« Trop contente d’avoir de tes nouvelles, on se boit un verre un de ces jours ! »
Je ne sais pas pour vous, mais des messages similaires, j’en reçois très régulièrement. Ce qui est amusant car je sais que dans la plupart des cas, je n’irai en fait jamais boire un verre avec cette personne.
Je sais que si je lui propose une date, elle sera « désolée, pas disponible ». Je sais que parfois, ça sera elle qui me recontactera. Plus rarement, ça sera même elle qui me proposera un rendez-vous. Et je sais qu’elle finira par l’annuler.
Comme il y a des mots pour tout, il y en a aussi un pour désigner cette pratique : le breadcrumbing. Au début, on utilisait ce mot pour les dragueurs et dragueuses qui dispersent des petits signes d’attention avant de disparaître… Et puis le site Refinery29 a décidé de faire un focus intéressant sur le côté amical de cette pratique.
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Et ça donne donc l’exemple précédemment cité.
Après avoir discuté avec mon entourage, je me suis rendue compte qu’à peu près tout le monde autour de moi est touché par le phénomène. J’ai décidé de mener l’enquête, demandant à mes ami•es et collègues pourquoi ils/elles faisaient ça.
Voici leurs réponses.
Ne pas donner suite par manque de temps… et absence de priorité
Première raison donnée par beaucoup : le manque de temps. Un•e ami•e qui vous ferait cette proposition pécherait presque par excès d’ambition : elle aimerait bien vous revoir, c’est juste que c’est impossible, faute de temps.
C’est par exemple le cas de Rita*, qui m’explique ne voir que très peu l’un de ses amis en particulier. Comme il ne s’entend pas très bien avec ses autres ami•es, il est impossible de « mutualiser » en l’invitant aux soirées qu’elle organise.
« En soi, j’ai envie de voir ce pote, mais c’est vrai que comme on n’est pas très proches, ce n’est pas super haut dans ma liste de priorités. Et je me retrouve toujours à voir plutôt mes amis proches ou mon mec, en plus de mes soirées tranquille.
Quand je lui dis « On se voit vite ! » je le pense vraiment, mais je ne prends pas le temps de bloquer une date.
Cela dit, lui non plus ne m’en propose pas. Il me dit « Dis, on se voit un de ces quatre ? » mais sans jamais préciser de date fixe. »
Ma collègue Louise
m’explique qu’elle voit plus facilement ses ami•es de passage dans la ville que ceux y vivant.
Dans le premier cas, elle sait que leur séjour est limité, dans l’autre elle se dit qu’elle trouvera toujours le temps, plus tard. Pour certain•es, cela fait plus de six mois qu’elle repousse sans cesse.
Proposer un rendez-vous par politesse… ou habitude
On m’a également avancé l’excuse de l’habitude.
Proposer un verre serait une manière assez simple de ponctuer une conversation avec quelqu’un que l’on croise en coup de vent. Une manière aussi, parfois, de prendre la fuite : pas le temps de parler tout de suite, mais on se voit une prochaine fois ?
Aki, rédactrice cinéma et séries, m’offre sa vision des choses :
« Quand je croise quelqu’un que je connais dans la rue, je lance souvent un « faudrait qu’on se prenne un verre ».
Pour moi, le « faudrait » induit qu’on ne le fera pas. C’est presque une formule de politesse. Si je voulais vraiment voir la personne je lui demanderais « t’es disponible quel jour ? ».
De même, quand on me demande de prendre un verre, je réagis avec enthousiasme car ça me fait plaisir qu’on pense à moi… Et je réalise ensuite que le comportement doit être similaire au mien et qu’on ne le prendra jamais, ce verre.
Sinon, pourquoi utiliser le conditionnel et ne pas se caler une date tout simplement ? »
Une autre collègue m’explique que toutes les semaines, des ami•es lui proposent d’aller boire un verre. Toutes les semaines, elle acquiesce… Puis ne vient pas.
« J’habite loin, il faudrait que je reprenne le train.. Peut-être qu’un jour, quand j’aurai la motivation, je finirai par venir ? »
Faire durer la situation de peur de vexer en répondant par la négative
D’autres avancent simplement la peur de vexer, de faire de la peine en expliquant à l’autre qu’ils/elles ne souhaitent plus la/le revoir.
Ce genre de situation traîne en longueur, jusqu’à ce que l’une des parties abdique, que ce soit en arrêtant de relancer… Ou en finissant par accepter ce fameux rendez-vous.
Ursule* a un jour rencontré un garçon, un ami d’ami, à une soirée. Ils se sont entendus sans plus et elle ne pensait pas particulièrement garder contact par la suite.
Finalement, il l’ajoute sur Facebook. Depuis, il lui propose régulièrement de se revoir.
« Je dis oui, mais quand il propose une date précise, je réponds tout le temps que je suis très occupée.
J’ai conscience que c’est pas cool de faire ça mais je ne veux pas le le vexer en lui disant que je n’ai pas vraiment d’affinités avec lui sans notre pote en commun. Surtout que j’ai cru comprendre qu’il était très fragile… »
Bien entendu, ce n’est jamais agréable de mettre un râteau mais c’est toujours mieux que de cultiver de faux espoirs par peur d’attrister. L’interlocuteur se rendra de toute manière toujours compte un jour où l’autre qu’on ne voulait en fait pas le voir depuis le début.
Comment en finir avec ce « breadcrumbing de l’amitié » ?
Quand tout le monde semble jouer la comédie, passe encore. Mais quand on souffre de cette pratique, comment réagir ?
Eh bien il y a deux solutions assez simples !
- La méthode fourbe
La méthode fourbe consiste à forcer la main et proposer directement, sans subtilité, une date précise (voire plusieurs) pour amener la personne à se confronter à ses propres contradictions. A-t-elle été honnête en vous proposant ce verre ?
Demandez-lui :
« Ah, il faudrait qu’on boive un verre, que dirais-tu du 13 mai par exemple ? Ou du 14 ? Toujours pas dispo ? Eh bien donne-moi tes disponibilités. Tu es sûre que tu as vraiment envie qu’on se le prenne, ce verre ? »
r= »0″ allowfullscreen= »allowfullscreen »> Oui, c’est brutal, vous me direz. Mais l’est-ce vraiment plus que la pratique du breadcrumbing de l’amitié ?
- La méthode classique
La méthode classique consiste communiquer, tout simplement.
Demandez à l’autre s’il y a un problème, un manque de temps momentané ou juste un désintérêt au niveau de la relation. Je sais que ça fait mal mais tout le monde ne nous aime pas au même niveau qu’on les aime.
À vous de décider de la suite.
Pour ma part, j’arrête de relancer après trois manifestations de ce genre d’une personne.
Je ne pense pas que mes contacts soient malhonnêtes quand ils me disent qu’ils n’ont pas le temps. Je sais juste que j’ai besoin de gens qui ont un minimum de temps à partager avec moi.
Et s’ils n’en ont pas… Eh bien c’est pas grave, j’ai d’autres amis !
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