A l’occasion de la Saint-Valentin qui arrive bientôt, je t’offre un petit panorama de ces pièges dans lesquels on tombe quand le palpitant s’emballe.
- Le Mamourisme (ou l’art du petit surnom)
- La Mentionite (ou le « on va faire ci »/ « il a fait ça », « il a dit ci »)
- L’effet fusion-exclusion
- Le déchaînement hormonal
- L’hyper-prévenance
- L’aveuglement amoureux
- Le BritneySpearsme (ou « Aujourd’hui, je pose, demain je me décompose »)
- Le doute permanent
Ah, les « mon cœur/mon amour » tant vantés par Anaïs. Ces mots doux que les couples utilisent pour marquer leur territoire affectif un peu comme les toutous marquent leur Troène préféré… De l’extérieur, le procédé paraît cliché, guimauve, dégoûlinant. Et pourtant, une fois en couple, même les cyniques finissent par y succomber. Avec plus ou moins de distance, il est vrai.
– Ma Chupa Chups ?! C’est comme ça qu’il t’appelle ?!
– Et alors ? Je trouve ça mignon, moi.
– Pouaah ! Y a que toi pour dire une chose pareille.
– C’est sûr que Mr Ironic Chic a sans doute mieux en stock… Elle t’appelle comment ta dulcinée ?
– Elle m’appelle Marc, c’est tout.
– Sabrina ?! Ta Sabrina « Winnie-Kikoo-lol » ? Ca m’étonnerait qu’elle t’ait pas trouvé un joli surnom. Elle en a bien un pour son ficus… Alors, c’est quoi ?
– Je te le dirai pas.
– Donc t’en a un. Mon mignonou ? Mon bidibule ? Mon toumimi ?
– Ta gueule !
– Mon coquinou, mon Ourson de Lu ?
– M…bricbric
– Bricbric ?
– Nan ! M…bricbric
– A pas compris.
– MON LOMBRIC LUBRIQUE !
– Lol.
La critique est aisée, l’art est difficile.
Au début, il y a le « Moi ». Et puis il y a le « Il » (ou le « Elle ») et soudain, le « Moi » ne parle plus que de ça. Enfin de « nous ». Enfin de « lui » (ou « Elle »), quoi. Sous l’effet de l’amour, le paysage mental des plus critiques est soudain envahi par l’être aimé. Et eux qui autrefois, reprochaient aux infâmes amoureux de parler de leur moitié à longueur de journée, se mettent à faire exactement la même chose. C’est ce qu’on appelle la « mentionite amoureuse ».
– Jean-Luc, je le préférais avant.
– Avant… Avant quoi ?
– Avant sa Céline, là.
– Pourquoi ? Il a jamais été aussi heureux !
– Justement. J’en ai marre, de son bonheur.
– Tu dis ça parce que t’es jalouse.
– Je dis ça parce que je suis blasée. T’en as pas marre de pas pouvoir parler d’autre chose que Céline, toi ?
– Ben non.
– Midinette.
– Rabat-joie.
« Bonheur partagé », vous dites ?
Les scientifiques de la Meetic Foundation ont baptisé le phénomène Dilution du paradigme identitaire. Ou comment perdre toute envie de contact avec le monde extérieur sous prétexte que désormais, on est deux. Deux cœurs qui battent à l’unisson dans un grand champ de magnolias. Or, un cœur qui bat, ça voit que dalle. D’où une certaine tendance chez le couple tout frais à négliger ceux qui naguère, partageaient leurs galères de célibataires. C’est mal. C’est moche. Mais on leur pardonne. Ou pas.
– Allô, Felipe, mon meilleur ami que j’ai ?
– Oui ?
– Salut, c’est Simone.
– Qui ?
– Simone.
– Non je ne vois pas, non…
– Felipe, arrête de déconner, tu veux ?
– J’ai connu une Simone, oui…
– Très drôle.
