L’urgence d’une justice climatique et la nécessité d’une transition énergétique. Voilà ce qui a mobilisé les troupes ce week-end à Bayonne, lors du grand village des alternatives, Alternatiba 2013.
Un succès que les organisateurs espèrent être « le début d’un effet domino », puisque l’objectif est d’alerter l’opinion publique et de créer une véritable mobilisation citoyenne avant le sommet de Paris sur le climat en 2015. Après l’échec du sommet de Copenhague en 2009, l’impératif d’un accord mondial pour freiner le réchauffement climatique se fait de plus en plus pressant.
Alternatiba n’est donc, des mots de Bizi, l’association à l’origine de la manifestation, « pas une fin en soi » puisqu’il vise à susciter « dix, cent, mille villages des alternatives […] pour mettre en avant l’intérêt et la possibilité de construire les solutions nécessaires au changement climatique ».
Dès le samedi, des tables rondes et conférences ont été organisées à la Faculté de Bayonne (avec, entre autres, la présence de Hervé Kempf, ex-journaliste au Monde qui a démissionné du grand quotidien — suite à ce qui s’apparente à une censure du dossier Notre-Dame-des-Landes de la part de la direction — pour lancer Reporterre, un média indépendant dédié à l’actualité de l’écologie).En parallèle, des rencontres avaient lieu au Forum off, partout ailleurs dans les jolies ruelles de Bayonne (on a pu assister ainsi à une présentation du Tour de France des alternatives, un projet initié par le journaliste Emmanuel Daniel qui sillonne les routes du pays à la rencontre de citoyens-acteurs d’ « utopies concrètes »).
Dimanche, point d’orgue de la manifestation Alternatiba, les artères du Petit Bayonne se sont retrouvés remplies de milliers de personnes venues échanger autour du changement climatique et de la question de la transition, entre les stands d’alternatives et espaces dédiés aux ateliers, démonstrations et performances.
« On est venus ici avec nos enfants parce qu’il est important de les sensibiliser à la question environnementale. Une petite balade sur le marché des petits producteurs, quelques ateliers l’après-midi : c’est agréable de passer du bon temps tout en parlant d’une chose aussi importante que la transition énergétique », commente Marie-Jeanne, une mère de famille venue de Pau.
« Il y en a pour toutes les familles écologiques, se réjouit Pascal, un visiteur rencontré plus loin. Les convaincus, les sceptiques-qui-aimeraient-en-savoir-plus, les citoyens-qui-veulent-changer-leur-quotidien-par-des-gestes-simples, les-curieux-qui-ont-encore-tout-à-apprendre… « L’ambiance bon enfant est de mise, personne n’est ici pour donner des leçons à personne, l’idée c’est de tous repartir avec des idées et inspirations nouvelles », fait remarquer le militant d’Europe Écologie – Les Verts.
Dimanche à midi, un concert de La Parisienne Libérée, chanteuse affublée de sa perruque rouge et parolière engagée qui tient une rubrique sur Mediapart, a rassasié le public de quelques morceaux bien sentis — sur la crise financière, le conflit Notre-Dame-des-Landes, le chômage, la classe politique nantie… Des effluves de ragoût d’agneau flottaient au dessus des têtes et quelque part dans la foule, José Bové cassait la croûte lui aussi.
Alimentation, transports, énergie, déchets, éco-habitat, finance responsable, éducation à l’environnement, patrimoine et culture, solidarité… Pour apprendre au public à enclencher la transition dès maintenant, les ateliers et conférences ont abordé de nombreuses problématiques et initiatives qu’il serait ardu de vous retranscrire intégralement ici. madmoiZelle s’est rendue sur place et vous a sélectionné 5 alternatives inspirantes !
Réduire l’empreinte carbone : le « Car à Pattes » pour remplacer les bus scolaires polluants
Une façon écolo et ludique de se rendre à l’école. Plutôt que de prendre le bus, les enfants réunis en « car à pattes » sont amenés tous les matins, à pieds, par un ou deux parents se portant volontaire. Les « conducteurs pédestres » se relaient durant la semaine pour s’occuper du petit groupe d’écoliers et l’amener à bon port.
Suivant un circuit défini à l’avance pour respecter l’horaire de passage à chaque arrêt, le « car à pattes » a l’avantage environnemental d’éviter le recours aux bus, mais bien d’autres qualités encore :- Il permet aux enfants d’avoir une activité physique journalière
- Il les sensibilise aux dangers de la route
- Il est amusant pour les enfants et leur permet d’arriver à l’école sans stress
- Il est plus économique pour la collectivité
- Il permet d’éviter les nuisances sonores
- Il crée du lien social chez les parents et un regain d’intérêt pour les activités du quartier
Pour lancer un « car à pattes », il suffit de mobiliser un petit groupe de volontaires (parents ou retraités), d’identifier les déplacements puis de cartographier « une ligne de ramassage ».
- Plus de renseignements : surlaroutedelecole.fr
Relocaliser l’économie : l’eusko, une monnaie locale pour financer des projets écologiques et solidaires
La monnaie officielle du festival a été l’eusko. Buvettes, lieux de restaurations, stands : les visiteurs étaient invités à utiliser la devise locale pour leurs différents achats. Un grand bureau de change et d’adhésion était disponible place Paul Bert, au cœur du Petit Bayonne, pour permettre au public de « consommer solidaire ».
