dans ces conditions.
Je ne sais pas encore définir ma zone de respect, mais je sais au moins faire respecter ses frontières, au feeling. Celles de mon corps, celles de mon temps…
À suivre…
Les Commentaires