J’ai tout de suite été attirée par les affiches dans le métro. Un grand masque aux yeux qui semblent « évidés » et au sourire tiré — le tout en gros plan histoire de te faire comprendre que ça ne rigole vraiment, mais alors vraiment pas. « Ils ont une nuit pour survivre », annonce l’affiche. J’imagine que ce monsieur au col boutonné ne se trouve pas du meilleur côté de la Force. Difficile de se fourvoyer.
« Viens, allez viens on est bien bien bien »
Le film de James DeMonaco part d’un concept auquel j’ai accroché plus vite qu’un colibri sous speed : va y avoir du meurtre. En 2022, la criminalité n’existe pourtant presque plus. Tout le monde s’aime et évolue dans un monde à l’économie fleurissante et à la violence proche du taux zéro. Aurait-on désherbé tous les tueurs en séries de la planète ? Non. C’est la Purge qui a fait ça toute seule.
En effet, une fois par an le gouvernement laisse le choix à la population de décider qui mérite ou non ses impôts. En d’autres termes, pendant douze heures tout le monde a le droit de massacrer qui il veut. Pas de pompier, pas de SAMU ou de police, juste des coups de feu et des battes de baseball. Le démon violent des habitants enfin exorcisé, c’est reparti pour un an au pays des Bisounours.
C’est pas la première fois que les humains tuent au cinéma pour se débarrasser de leurs pulsions. C’est par exemple tout le principe d’Hostel, cet endroit où les riches achètent aux enchères des gens pour en faire du rosbif.
La différence est qu’American Nightmare n’est pas estampillé torture porn — donc pas de viscères à foison et d’oeil révulsé en macro, ce qui est plutôt pas mal pour un petit coeur délicat.
Le trailer qui tue (et c’est au sens propre)
Ensuite je me suis dit qu’aller mater la bande-annonce c’était cool. Ça ne l’était pas. Autant j’aimais l’idée de départ, autant le fait que l’intrigue soit dévoilée dans les six minutes, j’ai trouvé ça vraiment nul.
Ok, c’est pas la première fois que ça arrive. Les trailers des comédies, par exemple, ressemblent parfois plus à un zapping de vannes qu’à une véritable vidéo de présentation…
Bref, ici on apprend donc que le film se concentre sur une famille gentille qui tente de se protéger derrière des portes en titane. Mais — élément perturbateur — le benjamin craque devant les supplications d’un homme sur le point de se faire massacrer. Il le laisse entrer et, forcément, ça fout la merde. Ses bourreaux veulent le récupérer et, comble de l’arnaque, on voit même la tronche des méchants. Niveau de suspense : prout.
La première impression est souvent la bonne
American Nightmare utilise une technique vieille comme le monde : faire défiler des choses atroces sur de la musique classique. Ça donne tout de suit un côté totalement décalé qui met très mal à l’aise, même si ce sont des ficelles qu’on connaît bien, à la longue.
C’est le cas en début de film : des images filmées en caméras de surveillance des précédentes Purges – le tout sur du classy Debussy. Les gens se tapent dessus dans la rue, c’est pas très gai.
La première séquence a pourtant réussi à me mettre dans l’ambiance, je sens pointer en moi la polémique de l’esprit humain :
– Faut quand même être taré pour inventer ça – Ouais mais quand même c’est pas si con… – Nan mais Amélie c’est pas correct ! – Repense à ton directeur de mémoire. – Ha ouais c’est peut-être une bonne idée finalement.
C’est bon signe.
Coucou toi, ô visage famillier
Le premier quart d’heure du film, c’est l’occasion de tâter le terrain. C’est aussi à ce moment que tu découvres les personnages prêts à t’accompagner pendant la prochaine heure et demie.
Tu sais déjà que tu te rongeras les ongles pour eux, que tu feras pipi dessus pour eux, ou que tu te taperas une crampe de la mâchoire quand ils apparaîtront à l’écran (c’est ça de trop serrer les dents). Bref, le réalisateur va tout faire pour que tu ressentes des sentiments pour ces gens.
