L’année dernière, j’ai eu la chance de jouer les animatrices à un arbre de Noël. L’ « arbre de Noël » donc, c’est une gigantesque fiesta organisée sur un après-midi par une entreprise pour divertir les mouflets du personnel (et faire digérer à leurs parents les heures supp’ non payées).
Épisode 1 : un peu de préparation
L’arbre de Noël, élu job funky de l’hiver 2011 : travailler un samedi après-midi dans une atmosphère guirlandes & crêpes pour un meilleur salaire que le baby-sitting. C’est sur cette idée qu’une de mes potes (appelons-la Ginette) et moi, acceptons un remplacement.
À la sortie des cours, nous atterrissons dans une rue de Paris que même mon plan ne connaît pas. Il est 19h, il fait noir, on se pèle les miches de pain d’épice, et je remercie Bouddha, le Quetzalcoatl et tous les trucs du ciel de ne pas m’avoir laissé seule. L’entrée dans l’arrière-boutique me propulse directement dans un épisode d’Ugly Betty. Il y a des piñatas PARTOUT.
J’ai une vision de moi-même en train de suer comme un Pépito au soleil dans l’escalier du métro, avec une demi-douzaine de piñatas dans les bras. Heureusement ma nouvelle boss répartit les tâches et met fin aux images de tacos vengeurs dans mon cerveau. Ginette hérite des chapeaux pointus en papier crépon à l’Aquarium. Je gagne les couronnes de Noël près de la Tour Eiffel.
Pour les presbytes du fond, la couronne de Noël est plutôt un donut : un cercle en polystyrène enroulé de crépon et de paillettes, ambiance grande section 2.0. La boss me fait un cours de plantage de sequins, et me conseille de m’entraîner. Ah oui, et puis on y va doucement sur la déco, on n’est pas des radasses mais quand même un peu. Je repars donc avec une occupation pour mes soirées d’étudiante désœuvrée et deux sacs de la taille d’une piñata en pleine croissance.
Épisode 2 : C’est le Jour J (J comme je t’aiiime par magiiiie)
Comme prévu, je suis habillée tout en noir. Allez savoir le pourquoi de ce dress-code imposé qui me fait ressembler 1) à un croque-mort 2) à un technicien de plateau théâtre 3) à une groupie de Karl Lagerfeld, mais certainement pas à une lutine du Père Noël.
La fête a lieu dans un hôtel chic près de la tour Eiffel, un de ceux où je ne mettrai jamais un ongle à moins d’évincer Victoria de la roue de la Fortune et de passer sous le bureau de Dechavanne. La salle est immense, le stress à l’intérieur aussi. Un Julien-Courbet-au-rabais me fait comprendre que je suis déjà en retard et ses sbires m’indiquent une table où installer mon matériel. On me fait déplacer 4 fois, c’est mieux qu’une chaise musicale. Chacun fait son truc dans son coin : magie, maquillage, pommes d’amour… Il faut savoir que tout ces gens sont des indépendants ou appartiennent à une petite entreprise, qui travaille pour le prestataire organisateur de cette grande guignolade. Rodés à l’exercice, ils ne sont pas là pour faire connaissance mais pour bosser. Contact humain = 0.
Mariah Carey beugle qu’elle ne veut pas grand-chose pour Noël (comme si elle en avait besoin) quand le flot d’enfants débarque. Au début ils sont timides et peu nombreux, puis ma table se remplit. Nicolas et ses moustaches de tigre qui me suit en rugissant, Constance qui enroule son crépon comme un fer à repasser, Camille qui met de la colle dans le pot à paillettes. Ils sont méga relou mais je fonds comme la guimauve dans la fondue au chocolat.
Le seul problème de ces charmants bambins, c’est qu’ils ont des parents. Établissons ici une petite typologie :
– Les parents bisounours :
Ce sont sont tes fans n°1. Ils admirent ta patience (tu n’as pas encore étranglé leurs enfants), ton dévouement (tu fais ton job de crotte avec le sourire), la couleur de tes cheveux, et ta dextérité à planter des aiguilles.
– Les parents « rien à foutre » : Pour eux, tu existes moins que le sapin au fond de la salle. Hors de question qu’ils t’adressent la parole, tu es juste bonne à ramasser un par un les sequins qu’ils ont renversé par terre.
– Les parents dégueus : Par ennui, ils ont écumé tous les stands de bouffe. Ils tripotent les couronnes avec leurs doigts gras, n’essuient pas la bouche de leurs mômes et laissent des assiettes pleines de chocolat pré-mâché sur ton plan de travail.
– Les parents crevards : Ils en bavent toute l’année à côté de la machine à café, alors l’entreprise peut bien leur faire un petit cadeau. Les parents crevards trouvent tout à fait normal de partir avec la moitié de ton matos dans leur sac pour finir la déco de Noël.
Lorsque le glas sonne enfin deux heures plus tard, les familles s’en vont. Pas moi. Il faut ranger le stand. Mes collègues d’un jour rempilent demain. Je pars lessivée et convaincue que je n’aurai jamais d’enfants. J’ai fait mon calcul horaire et c’est moins rentable que le baby-sitting. La magie de Noël n’a pas de prix.
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