Parfois il m’arrive d’avoir un petit coup de mou et une grosse envie de replonger un peu dans le passé. Je prends mon courage à deux mains pour monter les marches en bois qui craquent de l’escalier menant au grenier. J’enlève les images de The Grudge de mon esprit et je ferme très fort les yeux histoire de braver le rideau de toiles d’araignées.
Commence alors une fouille archéologique dans une grosse dizaine de cartons contenant peluches, jouets, livres et cahiers de mes jeunes années. J’en prends un au pif, je l’ouvre et je me fais un petit kif en me remémorant les souvenirs liés à son contenu.
Il y a peu, je suis tombée sur quelque chose qui a retenu mon attention pendant plusieurs minutes — qui sont finalement devenues des heures : ma trousse. Pas n’importe laquelle, non. Ce n’était pas ma mini-trousse en cuir de licence, ni celle qui me sert à ranger mon maquillage. J’ai retrouvé ma trousse du collège. Laisse-moi te dire que j’ai été absorbée par ce qu’elle contient.
Une trousse, quand tu es au collège, ne sert pas seulement à regrouper tes stylos et à assommer ton voisin de devant. C’est un accessoire à part entière. Ta trousse doit être à la mode, elle doit refléter ta personnalité. Il faut que quand tu déposes ce précieux objet sur ton bureau à 8h15, tout l’établissement puisse savoir qu’il t’appartient. Ta trousse, c’est ton oeuvre. Tu en es aussi fière que de ta première paire de Buffalo, ou pire, de ton faux poster dédicacé de Patxi de la Star Ac’ 3.
D’ailleurs, si on partait en fouille archéologique histoire de voir ce que renferme ce trésor vieux de quelques années ?
Le bon modèle, un choix cornélien
Avant d’aller zieuter à l’intérieur de ce coffre fort en toile, il faut s’intéresser à l’extérieur.
Ben oui, tu n’arrivais pas à la rentrée avec une trousse pourave. Non, pour être top moumoute il fallait avoir un modèle plébiscité. Parmi les plus coolos, je citerai par exemple Lulu Castagnette, Roxy, Poivre Blanc, ou Chipie. Dans le cas de mon établissement meusien, le comble du chic, c’était un petit personnage du nom de Pucca. Inutile de préciser que l’intégralité de mes affaires portaient sa griffe — un peu comme du Louis Vuitton mais en beaucoup plus mignon.
Swag et très soiin.
En plus, j’ai l’impression qu’en général plus c’était gros, plus c’était bien. Il existait des trousses avec des multitudes de poches ; c’était super cool pour cacher ses trésors mais ça coûtait très cher, alors tu devais te contenter de baver et faire ce que tu pouvais pour rendre ta table de classe un peu moins austère.
L’idée n’était pas que ta trousse ait l’air flambant neuve, mais qu’elle ait l’air d’avoir vécu — eh oui, il s’en passe des choses pendant les quinze minutes de récré d’une pré-ado.
Maintenant que tu as pu identifier le type de trousse nécessaire au bon déroulement de ton année scolaire, il faut l’ouvrir. Attention, le passé est parfois un peu salaud, et ton toi de 5èmeB n’est pas forcément représentatif de l’adulte que tu es devenue. Je ne t’en tiendrai pas rigueur.
Un manuel de survie
Après t’avoir donné du fil à retordre avec sa fermeture un peu rouillée, voilà que ta trousse s’ouvre. Tu devrais vite te rendre compte que ses parois internes sont recouvertes de signes indescriptibles.
Ces pattes de mouche au stylo-bille qui s’accumulent sur tout l’intérieur de ta trousse ont en fait été tes meilleurs alliés, jadis. Ben oui : si tu n’étais pas très bonne en géométrie, y avait qu’à noter quelques formules vite fait et le tour était joué. Lors du contrôle, il te suffisait de faire mine de chercher ton taille-crayon, d’y jeter un oeil, ni vu ni connu j’t’embrouille.
La méthode ci-dessus est totalement obsolète.
Le problème c’est que pour prendre le minimum de place, et ainsi éviter d’être repérée, tu essayais toujours d’en écrire le moins possible. Se créait alors une sorte de code avec toi-même, ton propre système d’abréviations. Mais quand la table de huit côtoyait de beaucoup trop près tes verbes irréguliers et la conjugaison du verbe « gésir » au futur antérieur, à vrai dire… tu n’y comprenais plus grand-chose.
Voilà pourquoi, en 2013, tu as l’impression de tenter de déchiffrer du grec ancien.
Des parchemins attestant de ton appartenance à une tribu
Un truc qui se faisait quand tu étais au collège c’était d’envoyer et de recevoir des mots de tes amis. L’idée c’était de t’emparer d’un bout de papier (un coin de ton agenda arraché c’était mieux), d’écrire ce qui te passait par la tête et de conclure par « big bisous bien baveux » (« berk », en plus, éventuellement).
