En 2001, alors que l’ex-président des États-Unis Jimmy Carter était en train de dîner, un artiste/pickpocket du nom d’Apollo Robbins engage la conversation avec les agents des services secrets, chargés d’assurer sa sécurité. Et voici ce qui arriva :
« En quelques minutes, il avait vidé les poches des agents, les délestant de quasiment tout sauf leur arme. Robbins a exhibé la copie de l’itinéraire de Carter, qu’un agent lui a repris des mains en s’exclamant « vous n’avez pas l’autorisation de voir ce document ! »
Lorsque l’agent a cherché son badge dans ses poches, Robbins l’a sorti de la sienne et le lui a rendu.
Puis il s’est tourné vers le chef d’équipe, et lui a rendu sa montre, son badge, et les clés de la moto escorte du convoi présidentiel. »
Vous voyez le niveau. Autant, je n’ai pas trouvé un quelconque mérite au mec qui a chopé mon ipod dans la poche de mon blouson, un soir où je rentrais du travail en métro complètement saoulée de fatigue, autant je mesure toute l’adresse du type qui arrive à détrousser les agents des services secrets affectés à la sécurité d’un président américain.
Cette anecdote a contribué à façonner la réputation du « Gentleman Thief », qui a fait un business de son talent de voleur adroit : son site professionnel s’appelle « I steal stuff », littéralement « je vole des trucs ».
Contrôler l’attention des gens
Ses tours de magie sont en fait des « mind tricks », des manipulations de l’esprit de ses « victimes ».
Il a complètement théorisé ses techniques, ce qu’il explique dans une séries de clips courts publiés sur la chaîne Youtube de National Geographic
, où il analyse différents aspects comportementaux : le mensonge, la peur, la confiance, etc… Pour chaque théorie, il montre un exemple testé sur des inconnus dans des lieux publics.
Sur la scène des TED Talk en juin 2013, le désormais célèbre pickpocket se livre à une démonstration bluffante, en réussissant à capter et manipuler l’attention d’un public entier.
Prêtez-lui toute votre attention l’espace de huit minutes, et on se retrouve après :
Ce serait un peu compliqué de traduire l’intégralité de ses propos, surtout que pendant une bonne partie de sa démonstration, il utilise le flot de paroles en diversion : les gens se concentrent sur ce qu’il dit, sur son débit rapide, et moins sur ses gestes (c’est en tout cas mon impression).
Pour les non-anglophones, ce qui importe surtout sont son introduction et sa conclusion :
« Pensez-vous qu’il soit possible de contrôler l’attention de quelqu’un ? Au-delà de ça, est-il possible de prédire un comportement humain ?
Je pense que ce sont des idées intéressantes, si c’était possible. Pour moi, ce serait un super-pouvoir idéal ! Oui c’est une façon machiavélique de voir les choses !
En ce qui me concerne, j’ai passé le vingt dernières années à prévoir les comportements humains de manière pas très catholique : je fais les poches des gens !
Quand on pense « manipulation », on pense à attirer l’attention vers une distraction externe, alors qu’en réalité, ce sont les choses qui sont juste devant notre nez qui sont les plus difficiles à repérer.
Ce sont les choses que vous voyez tous les jours qui échappent à votre champ de vision. »
Il fait ensuite un premier test avec tout le public :
« Par exemple : est-ce que vous vous souvenez de l’icône qui est en bas à droite de l’écran d’accueil de votre téléphone ? »
Certains s’en souviennent. Mais une fois que les gens ont rangé leur téléphone, il leur demande s’ils se souviennent alors de l’heure qu’il est ?
L’art de la manipulation
Tout le monde a regardé son écran de téléphone, mais peu de gens ont vu l’heure ! Leur attention s’est concentrée sur les icônes.
Il demande ensuite aux gens de fermer leurs yeux. Voilà plusieurs minutes qu’il parle devant eux, que leur attention est focalisée sur lui. Mais lorsqu’il leur demande alors de décrire les habits qu’il porte (sans ouvrir les yeux, bien sûr), peu de gens s’en souviennent effectivement.
Robbins explique ensuite sa théorie : il ne s’agit pas d’attirer votre attention sur une distraction, mais plutôt de vous amener à focaliser votre attention sur un élément interne. Par exemple, vous demander de vous concentrer sur un souvenir : avez-vous une carte de crédit dans votre portefeuille ?
Selon Robbins, quand on concentre notre attention sur une information interne, on n’est plus capable d’analyser ce qu’il se passe en temps réel.
Concrètement, le temps que je passe à me demander combien de cartes de crédit j’ai en ce moment dans mon portefeuille, Robbins le met à profit pour m’enlever ma montre.
Il démontre sa théorie en direct, grâce à une victime qu’il a choisie dans le public.
Même en sachant exactement qu’Apollo Robbins va lui faire les poches et détourner son attention, la victime ne s’en rend pas compte sur le moment, et le public aussi se fait prendre.
La conclusion qui défonce tout
En conclusion de son intervention, Apollo Robbins re-pose au public la même question qu’au début :
« Cette fois-ci, vous n’avez pas besoin de fermer les yeux ! Comment suis-je habillé ? »
Ô SURPRISE ET WTF. Il ne porte pas les mêmes vêtements qu’au début de sa conférence. Je t’invite à revoir la vidéo (environ douze fois) pour réussir à comprendre ou/quand/comment il s’est changé.
Conclusion ?
« L’attention est une chose très puissante, comme je vous le disais, l’attention façonne notre réalité. J’aimerais vous poser la question :
Si vous pouviez contrôler l’attention de quelqu’un, qu’est-ce que vous en feriez ? »
Bonne question.
Pour aller plus loin :
- A Pickpocket’s Tale, The spectacular thefts of Apollo Robbins.
- I Steal Stuff, le site d’Apollo Robbins
- Ses vidéos sur National Geographics
- Sa page sur Ted Global
- Les TED de la semaine
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Les Commentaires
En tout cas, vachement impressionnant (et flippant pour le coup)