Publié le 22 octobre 2018
Depuis la loi Veil de 1975, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est dépénalisée en France.
Mais plus de 40 ans plus tard, le droit des femmes à disposer de leur corps est régulièrement remis en cause par des personnes anti-choix et des débats aux lourds enjeux.
Le droit à l’IVG aux États-Unis
Aux États-Unis, le rapport de force est encore plus vif.
Au printemps 2018, la Cour Suprême autorisait le fonctionnement de fausses cliniques tenues par des anti-IVG pour dissuader les femmes d’avorter.
Grâce à Reddit, ce joyeux forum où les gens se posent des questions, des personnes qui étaient auparavant opposées au droit à l’IVG prennent la parole et racontent ce qui les a convaincues de changer d’avis.
Je vous traduis ici quelques réponses de ce thread en anglais.
J’ai changé d’avis sur l’IVG car… j’ai fait preuve d’empathie
Beaucoup de ces témoignages émanent de personnes ayant grandi dans des milieux religieux complètement opposés au droit à l’avortement.
Pour un certain nombre de ces personnes, le déclic est venu d’un élan d’empathie, et les situations qui les ont conduites à changer de point de vue sont parfois surprenantes !
« Au lycée, j’étais résolument anti-IVG. Je ne pouvais pas avoir de l’empathie pour les femmes qui réclamaient l’avortement car je ne comprenais pas ce sentiment d’être piégé.
Lors de ma première année d’université, j’ai dû suivre un cours obligatoire de physique… J’ai tellement galéré, je ratais tous les tests.
Pendant mes deux premières semaines d’université, j’ai fait de multiples crises de panique, je pleurais tous les jours, je passais des heures à étudier sans rien comprendre […]
Puis j’ai pris la décision d’abandonner ce cours et de le reporter à l’été suivant. Le soulagement que j’ai ressenti a été INCROYABLE.
J’étais tellement reconnaissant d’avoir simplement eu l’option d’abandonner. J’ai alors pu me concentrer sur mes autres cours, avoir de bonnes notes, me faire des amis…
Ça a été une épiphanie pour moi. Si je pouvais me rend malade à ce point avec le sentiment d’être coincé dans un stupide cours de physique… imagine se sentir piégé dans une grossesse non désirée ?!
Une situation dans laquelle ta vie est en jeu, dans laquelle tu es potentiellement responsable d’un autre être humain à vie ?!
Donc oui, je comprends maintenant, ce sentiment d’avoir besoin de s’échapper. Plus de jugement de ma part. »
Aucun homme n’abandonne la physique de gaité de cœur… Si cette horreur que constituent les matières impliquant des chiffres peut faire réaliser de si grandes choses à des anti-IVG, moi je dis pourquoi pas !
Ayéééé j’ai compris l’intérêt des sciences
Pour une autre personne qui témoignage, le changement d’avis est venu d’un rêve !
« J’ai rêvé que j’étais enceinte, je ne savais pas comment et pourquoi mais j’étais tombée enceinte.
J’étais à un moment de ma vie où une grossesse aurait été un gros problème, donc dans ce rêve je me suis sentie choquée et tellement désespérée que je voulais me suicider […]
Quand je me suis réveillée, j’ai réalisé que toutes ces salopes tueuses de bébés que j’imaginais avorter tous les jours… étaient en fait des filles terrifiées comme moi, qui avaient choisi une mort plutôt que deux, et n’étaient ni heureuses ni fières d’être forcées à faire ce choix.
Ça a complètement changé mon point de vue. »
À côtés de ces drôles d’exemple, l’empathie naît le plus souvent d’une histoire arrivée dans l’entourage de la personne :
« J’avais 13 ans et une amie de la famille venait d’avoir recours à un avortement en urgence car sa vie en dépendait.
Quand mon pasteur s’est montré plus inquiet pour le fœtus que pour la femme enceinte, j’ai su que je ne pourrais pas être anti-IVG.
J’ai tout simplement réalisé que l’inconfort que je ressentais moi-même vis-à-vis de l’avortement ne s’appliquait pas à chaque être humain possédant un utérus et qu’il ne devait pas influencer leur autonomie par rapport à leur corps.
