Edit du 15 avril :
Amina Tyler est libre ! Elle a en effet réussi à s’échapper de l’endroit où sa famille la retenait et se trouve actuellement dans un endroit sûr à Tunis. Les FEMEN ont annoncé la bonne nouvelle et ont partagé cette conversation Skype (résumé en français ci-dessous) :
https://youtu.be/ZhLWKG0pedA
Amina a été saisie par son oncle et son cousin alors qu’elle se trouvait dans un café avec des amis (qu’elle soupçonne d’avoir prévenu sa famille). Après l’avoir emmenée de force dans la maison de sa tante, ils lui ont confisqué son téléphone et ont détruit sa carte SIM, comportant de nombreux numéros importants. Amina a également subi de mauvais traitements physiques, des coups, des brimades – son dos est encore douloureux car son cousin l’a violemment jetée au sol. Son père est arrivé et leur a défendu de frapper sa fille, qui est repartie avec lui.
Amina fut alors emmenée chez un psychologue, qui se révéla être absent. On la conduisit donc chez sa grand-mère, contre son gré et malgré sa résistance, où deux vieilles femmes de sa famille ont voulu vérifier qu’elle était toujours vierge. Enfermée là-bas, elle raconte qu’on lui faisait la leçon en permanence, tous les jours, qu’on l’a forcée à lire le Coran et à rencontrer des Imams qui la considéraient possédée et jugeaient qu’elle agissait contre sa volonté propre. Elle évoque également le fait qu’on lui donnait de hautes doses de médicaments destinés à la rendre calme et somnolente, et qu’elle ne se souvient pas de tout à cause de cela. Par exemple, selon sa mère, Amina se serait à un point excusée d’avoir posé seins nus pour le mouvement FEMEN, mais elle-même n’en a aucun souvenir. De plus, elle confirme que ses interviews, notamment pour Canal+, ont été réalisées sous la contrainte de sa famille et que son discours était forcé.
Après une première tentative de fugue, qui a échoué, lorsqu’Amina se trouvait dans un village isolé, elle fut rapatriée à Tunis par son père. C’est là qu’elle a pu s’enfuir – sans l’aide des FEMEN, précise Inna Schevchenko, cofondatrice du mouvement, même si ce sont elles qui l’ont aidé à trouver un endroit sûr où demeurer. Amina précise enfin vouloir continuer la lutte féministe en Tunisie et ne compte pas quitter le pays avant d’avoir participé à une protestation seins nus.
Article du 28 mars :
Le 1er mars dernier, Amina Tyler lançait la première page Facebook des Femen en Tunisie ; le 26 février, elle avait envoyé une photo d’elle seins nus avec écrit « Fuck your morals ». Quelques jours plus tard, la lycéenne de 19 ans y postait une photo d’elle dénudée avec une inscription en arabe sur le torse : « Mon corps m’appartient et il n’est l’honneur de personne ». Un message fort, une déclaration d’indépendance d’esprit et de chair.
Mais ce geste n’a pas été sans conséquence : très vite, Amina a reçu de nombreuses menaces de mort
. Après avoir essayé de la joindre pour prendre de ses nouvelles, FEMEN France s’inquiète et poste un message alarmant sur sa page Facebook : Amina a-t-elle disparu ? Pourquoi est-elle injoignable et pourquoi son téléphone est-il éteint ? « Après avoir reçu ces informations, les activistes de Femen ont essayé de contacter la jeune tunisienne mais sans succès. Son téléphone est resté éteint. Nous nous craignons pour sa vie », peut-on lire sur la page en question.
Les rumeurs sont allées bon train et les questions ont fusé. La plus récurrente fut « Où est Amina ? ». FEMEN France annonce – toujours sur Facebook – qu’une source non vérifiée la déclare internée de force par sa famille. Mais lundi, Amina a contacté son avocate pour la prévenir qu’elle était chez ses parents. Cependant, les Femen refusent d’arrêter la mobilisation tant qu’elles n’auront pas réussi à rentrer en contact avec elle.
Pour Marianne, Martine Gozlan est allée à la rencontre d’Amina, au domicile de sa famille. Le récit qu’elle fait de cette entrevue n’est pas franchement rassurant : on y apprend que le geste d’Amina est infantilisé par sa famille qui insiste sur le fait qu’elle aurait accepté d’être prise en photo sous la pression :
« Amina parle d’une voix faible, épuisée. Cette voix contraste avec les voix fortes, éclatantes, parfois assourdissantes qui fusent autour de nous, dans le salon d’une maison familiale, loin de Tunis, dans une ville que je ne nomme pas, par sécurité car le geste d’Amina, la premiere Femen de Tunisie, la seconde du monde arabe après l’Egyptienne Aliaa al-Maghdy, a entraîné des menaces de mort des salafistes. Le dévoilement d’un sein qui symbolise en France, depuis deux siècles, le fier élan de la belle Marianne républicaine pulvérise ici le tabou suprême sur le corps des femmes. »
Pour lire la suite de cette rencontre, c’est sur le site de Marianne.
En Tunisie, depuis mardi (le 26) et jusqu’à samedi 30 mars, le Forum social mondial réfléchira sur la condition des femmes. Près de 30 000 personnes y aborderont des sujets comme la sexualité ou les rôles des femmes, économiquement et politiquement dans une société en mutation depuis le Printemps Arabe d’il y a deux ans.
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Les Commentaires
Est-ce qu'on peut vraiment tout accepter au nom de la culture, ou de la religion ? L'excision fait aussi parti de culture dans le continent africain. Alors sous prétexte que c'est une coutume, une tradition, on ne doit pas intervenir pour dire : stop, ça va trop loin ? On ne peut PAS accepter des coutumes ou des traditions qui apportent de la souffrance ou qui ne respecte pas la dignité humaine. Personne n'a de droit sur le corps de qui que soit, qu'on soit chinoise, française ou tunisienne.
Trouvez-vous légitime qu'on puisse laisser une femme se faire lapider ou une jeune fille forcée de se marier avec son propre violeur pour sauver l'honneur de la famille, au nom du respect des coutumes et de la culture ? Non. En Egypte, les femmes doivent demander l'autorisation de son mari pour faire du vélo. On va laisser faire des choses pareilles parce qu'il faut respecter la religion ou les traditions de chacun ? Oo A partir du moment où une personne est blessée, humiliée voire même tuée, il faut peut-être réagir, plutôt que de regarder la situation dégénérer, bien assis sur notre canapé. Laisser une pareille situation rester en place, c'est aussi grave que d'y participer.
"La loi, c'est la loi, on doit la respecter". Toutes les lois ne sont pas légitimes : encore heureux que sous Vichy, des gens se sont opposées à certaines lois clairement racistes et dangereuses. Je suis sure que cette excuse à été sortie de nombreuses fois dans les procès qui ont suivis cette époque.
(Et pour celle qui parle de l'interdiction du voile en France dans les lieux publics... Cette loi est franchement ignorée la plupart du temps. Je suis en licence de droit dans une université où les jeunes filles musulmanes viennent étudier en burqa ou simplement voilée et personne ne va les voir en disant "eh ! La loi française interdit le voile ! En plus, t'es en droit, t'abuses un peu". On laisse tout simplement faire.)