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Anita Sarkeesian à nouveau menacée suite à sa dernière vidéo

Anita Sarkeesian est à nouveau victime de harcèlement sur les réseaux sociaux. En cause ? La dernière vidéo de sa série Tropes VS Women : Women as Background Decoration, part 2.

Le 25 août, Anita Sarkeesian a publié sur sa chaîne FeministFrequency un nouvel épisode de sa série Tropes VS Women, qui analyse la place des personnages féminins dans les jeux vidéo. C’est la suite du précédent, et il se concentre à nouveau sur les femmes comme « objets de décoration ».

Dans le premier épisode de Women as Background Decoration, Anita nous présentait les caractéristiques des femmes faisant tapisserie dans les jeux vidéo : interchangeables, sexualisées, dénuées de personnalité, souvent violentées.

Dans ce second épisode elle nous explique les conséquences sur le monde des jeux vidéo, mais aussi sur la société et notre imaginaire, de ce stéréotype usé jusqu’à la corde.

Pour les non-anglophones, en attendant les sous-titres, voici les arguments présentés par Anita Sarkeesian :

  • Les femmes en arrière-plan ne sont pas des éléments centraux du scénario du jeu, bien que l’on puisse interagir parfois avec elles pour les protéger et/ou se livrer à du voyeurisme.
  • Ces femmes violentées et/ou hypersexualisées servent principalement à créer une ambiance effrayante, à donner l’impression d’un jeu plus sombre, plus mature, et, ironiquement, plus… réaliste. Quitte à érotiser des cadavres.
  • C’est aussi un moyen pratique de réparer une faiblesse dans un scénario : on habille un décor en laissant entendre des cris de femmes en panique, c’est un moyen pratique et peu cher de développer une ambiance angoissante.
  • De plus, ces femmes n’ayant pas une personnalité développée, n’étant pas des « sujets », elles servent de chair à canon, directement mises en première ligne face à la violence qu’un jeu prétend instaurer. Le sous-entendu étant que tuer une prostituée, ça meuble et ce n’est pas bien grave.
  • C’est aussi un bon point de départ pour utiliser la bonne vieille ficelle scénaristique de la « demoiselle en détresse » : le joueur, supposément un homme hétérosexuel, pourra, ou non, choisir de sauver une femme violentée. Il est tristement intéressant de constater que ces sauvetages se passent dans la violence et passent nécessairement par le meurtre de l’agresseur. À l’inverse, donner la possibilité d’appeler les secours face à une femme blessée ne semble pas faire partie des réflexes des développeurs des jeux, pointés du doigt par Anita Sarkeesian. Elle remarque notamment que dans Watch Dogs, si le joueur intervient pour sauver la femme trop tôt, il ne gagne pas de point d’expérience…
  • La tentation du voyeurisme est poussée à l’extrême lorsqu’une scène de violence, domestique ou sexuelle, est reproduite encore et encore, de façon aléatoire, sous les yeux du joueur jusqu’à ce qu’il se décide à interagir avec l’animation.
  • À l’inverse, les victimes masculines ne sont pas sexualisées, érotisées.
  • On peut rapprocher le traitement des femmes dans les jeux vidéo de celui… des chiens. Une violence à bas prix, facilement acceptable, qui permet de créer un climat de tension. Ces scènes n’ont pas d’impact réel sur le scénario et servent seulement le plus souvent à renforcer le caractère de cruauté de l’antagoniste du jeu.
  • Pourtant, comme le souligne Anita Sarkeesian, la majorité des violeurs ne sont pas de grands méchants psychotiques mais des voisins, profs, petits amis… Bref, des hommes de la vie de tous les jours. Il n’est pas sain, dans un contexte où, en France par exemple, on compte un viol toutes les 8 minutes, de faire comme si ce crime était l’apanage de grands méchants caricaturaux, et de renforcer le cliché du viol-fatalité ou encore de la prostituée-défouloir. Au contraire, cette érotisation de la violence contre les femmes contribue à la banaliser.

À lire aussi : « Je connais un violeur », le Tumblr qui noue la gorge

  • Si les game designers veulent parler de violence domestique ou sexuelle, ils doivent le faire avec le respect que le sujet mérite. À ce titre, Anita Sarkeesian cite le jeu Papa and Yo qui utilise des métaphores pour parler de la maltraitance des enfants, sans sensationnalisme.
  • Les jeux ne font pas que divertir, ils diffusent des valeurs. Ils ont le pouvoir non seulement d’influer sur notre perception de la réalité, mais également sur notre imaginaire, qu’ils appauvrissent lorsqu’ils utilisent ce genre de stéréotypes. Ainsi la violence contre les femmes est perçue comme un élément réaliste et nécessaire dans des jeux mettant en scène des super-pouvoirs ou des sacs à dos invisibles permettant de transporter des dizaines d’armes… N’est-ce pas un peu hypocrite ?
  • Au contraire, stimuler notre imagination doit permettre d’imaginer des mondes (y compris des monde sombres si le jeu le requiert) dans lesquels l’exploitation misogyne des femmes ne serait pas un réflexe. Le patriarcat n’étant pas une réalité en tous temps, en tous lieu, il n’est pas un passage obligé. La clef ? Développer notre esprit critique pour ne pas nous contenter de reproduire les violences.