American Nightmare s’attache à l’histoire de la riche famille Sandin. En papa vendeur d’articles pour sécuriser le quartier, j’ai nommé Ethan Hawke. Le producteur du film étant Jason Blum (qui était déjà intervenu dans Sinister), il semblait presque naturel que les héros de ces deux films soient incarnés par le même acteur. Pourtant, j’ai trouvé sa prestation dans le film d’horreur de 2012 plus convaincante. Ici il est trop plat, il fait le job mais sans plus. Mauvais point.
Les deux enfants, Charlie et Zoey, sont fades. Tout saufs charismatiques j’en ai oublié d’en avoir peur pour eux — et j’avoue j’ai débuté un rite vaudou mental pour qu’ils disparaissent en premier.
Mais peut-être que mon jugement a été corrompu, car je l’avoue, je n’avais les yeux rivés que sur elle.
Mon dieu, Cersei est passée dans la machine à laver.
Oui, la maîtresse de maison n’est autre que Lena Headey, alias la Lannister la plus puante de la famille (si, si : Joffrey est officiellement un Baratheon). Je hais son personnage autant que je l’aime d’amour. Mais du coup, elle allonge la liste des acteurs que je n’imagine pas dans un autre rôle.
Le problème c’est qu’ici, Mary (son nom dans le film) est une gentille môman prête a tout pour protéger sa progéniture. Alors même si elle est en mode combat, on est bien loin de la robe-armure et des sourires en coin qui me donnent envie de lui arracher les cheveux. C’était perturbant, même si c’est elle qui livre sans doute la meilleure prestation. J’ai. Eu. Du. Mal. Vraiment.
On peut ajouter à cela un méchant qui n’a pas que son masque en papier mâché. Autant sur l’affiche il glace le sang, autant dans le film il ressemble à un crétin, copie ratée d’Heath Ledger en Joker (qui au moins avait fait un effort niveau maquillage).
Rhys Wakefield ressemble plus à un gamin qui collectionne les poneys qu’à un jeune homme qui a pété les plombs. C’est dommage, d’habitude j’accroche bien au trip « je suis un grand malade en plein fou rire alors que je décapite quelqu’un ». Mais là, c’est raté.
Rhys fait des Vidéos ou Le tueur du Palier.
Bref, si on omet ce dernier, les autres sont capables de faire leur boulot. L’intrigue s’installe, quand tout à coup…
Un cliché sauvage apparaît !
Là où j’ai vraiment commencé avoir un doute c’est durant la scène du dîner familial. L’ado rebelle qui refuse tout contact, le gamin dans la lune et probablement surdoué qui ne pense qu’à ses inventions, le pater familias qui essaye de rassembler tout le monde autour des fondements communs et la mère qui lève les yeux aux ciel en soupirant. Zut, on se croirait dans une pub pour de la bolognaise.
Le problème c’est que ça continue. American Nightmare n’est pas clairement un film d’horreur mais il en emprunte toutes les ficelles (mais pas forcément les plus solides), dont le gamin un peu concon et les comportements impulsifs qui ne mènent à rien (« Si on se séparait, comme ça on aura trois fois plus de chance de se faire bouffer ? Nan ? »).
Certaines scènes te feront bondir de ton siège — ça a été le cas de ma voisine, qui hurlait en même temps, j’ai voulu la tuer. Mais ces séquences sont toujours basées sur le même principe : plan serré, on dézoome, tueur derrière, musique qui pète. Cette constante recherche du jump scare est un peu relou à force et dessert le propos. C’est un peu comme si le réalisateur n’avait pas su se positionner entre le thriller, le film d’auteur et l’horreur.
Bouh.
L’intrigue et le dénouement sont prévisibles. Voilà que dans mon siège je commence à être déçue. Et j’aime pas ça, alors je m’accroche.
La seule manière de tuer la mort, c’est de rester en vie
J’ai pas envie de te spoiler l’histoire donc tu n’en sauras pas plus niveau scénario. Cependant, plus le film avance, plus il semble vouloir se coincer la tête dans un étau. Alors qu’un dénouement facile semble possible, on te tourneboule tout ça. Du coup, la frustration se ramène.
Finalement, DeMonaco a fini par éveiller un truc en moi. Difficile de ne pas prendre parti, de cacher mon rictus satisfait, et la lueur folle dans mes yeux, puis celle de l’incompréhension… Et ainsi de suite.