– … Mais elle semble s’être fait kidnapper par un breton.
– Roh, t’arrête, oui ?
– … C’est pas une grande perte, c’était qu’une pétasse égoïste.
– Eh !!
– … A part ça, que puis-je pour vous ?
– Gros con.
– Ah ! Te revoilà, Pomponette…
Qui trop embrasse mal revient.
Parfois cause ou conséquence de l’effet fusion-exclusion, le déchaînement hormonal saisit le couple amoureux comme un steak bien tendre*. Ceux qui avant le Big Love trouvaient amusants mais saoulants les couples qui se sautent dessus tout le temps basculent tout à coup dans un véritable tourbillon sexuel. Et comme l’amoureux trouve tout excitant chez l’autre, pas besoin de porte-jarretelles ou de slip kangourou en latex pour déchaîner la passion : un simple haussement de sourcil suffit.
* en espérant pour eux qu’ils passent à la casserole plus de 3 minutes. Haha. Comprenne qui pourra.
– Tu l’aurais vu, là, son engin à la main…
– Euh…
– … Y m’a regardée et y m’a dit : « Quand y en a plus, y en a encore, hein ?« …
– …
– (..) « Je m’en vais te récurer tout ça, tu vas voir. »
– Dois-je me boucher les oreilles ?
– … Ah lala… comme il était beau, avec son éponge à gratter !
– Ouf. J’ai eu peur.
– Hein ?
– Non rien.
Q comme Quotidien…
« Qu’ils sont comiques, ces tourteraux qui se font des politesses ! », pense le sceptique en observant leur manège. Ca s’aime, ça veut le bonheur sans nuage, alors ça cherche le compromis partout. Ca veut rendre l’autre heureu-phorique, alors ça précède tous ses souhaits, même ceux qu’il n’a pas… Ridicule, vraiment. Jusqu’à ce qu’on se trouve soi-même emberlificoté dans les nuances de l’hyper-prévenance…
– Tu… Tu veux faire quoi ce soir ?
– Ben… je sais pas, et toi ?
– Ben je sais pas… t’as envie de quoi, toi ?
– Euh… Un ciné ?
– Ah oui, tiens !
– Ou bien un resto…
– Bonne idée.
– Ou bien on peut se faire un DVD.
– Vi, aussi.
– Tu préfères quoi, alors ?
– Ben je sais pas, et toi ?
– Ben je sais pas. Toi ?
– Ben non, dis, toi.
– Ben je sais pas.
– Bon ben… On baise ?
– Ok.
D comme Déchaînement hormonal, on a dit.
Le dicton a raison : l’amour rend aveugle. Parfois, il éblouit petit à petit, faisant fi des obstacles et des apparences. Un déclic aussi étrange que tardif fait alors apparaître le vilain petit canard comme un cygne chatoyant. Et parfois, c’est l’inverse et le dicton a raison aussi. Telle une cagoule affective, l’amour empêche de voir l’évidence, la réalité crasse. Ces arbres qui cachent la fôret devant la poutre dans l’œil de l’être aimé. Il/elle paraît adorable et irréprochable. L’entourage peut crier le contraire, l’amoureux n’y voit que du feu : son « autre » est parfait, un point c’est tout. Bien sûr, on pense toujours y échapper. Pourtant, même les plus lucides se font prendre au petit jeu de l’aveuglement amoureux…
– Je comprends pas comment elle peut rester avec lui. Elle lui trouve quoi, franchement ?
– Bof, l’amour tu sais…
– Il est moche comme un pou, ça passons. Mais il est surtout très con.
– Tout est relatif…
– Tu l’as entendu hier, là ? « Tu sais Lena, si tu te maquillais, tu serais vraiment jolie (…)»
– Mais il a pas voulu dire ça…
– « (…) Nan mais faudrait que la municipalité agrandisse la chaussée, parce qu’avec mon 4×4, je passe pas dans les petites rues (…) »
– Ca lui passera. Il est jeune.