Mises en circulation depuis le 31 janvier 201, les cinq coupures d’eusko disponibles (1, 2, 5, 10 et 20 euskos) rejoignent ainsi le cercle des monnaies locales telles que l’Abeille de Villeneuve-sur-Lot ou la Sol Violette de Toulouse.Lancée par l’association basque Euskal Moneta, cette monnaie vise la relocalisation des activités. Le fonctionnement est simple : pour utiliser la devise, il faut adhérer à l’association moyennant une cotisation allant de 5 à 20 euros pour les particuliers et de 60 à 240 euros pour les prestataires. Seuls les prestataires pourront reconvertir leurs euskos en euros pour sortir du circuit basque, mais avec des frais de commission de 5% du montant changé.
« Cette commission a pour objectif d’inciter les prestataires à développer les débouchés locaux à leurs revenus en euskos, au lieu de les reconvertir en euros. Ce mécanisme renforce l’effet relocalisateur de l’eusko », explique l’association.
Enrayer l’industrialisation de l’agriculture : soutenir les paysans
Pour dénoncer « cette industrialisation croissante, destructrice et néfaste de l’agriculture qui vide nos campagnes des paysans et nous impose des produits standardisés, sans saveur et à la traçabilité douteuse », l’association Envie de paysans ! souhaite réveiller les élus et re-valoriser auprès du public les bienfaits d’une agriculture saine.
Donner des moyens aux fermes à taille humaine permet de garder nos campagnes vivantes, de travailler directement avec les nombreux paysans du secteur et de consommer des produits frais.
« Car elle tue les paysans, précarise l’emploi, détériore l’environnement et la biodiversité, produit une nourriture standardisée, sans saveur et nocive pour la santé, dévitalise les territoires, défigure les paysages et ce dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement », l’association s’oppose fermement à l’industrialisation croissante de l’agro-alimentaire, qui profite aux multinationales et dérégule nos prairies.
Aujourd’hui, la ferme-usine des 1000 vaches est devenu le symbole de cette industrialisation de l’agriculture et de cette appropriation personnelle du bien commun (consulter cette infographie pédagogique très bien réalisée).
Surveiller son impact écologique : boire l’eau (filtrée) du robinet
Souvenez-vous, c’était en 2006 : la marque Cristaline avait fait polémique en lançant son slogan controversé : « Qui prétend que l’eau du robinet a toujours bon goût ne doit pas en boire souvent ! ».
En insinuant auprès du grand public que l’eau du robinet est mauvaise, le groupe Neptune (à qui appartient Cristaline) a cherché à remettre en cause la qualité de celle-ci. Ainsi, eau du robinet et eau en bouteille ne serait pas la même chose. Il a alors été massivement reproché à Cristaline de vouloir faire peur aux consommateurs. La même année, la campagne du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) était la suivante :
« Quelle marque distribue 1 milliard de litres chaque jour et pas une seule bouteille. L’eau du robinet gagne à être connue ! »
Alors que l’eau est aujourd’hui un aliment parmi les plus surveillés par les autorités sanitaires, il suffit parfois d’installer un filtre purificateur dès la sortie d’eau pour boire directement au robinet. Fixé à la bague du robinet, le fitre contient une cartouche à charbon permettant de traiter environ 1 200 litres. Il élimine le chlore, supprime les mauvaises odeur, les pesticides, les nitrates, les métaux lourds et le plomb. Et surtout : il vous évite de porter des packs d’eau jusque chez vous… et de consommer du plastique inutile.- Plus de renseignements sur Terraeco.net : Filtrer son eau parmi la flotte d’outils (un filtre qui dure 3 mois coûte aux environs de 35€ pour le produit moyen).
Partager dans la joie et la bonne humeur : échanger des produits ou des services
Les Systèmes d’Échange Locaux, appelés SEL, sont tenus par des groupes de personnes qui pratiquent l’échange multilatéral de biens, de services, et de savoirs. Vous voulez apprendre l’espagnol et vous savez donner des cours d’informatique ? Les SEL sont le moyen de partager vos connaissances et d’en recevoir d’autres, le tout sans transaction d’argent.
La valeur des échanges est fixée par rapport au temps consacré. Ainsi, « 1 minute = 1 fleur ou 1 grain de sel ou… 1 hippopotame. Mais là encore, l’imagination s’exerce avec brio ! », nous informe le site internet.
« Certains utilisent des feuilles « d’échange » (ou « de richesse ») sur lesquelles les participants notent avec qui ils ont échangé et combien d’unités doivent être créditées ou débitées […] Quel que soit le système choisi, l’écrasante majorité s’accorde à penser que le nombre d’unités n’est que la mémoire de l’échange, pas sa valeur et que le lien est bien plus important que le bien. »
- Pour trouver un SEL près de chez vous : www.selidaire.org
Un manifeste rédigé par les organisateurs d’Alternatiba a été lu en basque par Juan Lopez de Uralde, incarcéré au Sommet de Copenhague en 2009 pour l’action réalisée au diner de Gala des chefs d’État, ainsi que par l’épouse de feu Stéphane Hessel, Christiane Hessel Chabry. Déjà traduit en 11 langues européennes, ce texte est un appel à prendre exemple sur Alternatiba et multiplier les villages des alternatives.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Ah d'accord j'avoue que j'ai un peu bugué dans ma petite tête ^^ Merci