Anita Sarkeesian parle de l’univers des jeux vidéo avec passion et expertise. Les exemples cités sont nombreux, diversifiés. Le ton est pédagogique, jamais méprisant. Et la conclusion de sa vidéo est très positive : elle montre qu’elle considère que le jeu vidéo est un média influent et que, traité avec intelligence, il peut avoir un impact réel sur la société.

Certains joueurs ne se sont pas vraiment sentis flattés…

Il faut dire qu’Anita Sarkeesian a malheureusement l’expérience du harcèlement en ligne. Elle a d’ailleurs animé une conférence TED à ce sujet en décembre 2012. Elle avait été notamment victime de harcèlement en ligne avec la youtubeuse féministe Laci Green en juillet 2012, après avoir dû affronter l’acharnement du tristement célèbre site 4chan en juin 2012.

Aujourd’hui, en août 2014, elle est à nouveau victime de harcèlement.

J’aurais presque envie de dire « comme d’habitude », si ce n’était pas si désolant ; les menaces commencent par des mails et autre tentatives d’intimidation, dont Anita Sarkeesian a publié un exemple :

anita1

Traduction : insulte, insulte, insulte, menace, insulte. 

Mais le ton est visiblement monté avec un ou plusieurs de ses interlocuteurs puisque les autorités ont finalement dû être contactées :

anita2

« De très effrayantes menaces ont été proférées contre moi et ma famille. J’ai contacté les autorités. »

Fort heureusement, Anita Sarkeesian est en sécurité et ne perd rien de sa motivation :

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« Je suis en sécurité. Les autorités ont été averties. Je reste avec des amis ce soir. Je n’abandonne pas. Mais le harcèlement des femmes dans les milieux high-tech doit cesser ! »

Parallèlement, Anita Sarkeesian peut compter sur le soutien de personnes, célèbres ou anonymes, qui témoignent de l’impact positif de ses vidéos :

reac1« Quand des développeurs de jeux vidéo senior comme ceux de @TimOfLegend sont des fans et reconnaissent l’importance du travail de @femfreq, c’est un acte important qui montre son influence dans la communauté » — David Surman, illustrateur londonien 

reac2

« La dernière vidéo de @femfreq sur les femmes comme objet de décoration traite du sexisme ET du game design dans tout les sens du terme. Regardez-la, elle vaut le détour. » — Todd Schlickbernd, responsable de vente chez Gamestop

reac3

« J’ai regardé une tripotée de femme se faire mettre en pièce dans des jeux vidéo et maintenant je le vois sur mon feed Twitter. @femfreq dit juste la vérité, faites avec. » — Joss Whedon, créateur de Buffy contre les Vampires et réalisateur d’Avengers (entre autres)

Il est malheureux de constater que parler de la représentation des femmes dans les médias est une mise en danger. Cependant, ces réactions agressives sont liées à la peur que l’on ressent face à quelqu’un bousculant nos habitudes, notre petit confort : elles sont donc, paradoxalement, le signe d’un mouvement en marche.

Et les acteurs du secteur, comme le prouvent ces réactions sur Twitter, ne pourront plus longtemps ignorer que la moitié des joueurs sont des joueuses et que des jeux vidéo respectueux et nuancés auraient des avantages économiques, éthiques, ainsi que critiques.


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Les Commentaires

14
Avatar de Mymy Haegel
28 août 2014 à 19h08
Mymy Haegel
Enfin le sexisme "les filles à la cuisine, les garçons dans le garage" perso j'en vois pas tant que ça dans les jeux finalement. Je vois surtout des trucs ultra violent et j'ai bien l'impression que c'est imprégné dans la tête de tout le monde que c'est mal, non ? Je suis chez les bisounours peut-être
Le sexisme n'est pas forcément aussi évident, il peut passer par les tenues féminines bien plus sexualisées que les tenues masculines, par les rôles masculins très diversifiés par rapport aux rôles féminins (qui sont souvent soigneuses par exemple dans les RPG, maîtrisent la magie blanche plutôt que de bourriner...), par l'absence de personnage féminin jouable, par un jeu aux personnages 100% masculins avec des personnages féminins ne servant que d'outils scénaristiques (comme la fameuse damoiselle en détresse)...

J'ai vu pas mal de mecs dire que les femmes prennent la mouche trop vite quand on menace de les violenter, quand on les insulte ou quand on les menace de viol sur des MMORPG type League of Legends, en disant que les insultes visent hommes comme femmes et que les joueuRS n'en font pas toute une histoire. Sauf qu'une femme, elle est potentiellement menacée et insultée dans la rue (via le harcèlement de rue), au travail, elle a plus de risques d'avoir été violée... Donc je comprends qu'elle réagisse plus vivement. Et tout le monde sait que la violence c'est mal, mais vu le nombre de personnes qui jouent à ces jeux et qui perpétuent cette violence verbale (envers les deux genres, même, je ne parle pas que des insultes envers les femmes), ce n'est pas assez "mal" pour être un vrai frein.
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