J’ai aussi réalisé à quel point la liberté de procréation était importante pour la libération des femmes. »
Je ne suis plus anti-IVG car… les politiques n’ont aucune cohérence
Il arrive aussi que les politiques et représentants de la lutte contre le droit à l’avortement finissent par se discréditer eux-mêmes aux yeux de leurs partisans.
« Le fait que certains politiciens soient à la fois anti-IVG et opposés à la contraception comme à l’éducation sexuelle m’a fait changer d’avis.
Oh, et aussi le fait qu’ils adorent réduire les budgets qui aident les mères et les enfants…
J’adorerais voir le taux d’avortement aussi proche possible de zéro, mais ce n’est pas quelque chose que l’on obtient en entravant les moyens d’empêcher les grossesses non-désirées en premier lieu. »
C’est vrai ça ! Comme si les personnes anti-IVG n’en avaient finalement rien à braire des êtres humains et se battaient pour des idéologies qui n’ont aucune cohérence dans la vie réelle…
Un cynisme qui a fini par pousser nombre de personnes anti-IVG à remettre en cause leurs convictions :
« La première fois que j’ai entendu parler d’avortement, c’était présenté comme « IVG = meurtre » et j’ai pensé « Hum, j’aime pas le meurtre donc j’aime pas ça non plus » […]
Puis j’ai commencé à écouter les politiques anti-IVG et j’ai réalisé qu’ils ne s’intéressaient pas vraiment à la personne devant mener la grossesse à terme et qui serait responsable d’élever un enfant […]
Ils disaient plutôt :
« N’ayez aucune vie sexuelle.
On ne vous donnera ni contraception, ni éducation sexuelle, mais si vous tombez enceinte c’est de votre faute et quand le bébé naitra, à vous de vous débrouiller.
Ah, et ensuite on vous diabolisera si vous devenez une mère célibataire pauvre. »
J’ai aussi été effrayée que des gens qui se disent « pro-vie » soient prêts à rester devant une clinique qui pratique l’IVG pour menacer des inconnues et commettre des actes de violence en se prétendant moralement supérieurs.
Finalement, j’ai réalisé que les gens ne prenaient pas la décision d’avorter à la légère et qu’être pro-choix ne veut pas dire être pro-avortement. »
D’autres parlent franchement de leur impression d’avoir été trompés, manipulés, et de s’être réveillés après avoir été confrontés à la réalité :
« J’ai réalisé que ce débat était présenté de manière fallacieuse.
La question est posée comme : « Est-ce mieux de tuer des bébés ? Ou d’utiliser l’avortement et la contraception ? »
Mais après avoir vécu dans le Midwest, dans une région où il n’y avait que des hôpitaux religieux, j’ai vu ce qu’il se passait quand l’avortement était banni des procédures médicales.
Les femmes qui faisaient des fausses couches ne pouvaient pas se faire retirer le fœtus mort. Elles devaient quitter l’État pour obtenir des soins car leur vie aurait été en danger si la situation n’était pas traitée à temps.
J’ai réalisé que le mouvement anti-IVG ne servait qu’à blesser et menacer la vie des femmes enceintes.
L’avortement n’est pas le pire scénario. Le pire scénario est d’avoir besoin de l’IVG pour survivre et de se le voir refuser. »
Je pourrais encore évoquer de nombreux témoignages de ce thread très riche, mais les motivations des personnes ayant revu leurs convictions sur l’IVG se recoupent finalement toutes sur la question de l’empathie.
Je ne sais guère que penser du fait qu’un cours de physique insupportable ou un rêve ont pu amener les gens à remettre en cause leurs croyances.
Mais je me dis qu’au moins, ces gens ont changé d’avis, pourront montrer l’exemple et ne plus entraver la vie des autres.
Et toi, est-ce que tu as changé d’avis, sur l’IVG ou sur autre chose ? Est-ce que tu as déjà convaincu quelqu’un de réviser son jugement ?
À lire aussi : L’IVG rend stérile, et autres idées reçues rétrogrades sur la contraception et l’avortement
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires