Mise à jour du 28 avril 2016 — P-WAC, l’association pour la protection de l’environnement et des animaux fondée par Amandine, est toujours aussi active… et a besoin de vous !
Depuis ma rencontre avec Amandine, elle et son équipe ont réussi à trouver au Congo un terrain favorable à l’implantation du sanctuaire pour chimpanzés dont elle m’avait parlé. Grâce aux dons et au soutien qu’a reçu l’association, leur projet a bien avancé. Mais à présent, ils ont à nouveau besoin de fonds pour aller plus loin.
C’est pourquoi P-WAC lance l’opération « Achetez un arbre » ! Tout à fait, un arbre. Faites-vous dès aujourd’hui l’heureux•se propriétaire d’un arbre très appréciés des chimpanzés, et contribuez à la fois à leur protection, et au financement de patrouilles anti-braconnage et anti-déforestation. Ce qui est, somme toute, lié.
Portrait du 14 septembre 2015 — Amandine est du genre déterminée, dans la vie. À 33 ans, elle a déjà derrière elle un beau parcours, doublé d’une véritable vocation qui risque de l’entraîner loin. C’est qu’Amandine est primatologue – ce qui est déjà pas mal – mais son investissement pour ses chers bonobos, gorilles, chimpanzés et autres grands singes ne s’arrête pas là : elle a aussi fondé P-WAC, une association pour la protection de l’environnement et des animaux… qui se montre déjà très active entre la France et le Congo.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un•e primatologue ? Je me faisais une idée du métier assez proche du papa de Jane dans le Tarzan de Disney, voire de Jane elle-même en jupons dans la jungle… Alors imaginez ma surprise (ou presque) lorsque cette jeune femme, au demeurant fort sympathique, a commencé à me parler de « suivre un singe en milieu naturel, prendre des données, relever des crottes, [et] essayer de rattraper du pipi le matin pour faire des analyses d’urine ».
amandine©www.p-wac.org
Et puis, si les journées d’Amandine ne se résumaient qu’à ça ! S’il y a une chose que j’ai retenu de notre longue et passionnante conversation, c’est que primatologue engagé•e sur le terrain, c’est une véritable aventure au quotidien.
Primatologue, une carrière pas gagnée d’avance
Rien que pour devenir primatologue, ce n’est pas simple. Au sortir du bac, Amandine sait déjà qu’elle veut travailler avec des animaux, mais sans savoir précisément ce qu’elle peut faire. « Clairement », me dit-elle aujourd’hui, « on n’est pas très informés en France sur les métiers animaliers ». Il y a bien vétérinaire, sauf que ça n’a pas grand chose à voir avec le métier de primatologue, et en prime, elle n’a pas pu suivre la filière scientifique requise.
Alors quoi ? Elle suit une formation dans la finance. Ce qui n’a rien à voir, me direz-vous, et vous aurez raison… À ceci près que c’est à cette même période qu’Amandine s’enrôle comme bénévole dans des programmes de protection des grands singes, en Afrique, et que son travail dans la banque lui permet de financer ce qui est devenu une passion.
Ça m’a toujours intéressée, les grands singes. Je ne sais pas d’où ça vient. Les gens me disaient « c’est à cause du film sur Dian Fossey ». [NdlR : « Gorilles dans la brume » avec Sigourney Weaver]… Bon ben j’ai fini par dire oui, c’est à cause du film… mais je n’en sais rien, en fait. Ça a toujours été comme ça. Je voulais bosser avec les gorilles, ma première mission a été avec des chimpanzés, et là j’ai eu le coup de foudre avec cette espèce… et j’ai voulu travailler avec les chimpanzés !
amandine©www.p-wac.org
Après sa première mission en 2003, Amandine sait précisément ce qu’elle veut faire. Trop précisément. Elle cherche dans toute la France un master de primatologie, et finit par en trouver un… En Angleterre, à l’université de Roehampton, à Londres. Parce que non, il n’existe pas encore de formations vraiment reconnues et professionnalisantes dans ce domaine en France.
C’est une discipline vraiment précise, en fait. Spécifique. Et du coup, non, ça n’existe pas. En France, il y a éthologie. C’est l’étude du comportement animal, mais il n’y a pas la spécialisation primatologie. Et il n’y a que deux universités en Angleterre qui le font.
Enfin, elle y parvient, et c’est le principal. D’autant que sa passion se confirme, et son intérêt pour l’étude des singes s’étend à la protection. Et de missions en collaborations avec des gens sur le terrain, et malgré un cursus jugé un peu « bancal » par le système français, elle se fait rapidement une idée précise de ce dans quoi elle souhaite s’impliquer. À la fin de son master, elle se remet à écumer les universités, cette fois à la recherche d’un•e directeur•trice de thèse qui voudra bien de son sujet de recherche…
Au vu ce que j’ai vécu sur le terrain avec les femmes, je me suis dit qu’il fallait travailler avec elles. Et pourquoi pas faire une recherche sur les femmes dans l’étude et la protection des singes ?
