Je l’expliquais dans le dernier épisode de Laisse-moi kiffer, le podcast du kif et de la digression made by madmoiZelle : l’école, les études, les cours, ça ne me manque absolument pas.
Le monde du travail, en tout cas tel que je le connais, me convient parfaitement.
Élève, je me levais plus tôt, je finissais plus tard, j’avais une charge de travail supérieure à celle des mes 35h, et des devoirs à faire le soir.
Salariée, j’arrive à 9h, je me tire vers 18h, et je peux aller boire des coups vivre ma vie en toute détente, sachant que mon taf prend fin quand je passe la porte du bureau.
Passer au tableau, ça ne m’angoisse plus
Il y a un point commun entre ma vie d’élève et ma vie de rédac-cheffe adjointe : je passe au tableau. J’explique des trucs à des gens qui me regardent parler en silence.
Avant, j’en avais horreur… Mais maintenant, je kiffe !
Alors comme tu stresses peut-être à chaque fois que ton ou ta prof cherche qui envoyer au casse-pipes, je me dis que mon expérience peut t’aider. J’espère en tout cas !
Passer au tableau, une source d’angoisse
Ce qui m’a inspiré cet article, c’est ce tweet, qui a connu un beau succès.
https://twitter.com/softedhearts/status/1038376186894790658
« Arrêtez de forcer les élèves à présenter devant toute la classe, laissez-leur le choix. »
L’auteure de ce tweet explique dans plusieurs réponses que quand on souffre d’anxiété, quand on a du mal à s’exprimer en public, des tâches comme présenter à l’oral peuvent être une souffrance.
Elle suggère donc que les profs laissent le choix à leurs élèves : passer au tableau, ou rendre simplement leur travail rédigé.
Vis ma vie de personne TRÈS timide
En soi, je comprends d’où vient cette jeune femme : pendant longtemps, j’ai été timide.
Mais pas gentiment timide, avec les joues qui rosissent et les mains qui frémissent, non. Maladivement timide. Sueurs froides, coups dans la poitrine, nœuds à l’estomac.
Pour vous dire, j’étais si timide qu’une de mes maîtresses a mis plusieurs jours à apprendre que je savais parler. Elle a suggéré à ma mère de me mettre dans une école spécialisée pour personnes muettes.
Moi face à des gens que je ne connais pas
J’ai écrit tout un article pour expliquer comment vaincre sa timidité, et j’y indiquais notamment que par « vaincre », je veux dire « apprendre à la contrôler » :
« Parfois, la timidité devient un handicap, elle ralentit, et c’est bien de pouvoir la mettre en pause quand on le souhaite. Quitte à l’accueillir à bras ouverts un peu plus tard. »
Passer au tableau, ça a été un des outils me permettant de maîtriser ma timidité.
Une timide VOLONTAIRE pour passer au tableau
En primaire, j’étais scolarisée dans une école Freinet. Je ne savais pas que c’était un type d’éducation particulier, basé sur des méthodes spécifiques : c’était juste mon établissement de quartier !
La pédagogie Freinet valorise l’expression et la liberté des enfants. En classe, chaque matin, il y avait le même rituel, celui du « tableau ».
Les élèves pouvaient s’inscrire au tableau en arrivant, et ça indiquait qu’ils et elles souhaitaient parler à toute la classe, généralement d’une découverte cool, d’une passion ou d’une histoire à raconter.
Toutes les journées commençaient donc par un petit moment d’expression, sur la base du volontariat.
OK c’était pas toujours le feu.
Rien ne m’obligeait à passer au tableau. Mais mon syndrome de la bonne élève, mon côté Hermione en gros, me poussait à être régulièrement volontaire, pour ne pas faire « moins bien » que les autres.
J’ai donc plusieurs fois porté mes couilles, ou plutôt mes ovaires, pour raconter d’une voix chevrotante que ce dimanche, j’ai cueilli des girolles avec mon papa, et même que j’ai vu un chevreuil, enfin je l’ai pas vu mais mon papa il m’a dit qu’il y en avait un.
Fascinant, vous en conviendrez.
Comment ne plus stresser au moment de passer au tableau ?
Passer au tableau, c’était horrible. Longtemps. Puis un peu moins. Puis franchement moins.
