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Pourquoi les techniques de l’alt right américaine devraient vous inquiéter

L’alt right, cette frange extrême de la droite américaine, est en pleine campagne Web pour faire tomber des célébrités progressistes. Et ce n’est pas à prendre à la légère.

En début de semaine, je vous parlais de « l’affaire James Gunn ».

Ce réalisateur, notamment en charge de la franchise Les Gardiens de la Galaxie, a été licencié très rapidement par Disney après qu’une série de blagues douteuses sur la pédophilie, postées sur Twitter il y a 10 ans, a refait surface.

Comme je l’expliquais dans mon article, ce n’est pas un mouvement populaire spontané qui a fait ressortir ces tweets (au sujet desquels, je le précise, James Gunn s’était déjà excusé).

C’est une tactique bien connue de l’alt right, frange extrême et nébuleuse de la droite américaine, qui l’avait déjà utilisée à de nombreuses reprises, notamment pour prétendre qu’Hillary Clinton était à la tête d’un réseau pédophile.

Un certain Mike Cernovich était à l’origine de ces rumeurs sur la candidate démocrate, et c’est encore lui qui a ressorti les vieilles blagues choquantes de James Gunn.

Mon article ne visait pas à dénoncer le licenciement de ce dernier : Disney, en tant qu’entreprise, a le droit de faire ça et de s’éviter des polémiques sulfureuses.

Ce qui me fait peur, c’est que l’alt right, très clairement identifiée dans cette affaire, fasse tomber en quelques jours un puissant réalisateur… qui n’hésite pas à critiquer Donald Trump ni ses supporters les plus radicaux.

Ce n’est pas un hasard si Gunn a été visé. Ce n’est pas un hasard si la suspicion de pédophilie a été utilisée. C’est une arme courante de l’alt right portée contre un de leurs opposants politiques.

Et après cette première victoire, les attaques continuent.

L’alt right vise de nouvelles célébrités après James Gunn

Diverses stars sont visées par des attaques similaires à celles essuyées par James Gunn.

L’origine est la même : l’alt right. Les rumeurs sont les mêmes : pédophilie. Les opinions politiques des cibles sont les mêmes : elles sont progressistes.

Dan Harmon ciblé par l’alt right

Dan Harmon est le créateur de Community et de la série animée Rick and Morty. Son humour est souvent, et a toujours été, provocateur, noir, sale.

Est-ce que c’est mon genre d’humour préféré ? Non. Est-ce que j’estime que les gens ont le droit de le pratiquer ? Oui.

Comme l’indique Polygon, c’est sur 4chan, un espace de discussion où évoluent pas mal de partisans de l’alt right, qu’un vieux sketch offensant de Dan Harmon a fait surface.

Suite à quoi l’artiste a rapidement supprimé son compte Twitter.

Sarah Silverman ciblée par l’alt right

Sarah Silverman (une comédienne de stand-up très connue), elle, est attaquée pour une blague de mauvais goût postée sur Twitter en 2009 — la méthodologie James Gunn, en somme.

Il y a un an déjà, à un internaute lui disant que ce n’était pas drôle, elle répondait :

« Pas de souci bébé. L’humour, c’est subjectif. Quand j’ai posté ce tweet il y a 8 ans, je le trouvais marrant et débile. »

Ce tweet « marrant et débile » lui vaut d’être qualifiée de pédophile par des internautes mettant souvent en avant le fait qu’elle est juive. Car oui, sans surprise, l’alt right est antisémite.

Patton Oswalt ciblé par l’alt right

Pour Patton Oswalt (acteur et comédien de stand-up), c’est encore plus dingue.

En 2013, il s’était livré à une belle expérience sur Twitter. Jouant avec la limite de caractères (140 à l’époque), il découpait une opinion banale en deux tweets… et le second semblait forcément hyper offensant.

« Dire que le mariage pour tous est anticonstitutionnel, c’est aussi haineux et ignorant que de dire »

« tous les avortement devraient être illégaux, sans exception. Allez-y, vous n’avez qu’à m’UNFOLLOW, bande de rageux de droite. »

Vous l’aurez deviné, l’alt right a décidé de refaire circuler les tweets « partie 2 ». Sans contexte. Notamment ceux qui peuvent être compris comme des défenses de la pédophilie.