De la thèse en anthropologie à P-WAC
Rassurez-vous, cette première partie de l’histoire se termine bien, puisqu’elle finit par trouver une directrice de thèse très intéressée par son sujet. À Lyon, où, au bout de quelques temps, elle fonde également P-WAC.
C’était pas prévu au départ. Je voulais déjà étudier les relations des femmes aux singes, et j’étais dans un autre projet que j’ai quitté en claquant la porte. Et pendant très longtemps, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, me disant, mais comment je vais faire, je verrai plus mes petits chimpanzés… Et en fait, ce sont les copains qui m’ont poussée, en me disant, « ça fait dix ans que tu fais ça, monte ton projet ». Et voilà. C’est venu comme ça en fait.
À l’heure actuelle, Amandine est donc en 3ème année de thèse en anthropologie de la nature, une étude qu’elle mène dans l’optique de poser les bases de son projet de conservation au sein de l’association P-WAC, entre la France et le Congo. Ce qui n’est, semble-t-il, pas simple.
©StéphanieMengZirilli
P-WAC, ça se prononce donc « pi-ouac » (et non pas « pouac », ce que je trouve bien dommage). C’est un sigle anglophone pour « Projet pour la protection des grands singes et de l’environnement », soit une association pour la conservation de la biodiversité. Dix membres actifs seulement la composent pour l’instant, et Amandine, présidente de l’asso, en est au stade délicat de la recherche de financements… Mais ils ont des projets très précis, et P-WAC est active en France depuis deux ans. Objectif : sensibilisation.
On fait de l’éducation, en France. Des animations dans les écoles, les hôpitaux aussi. On monte aussi des conférences et des expositions pour les adultes, des ateliers métiers pour les gens qui veulent se reconvertir ou les ados, en leur disant que d’autres métiers existent dans la conservation. Avec moi, j’ai Sonia, une soigneuse animalière. Elle présente son métier, je présente le mien… […] On essaie d’apporter d’autres informations aux gens.
Une grosse implication en France, donc, pour exposer toute l’importance de leurs projets avant de partir les concrétiser en Afrique. Or expliquer aux gens que de nombreuses espèces de singes existent, qu’ils sont en voie de disparition alors que leur présence est pourtant vitale pour des écosystèmes entiers… ce n’est pas forcément la partie la plus simple !
C’est hyper difficile de sensibiliser les gens à cette cause, parce que c’est en Afrique, parce que ça reste des animaux… Ceux qui nous suivent, ce sont soit des gens déjà passionnés par les singes, soit des gens qui nous ont connus par Shaka Ponk lors de salons. Expliquer qu’un singe qui disparaît, ça peut changer tout un écosystème, c’est loin pour les gens… mais ça se comprend.
Ah, oui, au fait ! Shaka Ponk ! Si la sensibilisation est un travail de longue haleine, il n’est pas sans un certain nombre de réussites pour P-WAC : au-delà de toutes ces personnes d’horizons différents qui ont rejoint la cause, l’association compte désormais sur le soutien des Shaka Ponk, parrains officiels de P-WAC, qui voulaient « aider un petit projet qui galérait un peu ». La classe, non ?
amandine©www.p-wac.org
Peut-être que le groupe a également su voir tout le potentiel de ce petit projet…
Au niveau des écoles, on a quand même du mal, parce que les professeurs nous disent souvent qu’on ne rentre pas dans le cadre du cursus scolaire. […] après ils me disent « au final c’est vraiment en lien avec ce que les enfants apprennent ». Parce qu’on parle des singes, donc on parle de la morphologie, de leur dentition, leur alimentation, du social, et c’est tout en lien avec nous. […]
Dans les hôpitaux, je ne pensais pas qu’on rentrerait facilement, parce qu’il y a des situations difficiles. Les enfants ont peut-être autre chose à faire que d’entendre parler de singes… Mais ils ont été très réceptifs, et les médecins m’ont dit qu’on avait réussi à re-créer un lien entre les parents et les enfants. Le fait de parler d’autre chose, ça évite aussi de parler de la maladie.
P-WAC, direction : le Congo
Après deux ans loin du terrain, à se consacrer à la levée de fonds et la présentation des engagements de P-WAC, Amandine retourne très prochainement au Congo. Le premier objectif : créer un centre de soins pour les grands singes. Une sorte de sanctuaire plus qu’une clinique vétérinaire, m’explique-t-elle, dans lequel ils pourront recueillir les animaux victimes de braconnages. Car au Congo, les singes sont chassés pour la viande, et les petits sont vendus comme animaux de compagnie.