Sinon, ce support aussi n’était pas mal. (Si l’envie te prend d’acheter ce lot, c’est par ici)
Le truc, c’est que des mots,
tu en recevais des dizaines par jour : c’est pas ta faute, ton prof avait placé ta meilleure pote à l’autre bout du monde de la classe. Vous étiez condamnées à vous écrire et à « faire passer » en faisant chier les trois quarts des élèves.
Et tous ces mots, ça te faisait vraiment mal au coeur de les jeter. Alors tu les gardais bien au chaud dans ta trousse, histoire de les relire en « perm » quand tu avais un petit coup de blues. Du coup, des tas et des tas de petits bouts de papiers bien pliés s’entassaient au milieu de tes stylos.
C’était très important de les garder. Ça prouvait ton appartenance à une tribu. Tu n’étais pas la « sans amis » du fond de la classe à qui tout le monde jetait des regards condescendants. Tu étais une jeune fille entourée, sociable, avec un ras-de-cou un tout petit peu trop serré et des chaussures un tout petit peu trop larges : parfaite, quoi.
Des reliques à la valeur incomparable
Pour que ta trousse soit encore plus estimable, il fallait également qu’elle contienne quelques reliques — c’était bien vu d’avoir un petit côté spirituel. Du coup, tu gardais toutes les choses que tu trouvais dans la cour et qui te semblaient avoir un minimum de valeur. Par exemple, un strass de boucle d’oreille ou un joli bouton.
Mieux, le comble de la coolitude était de récupérer un objet ayant appartenu à quelqu’un d’important. Le Graal étant quelque chose qui aurait pu toucher de près ou de loin à ton crush du moment. Rappelle-toi de ce mardi matin : le beau brun au t-shirt Sergio Tacchini se retournait et te demandait de lui prêter ton blanco. Tu t’exécutais après une pirouette émotionnelle et une tronche qui s’apparentait à peu près à ceci :
Une fois l’objet rendu, il n’a plus jamais quitté ta trousse et tu t’es juré de ne pas y toucher jusqu’à la prochaine année bissextile. Il y est toujours.
Il en est de même pour une cartouche d’encre vide qu’il avait fait tomber en art plastique, un chewing-gum qu’il t’avait offert mais que tu n’as jamais mangé et un cheveu que tu as retrouvé sur sa chaise un soir. Tant de reliques que tu aimais tourner et retourner entre tes doigts tout en récitant des incantations basées sur les lyrics de Sum41, histoire de te donner du courage.
Du matériel customisé
Même si on pouvait y trouver pas mal de bêtises, dans ta trousse il y avait aussi du matériel destiné à tes cours.
Au collège, tout est dans le style. Posséder un simple quatre couleurs c’était pas vraiment swag. Toi, tu faisais dans la customisation.
Du coup, tu collectionnais les billes de tes cartouches d’encre vide, que tu calais dans l’espace prévu pour la cartouche de rechange de ton stylo-plume. Ça ne servait à rien, ce n’était pas spécialement beau. Ça faisait juste beaucoup de bruit, et c’était très très cool.
Celle qui en prenait pour son grade, c’était ta gomme. En effet, tu avais tout mis en oeuvre pour la recouvrir entièrement de crayon à papier. Du coup, quand tu voulais effacer un truc tu te retrouvais avec une grosse tache grise sur la feuille. Voilà. Très malin.
Si tu étais un peu manuelle, dans ta trousse il devait également y avoir une sarbacane fabriquée artisanalement à base d’un vieil effaceur. C’était très pratique pour occuper les longues heures de CDI obligatoire avec le documentaliste qui puait un peu des aisselles.
Pour voir le tuto complet, c’est par ici.
Un extérieur qui s’affirme
L’aspect extérieur de ta trousse du collège n’était pas en reste. Plus elle était bariolée mieux c’était. Tu pouvais y aller à coup de feutre, de marqueur fluo ou de blanco.
L’idée était de s’affirmer et de montrer au monde entier que tu étais quelqu’un de cool. Du coup, tout était bon pour montrer tes appartenances : une équipe de foot, une private joke, le nom de ton groupe préféré ou le surnom secret de ton crush.
Du coup, je regarde ma trousse à moi avec une petite larme à l’oeil. Pucca a pris un petit coup dans la tronche et est recouverte de tag du PSG et de l’OM (la logique ?), des citations de Kyo et de Mypollux, du prénom de mon poney préféré et d’un badge d’Emily the Strange. À l’intérieur, trois stylos, une trentaine de papiers, des places de ciné et plein de trucs qui brillent de très grande valeur (non). Le collège, c’était nul quand on y était, mais à y regarder de plus près… c’était pas non plus le bagne !
Allez, dis-moi ce qu’il y a dans ta trousse, je te dirais qui tu es…
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Sinon,avec le 4 couleurs, y'avait aussi la manie d'enlever les tubes d'encre enfin, les couleurs, pour les changer d'ordre dans le crayon. Et puis là, tu oublies de remettre un ressort et le monde s'écroule.
Et j'ai pas trop fait le truc de la gomme au crayon de papier. Je préférais graver des trucs au compas et remplir les trous d'encre. (VOIR de tamponner avec.)