– « (…) On dit que ça pollue, mais en réalité, c’est pas plus gourmand qu’une belle berline, hein »… Pff. Quel blai…
– Et euh… ton Saïd, il est où ?
– Parti rôder son Audi TT. Pourquoi ?
– Non, rien…
On niera, où tu voudras quand tu voudras.
Au début de sa carrière, Britney ne sortait jamais sans French Manucure. Un styliste collé au train, elle apparaissait sous le meilleur jour possible pour l’amour des spotlights. Et puis un jour, le drame : Britney a levé le pied et nous est apparue les traits tirés dans ses joggings fatigués. So what ?, semblait-elle dire. Y en a marre de faire des efforts pour toi, public. Méditons l’exemple de Brit. Car on a beau jurer « tu me prends comme chuis ou va chier », quand on est amoureux, on a tendance à vouloir se montrer sous son meilleur jour. Alors qu’on soit du genre naturel ou sophistiqué, rebelle ou inclus, on redouble d’attention pour plaire, on soigne les détails, on en rajoute une couche… Au moins au début.
– Gérard ?
– Oui, ma chaloupe ?
– C’est quoi cette horrible loque ?
– C’est mon slip fétiche.
– Mais y sont où, tes jolis boxers ?
– Dans le tiroir.
– Et pas sur tes fesses ?
– Non. Parce qu’aujourd’hui, big réunion. Et qui dit big reunion dit slip fétiche.
– Et t’en as beaucoup, des big réunions, cette semaine ?
– Tous les jours.
– Tu… même slip… tous les jours ?!
– Affirmatif.
– Si tu fais ça, adieu les petites nuisettes en soie.
– M’en fous, je te préfère avec ton vieux pyjama.
– Mais quelle arnaque, ce mec.
Jeune demoiselle, recherche un mec mortel. Un mec qui porte des strings en dentelle.
Passer des heures au téléphone à rassurer un ami sur les sentiments de sa bien-aimée (« Mais oui elle t’aime, oui. Ca se voit comme mon poing sur ta figure »). Hausser les épaules devant les « Il est trop bien pour moi, y va me quitter » des autres. C’est d’un banal. C’est d’un chiant… Sauf qu’un jour, on finit par mettre les pieds dedans. Dans ce doute qui prend à la gorge tout amoureux pas très sûr de lui et fortement attaché à l’autre. Ce doute qui revient malgré les preuves d’amour, les petites attentions et les beaux discours. L’amour, ça fait voir la vie en rose, c’est vrai. Mais parfois, ça pique un peu les zoeils.
– Je t’aime.
– Tu dis ça pour me faire plaisir ?
– Euh… Ben non.
– Si. Tu dis ça pour pas me faire de peine.
– Je…
– Pourquoi t’hésites ? T’as quelque chose à m’annoncer ?
– Non, c’est juste que…
– Juste que quoi ? Tu veux me quitter, c’est ça ?
– M’enfin Marek, puisque…
– De toute façon c’est ce qui va arriver.
– Mais je t’aime, moi !
– Arrête. Ca sent la protestation forcée.
– Mais ? tu ? Raah ! Tu m’énerves !
– Bouhouhouu ! Je le savais !
Y a trop de gens qui t’aiment et tu ne le vois pas…
Doute disproportionné, cliché romantique, mamourisme… Ce ne sont là que quelques-uns des pièges tendus par l’amûr aux cœurs innocents comme aux cyniques revenus de tout. On a beau pouffer, ironiser, grincer des dents : un jour, on y passe quand même*. Au fait, je t’offre quoi pour la Saint Valentin, lectrice que j’aime** ? Une pyramide de Mon Chéri ? Une compile d’Eros Ramazzoti ?
*Au moins un peu. Allez, avoue. Fais pas ta tourte.
** Non, je déconne. Pis d’abord tu m’aimes pas, je le sais bien.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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