Tous les animaux de la forêt, on appelle ça de la viande de brousse. Donc c’est une question de culture, mais… Bizarrement, quand on fait des conférences, on a souvent des réflexions du genre « ces noirs ils sont pas civilisés ». Alors on explique aux gens que c’est une culture, qu’on fait la même chose en France avec le sanglier… Les gens ont une vision très négative de la culture africaine, donc ça aussi on essaie de le changer […]. La culture, c’est ce qui fait que les choses sont difficiles à changer, mais on va essayer.
Viande de brousse, marché de Kinshasa — amandine©www.p-wac.org
Et pour protéger l’espèce, cela devient nécessaire. Amandine m’apprend en effet qu’un bébé chimpanzé va téter jusqu’à l’âge de cinq/six ans, et rester avec sa mère une bonne dizaine d’années, car c’est elle qui lui apprend tout.
Un petit orphelin risque ainsi se laisser mourir, et c’est là qu’interviendrait le centre de soins : récupérer les animaux abandonnés, les soigner, et « leur réapprendre ce qu’ils auraient dû apprendre avec leur groupe avant de les remettre en milieu naturel ». Voire, dans le cas des petits, tenter de remplacer la mère…
C’est un boulot de plusieurs années. On ne remplace pas, mais par contre, il y a des mamans de substitution qui sont là du matin au soir, jour et nuit pendant des semaines, voire plus. Et la priorité, c’est d’apporter tout l’amour qu’on peut à ces petits, qui sont clairement terrorisés et choqués. De les nourrir, de les soigner, et puis, une fois qu’ils sont en confiance, de les accompagner dans leur développement. C’est-à-dire qu’on va se balader avec eux en forêt pour leur apprendre ce qu’ils peuvent manger ou pas, créer des liens entre plusieurs orphelins, créer des groupes de manière naturelle pour qu’il y ait des affinités, et par la suite, plus de chances de survie.
Mais c’est quelque chose qui prend des années et beaucoup de patience, de sacrifices. Et il y a une chose qu’on ne peut pas leur apprendre, c’est chasser et se défendre. Les petits apprennent à chasser en regardant puis en participant avec le reste du groupe.
En parallèle à ces efforts, l’objectif pour Amandine est aussi d’étudier leur comportement – et à chaque membre de l’asso sa spécialité. Des actions lourdes dans le paysage congolais, qu’il convient de mener avec l’accord des populations locales, en travaillant avec elles, et surtout pas en venant leur faire la leçon. P-WAC oeuvre ainsi à leur proposer des « solutions alternatives », telles que l’élevage de chèvres ou de poulets pour leur apporter une autre viande que le singe.
amandine©www.p-wac.org
Et puis surtout, impliquer le plus grand nombre d’intéressé•e•s possible en leur offrant la possibilité d’une formation, un travail. Et rendre obsolète le braconnage.
Les singes, les femmes, la population
Forcément, j’en viens à lui demander si le contact est plutôt positif. Et si j’avoue que je ne m’attendais pas qu’à du positif, la réponse me plonge aussitôt dans la réalité des choses :
Ça dépend, en fait. Sur tout le terrain que j’ai fait, j’ai eu une mauvaise expérience. D’autres ont vécu des choses pires, mais c’était quand même impressionnant. C’est-à-dire des braconniers qui débarquent au camp avec des kalachnikovs. C’est pas très rassurant ! (rires) […] C’était pas dans le contrat, mais bon, quand on sait qu’on fait de la conservation, on fait forcément face au trafic d’animaux sauvages. Et qui dit trafic dit armes, dit réseau…
Je sais que je suis restée hyper calme ce jour-là, j’ai bien géré la chose, mais je ne sais pas comment, en fait. On se dit toujours « ouais je ferais ça et ça », et puis bon, quand on voit des gens armés arriver… […] Ça déplaît à beaucoup de gens parce qu’on touche à une culture. On touche à un trafic, donc beaucoup d’argent est en jeu.
Notons tout de même qu’il s’agit-là d’une exception. Le reste du temps, elle et ses co-équipier•e•s sont bien accueilli•e•s dans les villages, où les gens sont plus sensibles aux problématiques de l’environnement. Elle m’avoue même préférer la vie dans ces villages qu’aux grandes villes.
amandine©www.p-wac.org
Ça dépend toujours des gens qu’on rencontre, mais c’est assez humain, beaucoup de rencontres et de curiosité. Mais pas de la curiosité malsaine. Ils ont envie de savoir. On a été dans des villages où ils n’avaient jamais vu de blancs, et les petits partaient en courant (rires). Ils ont envie d’apprendre, et c’est chouette, parce que moi en tout cas j’ai envie d’apprendre d’eux. Et ce sont des gens qui ont énormément de connaissances, ça fait des années qu’ils vivent dans les villages, qu’ils vivent de la forêt.