J’ai fini par développer quelques techniques pour atténuer ma panique :
- Noter mes points principaux sur un papier pour ne pas me perdre dans mon propos et bafouiller
- M’adresser principalement à un ou une pote dans la classe pour avoir un regard bienveillant
- Amener des objets pour m’occuper les mains, ou pointer des mots au tableau
- Si je cafouille, si je bégaie, me reprendre et idéalement faire une petite blague pour détendre l’atmosphère
Apprendre à passer au tableau, une souffrance TELLEMENT utile
Ouais, pendant longtemps, passer au tableau c’était quelque chose que je me forçais à faire, on qu’on me forçait à faire. Parce qu’une fois sortie de l’école Freinet, je n’ai pas toujours eu le choix de m’y coller ou non.
De la 6ème à ma dernière année de fac, il y a toujours eu des moments d’expression orale, des exposés, des TPE, et si j’avais pas envie c’était pareil, et avec le sourire hein, merci mademoiselle !!!
Avec le recul, je BÉNIS ces moments. Me faire violence pour sortir de ma zone de confort, ça m’a littéralement appris à m’exprimer.
Aujourd’hui, je peux parler devant mes 20 collègues, devant 100 personnes, devant 1000 personnes. J’ai envie de faire des conférences, pourquoi pas un jour de monter sur scène, ou de passer à la télé, tiens.
Et ça ne sert pas qu’au boulot, de savoir ouvrir sa bouche. Anniversaires, mariages, naissances… tu entendras plus d’une fois « Un discours, un discours » dans ta vie !
Pour ton Oscar, déjà
Je me sens épanouie, je n’ai plus de crises de panique à la simple idée de prendre la parole. Je n’ai plus peur de ma voix, de mes opinions, de m’exprimer.
Et je me dis qu’en faisant ça, je montre aussi un peu l’exemple, je suis une femme qui prend la parole dans un monde masculin, et plus il y en aura, plus ça en inspirera d’autres…
et cætera, et cætera !
De l’utilité de motiver les troupes
Bien sûr, certaines personnes souffrent de sérieux troubles de l’anxiété et sont incapables de prendre la parole en public. Je pense que négocier ça individuellement avec les profs doit être une solution possible.
Mais pour tous les autres, tous les gens comme moi qui avaient besoin qu’on leur mette un petit coup de pied aux fesses ?
Si le vœu de la jeune femme qui a tweeté s’était réalisé avant ma naissance, si j’avais pu dire « non, je préfère juste rendre un travail écrit »… je n’aurais pas eu cette évolution.
Je serais probablement restée silencieuse, au fond de ma zone de confort, à l’aise dans la certitude que j’ai « fait l’effort » quand j’étais en primaire et que je n’ai donc plus à m’infliger ça.
Ce que j’ai appris dans ma vie, c’est que plus on attend avant de sauter, plus c’est dur d’y aller. Plus la peur grandit, s’insinue partout, et paralyse un à un les muscles.
Alors… saute ! Toi aussi, j’en suis sûre, tu peux dépasser cette angoisse et donner à ta voix tout ce qu’elle mérite : être entendue !
À lire aussi : Prendre la parole en public, ça s’apprend — Conseils & astuces
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
L'anxiété perso je la vis comme un handicap qui m'empêche de faire des choses relativement banales sans que parfois je puisse parfois mettre le doigt sur ce qui provoque mon angoisse. Mais elle est intense tant par les symptômes physiques que mentaux et mes angoisses sont en permanence dans mon esprit car je suis confuse et en colère contre moi-même, mon cerveau et mon corps. Les oraux bien sûr sont un classique parce qu'en plus de l'angoisse de l'oral il y'a l'angoisse de montrer son anxiété à un public, mais le stress de l'oral est tellement normalisé qu'on ne le prend pas assez au sérieux même avec des cas sévères (et je suis bien d'accord avec le tweet, dans tous les cas on ne devrait pas infliger ça aux élèves, si c'était vécu comme un choix ou un challenge il se pourrait même que ça en encourage plus d'une)
Donc il y'a celleux qui avec le temps et la pratique se débarrasseront de leurs angoisses, et celleux comme moi qui adulte (j'ai 25 ans) rencontreront plus de sources d'angoisses. Et ça ne se soigne pas simplement par l'habitude, en se forçant à sortir de sa zone de confort (expression très chiante quand on la voit comme un impératif), et on peut essayer sans résultat toutes les techniques, toutes les applications sur la cohérence cardiaque. L'anxiété maladive ça se soigne par traitements médicamenteux ou thérapeutiques.
Bon courage à toutes celleux qui viennent de reprendre les cours