J’ai été prise dans l’histoire — un peu comme pendant la première séquence de Pacific Rim, où j’avais juste envie de m’envoler les sourcils froncés et les poings serrés pour massacrer du Kaiju. Je pense que de ce côté-là, le film m’a conquise.
Sans doute mon côté psychopathe.
L’idée de mettre des masques aux vilains n’est pas si bête. Elle renforce le côté impersonnel et inhumain (car cette nuit-là, tout le monde peut devenir un monstre) tout en ajoutant un petit air Bognanov qui sied fort bien à l’ambiance générale.
Les vrais visages de Slipknot.
American Nightmare, c’était bien ou pas ?
Je suis resté jusqu’à la fin du générique (qui est plutôt cool d’ailleurs) et c’était déjà l’heure de faire le bilan.
J’ai aimé ce film parce que je l’ai pris comme il est : un thriller horrifique sans grande prétention qui traite un sujet totalement alléchant mais somme toute très illogique. Je ne pense pas être particulièrement « bon public », pourtant avec American Nightmare, qui n’est pas vraiment encensé par la critique, j’ai réussi à rentrer dans une ambiance qui m’a plu.
Certains souffriront sans doute du fait qu’il s’agit d’un huis-clos et qu’on n’est confronté-e-s qu’à un seul point de vue. Justement, je trouve que c’est ce qui fait l’originalité du film (c’est un peu ce qui manquait à World War Z, mais qui était très juste et cool dans Cloverfield).
Pour les plus terre-à-terre : le film est bourré d’incohérences (que l’on peut plus ou moins mettre sur le compte du FUTUR). Les personnages sont cons. Les méchants ne font pas peur. Le dénouement arrive comme on l’attendait (ou presque). C’est vrai que le sujet n’est sans doute pas exploité de la meilleure des façons.
N’empêche que c’est pas ridicule, que ça soulève un minimum de questions et que ça aura de quoi te mettre en rogne contre le scénariste jusqu’à la crise de nerfs — et je pense que c’est ce qu’il veut.
Je suis sortie satisfaite, fringante et presque rassasiée de sang humain. Donc ouais, c’était quand même pas mal.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Grosse grosse fan de films d'anticipation, le simple fait d'avoir affaire à un scénario original (et non à un énième remake, reboot ou je ne sais quel label pour mieux faire passer le goût de remâché) m'a mise dans de bonnes dispositions.
L'idée est excellente, il y a de quoi faire un très bon film. La question de la criminalité désignée comme responsable de tous les maux de l'humanité, de la supposée violence inhérente à l'espèce humaine qu'il faudrait laisser s'exprimer plutôt que de chercher à la contenir, des inégalités sociales menant inévitablement la "purge" à un combat du pot de fer contre le pot de terre, même de l'industrie de la sécurité, sa réelle efficacité et son éthique (vendre de la peur, est-ce moral ?). Sans compter la question du "jour d'après" comme évoqué par Marie.Charlotte, où l'on doit reprendre sa vie normale comme si rien ne s'était passé, et par conséquent la question quasi métaphysique du combat du mal par le mal. Bref, de quoi filer des poussées d'adrénaline à n'importe quel étudiant en socio.
Et c'est là que le film se vautre lamentablement. Comme évoqué dans l'article, il ne s'agit pas d'un film d'horreur, et il en reprend pourtant toutes les ficelles (les plus usées). Le cul entre trois chaises, le film ne parvient pas à se décider entre le drame sociologique à la Orange Mécanique, le thriller en huis-clos à la Panic Room et la bonne boucherie des familles à la Battle Royale. C'est cette indécision, ajoutée à un clair manque de maîtrise (n'est pas David Fincher qui veut) qui fait de ce film un hybride raté qu'aucun des acteurs ne parvient à soutenir.
Divertissant tout au plus, The Purge (VO please) me laisse le sentiment d'une dissertation d'un lycéen que le sujet aurait inspiré mais qui l'aurait terminée à la hâte la veille : bonnes idées, application bâclée. Je suis déçue. Si un réalisateur plus talentueux, ou plus expérimenté, et qui ne se sent pas obligé d'aller dans la surenchère de violence pour appâter le chaland, décidait de faire un remake, je crois que j'en serais pour une fois ravie.