Et ça tombe bien, parce que la vocation première de P-WAC est aussi bien de sensibiliser les populations locales et de développer leurs projets de conservation en étroite collaboration avec les principaux concernés… Que de profiter de cette mission pour faire disparaître, petit à petit, les inégalités homme-femme au sein de ces mêmes villages (et, pourquoi pas un jour, dans les grandes villes).
Dans la conservation, on a besoin de mamans de substitution, des mamans à temps plein qui vont travailler avec nous pour accueillir les orphelins. Et ce que j’aimerais bien, c’est les aider à avoir accès à l’école, à une formation, et sur le long terme, on pourra faire des échanges avec les universités […] pour leur apporter un vrai bagage universitaire.
Mais vraiment sur du long terme, parce que ça va pas être simple à gérer ! Il faut trouver des gens aussi pour ça. Mais c’est un projet, et les femmes sont en demande dans les villages ! À Kinshasa c’est différent, mais dans les villages, elles font tout. Absolument tout. Elles s’occupent des gamins, de la maison, des champs, elles vont à la pêche, elle font la plantation, elles font l’alcool… Elles font tout, et elles n’ont aucune reconnaissance. Elles n’ont pas forcément le droit d’aller à l’école. Ou alors elles y vont, mais les garçons sont prioritaires, et c’est moins longtemps parce qu’il faut aider maman à la maison… On aimerait vraiment faire quelque chose pour ça.
amandine©www.p-wac.org
Amandine me précise bien que rien ne sera fait sans l’accord des chefs et des anciens des villages. « Ça peut être mal vu qu’une femme rapporte de l’argent à la maison », m’explique-t-elle. On peut alors comprendre que, pour que tout se passe bien, P-WAC fasse en sorte que ce soit progressif, et qu’il n’y ait pas que des femmes dans le projet. Mais ils apporteraient ainsi un nouveau dynamisme aux villages, ce qui ne laisse pas de marbre les chefs face aux exodes massifs vers la ville.
Par ailleurs, ils ont un allié de poids : l’association locale La Prescience pour le développement du Congo, montée par une femme travaillant au gouvernement congolais, et dont l’objectif principal est d’apporter une formation et un travail aux femmes défavorisées. Ce sera son premier rendez-vous une fois de retour sur place…
Soutenir P-WAC, pour la protection des grands singes
Si Amandine et ses co-équipier•e•s partent avec un premier financement, la totalité du projet, vous vous en doutez, va en demander davantage pour pouvoir aboutir. Et c’est bien pour ça que leur association P-WAC est toujours ouverte à toute proposition de dons ou d’adhésion !
Comme expliqué sur la page concernée de leur site, tout don rentrera dans le cadre de leur mission : « achat de nourriture pour les animaux, achat de médicaments vétérinaires, paiement des salaires des populations locales », etc. Il est également possible de les soutenir par le biais du bénévolat… Ce qui peut aussi bien vouloir dire les rejoindre sur le terrain, comme parler d’eux autour de vous.
Car c’est un petit projet qui peut devenir très grand de par ses ambitions. J’ai gardé Amandine presque une heure dans les locaux de madmoiZelle à force de lui poser des questions, et je n’ai probablement même pas fait le tour. Cet engagement me fascine encore plus que je ne le pensais, et ça a commencé, quelque part, lors d’une simple rencontre avec un chimpanzé en forêt, il y a 12 ans.
©Amandine Boucard
Je voulais bosser avec les gorilles et je n’en ai encore jamais rencontrés. En vrai, en milieu naturel je veux dire. Je les ai sentis, je les ai entendus, mais je ne les ai jamais vus. Les Orang-outangs je les ai vus, j’ai bossé avec les Bonobos, mais les chimpanzés… Je sais pas… C’est particulier. C’était un coup de coeur.
C’est le comportement qui m’a plu. Ça bouge dans tous les sens, c’est proche de l’homme. Ils sont assez mesquins, assez chenapans… Ils peuvent faire des petits coups en douce, et puis en même temps ils sont plein d’amour. On se reconnait beaucoup en eux en fait, c’est ça qui est troublant. Je me souviens des journées passées en forêt avec des chimpanzés, où on a un petit carnet de notes et on observe leur comportement… Et puis des fois, ils se posent, comme ça [le menton sur la main]. Et on se demande, mais qui observe qui ?
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Les Commentaires
Vais aller m'acheter un arbre le mois prochain moi !