Je suis fatiguée.

L’alt right, une poigne de fer dans un gant d’indignation

Soyons honnêtes : il n’y a pas une parcelle de mon cerveau qui pense que les types de l’alt right derrière ces campagnes Twitter sont sincèrement motivés par la protection des enfants.

Bien sûr qu’ils ne soutiennent pas la pédophilie, car PERSONNE ne soutient la pédophilie, mais il n’y a aucune logique vertueuse derrière leurs exactions

.

L’alt right prend les progressistes à leur propre jeu

Depuis des années, même avant le mouvement #MeToo, parmi les personnes progressistes, il est devenu important de ne pas soutenir quelqu’un qui a tenu des propos ou commis des actes considérés « problématiques ».

En clair, voter pour un député pro-IVG mais qui a fait des sorties racistes, ce n’est pas bien vu : une vertu ne devrait pas effacer une faute.

Cette démarche partant d’un bon sentiment dérape parfois dans une course à la « pureté militante », qui fait taire les gens n’ayant pas été irréprochables toute leur vie. J’en parlais dans mon article sur la « parole de concernée ».

Moi, j’ai tendance à me dire que je préfère valoriser les pas en avant, et que si je devais attendre un « militantisme parfait » pour m’enthousiasmer… Bah je déprimerais longtemps.

Mais là où l’alt right est maline, c’est qu’elle a pris les progressistes à leur propre jeu.

En ciblant certaines personnalités influentes voulant faire avancer les choses dans le bon sens et critiquant la politique de Trump, les réac les déstabilisent tout en restant bien à l’abri.

Et pour faire bonne figure, les progressistes n’ont pas d’autre choix que de plier — sinon, ils risquent d’être considérés comme « problématiques »…

L’alt right ne frappe pas au hasard

Est-ce que parmi les personnalités influentes républicaines, voire soutenant Trump, il n’y en a pas qui ont de GROS squelettes dans leur placard ?

Bien sûr que si.

Est-ce que les progressistes sont les seuls à avoir fait des blagues vaseuses sur Twitter ?

Bien sûr que non.

Les frappes de l’alt right sont chirurgicales et extrêmement ciblées ; on est ici devant une guerre idéologique, une opposition politique par exhumations interposées.

L’alt right n’a plus besoin de se cacher pour agir

Ce qui m’a le plus choquée dans l’affaire James Gunn, c’est qu’il était limpide que la dénonciation venait de l’alt right. Mike Cernovich, à l’origine du mouvement, n’a jamais caché son orientation politique.

Et pourtant… ça a marché. Vite et bien. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, l’alt right était plutôt du genre à se cacher derrière de faux comptes « militants de gauche » pour foutre le boxon dans diverses communautés.

Comprenons-nous bien : si on parlait d’actes, ou de propos illégaux, je comprendrais que l’origine de la dénonciation ne soit pas forcément primordiale.

Mais là, on a des connards de trolls d’extrême-droite connus pour mentir comme des arracheurs de dents et manipuler l’opinion, qui avancent à visage découvert, et… on les écoute. Ils gagnent.

J’ai été vraiment surprise que la plupart des commentaires, sur le forum madmoiZelle, disent en substance « alt right ou pas, on s’en fout, James Gunn mérite ce qui lui est arrivé, ses tweets sont dégueulasses ».

Oui, ils le sont, mais ce sont de simples mots… et le fait qu’une frange de l’extrême-droite arrive à faire licencier un mec en quelques jours, perso, ça me dégoûte beaucoup plus qu’une vanne foireuse !

Les techniques de l’alt right, bientôt en France ?

Dans les commentaires de mon article sur James Gunn, Mennel Ibtissem a rapidement été évoquée. Et effectivement, je l’avais oubliée, mais ces deux histoires sont similaires.

Mennel Ibtissem, ciblée par l’extrême-droite

Mennel, c’est cette jeune femme qui avait conquis le jury de The Voice, les cheveux couverts d’un voile.

Mais les fachos n’aiment pas qu’une femme voilée perce à la télé.

Ils avaient donc ressorti de vieux tweets douteux postés par Mennel Ibtissem lors des attentats de Nice et de Saint-Etienne-du Rouvray.

La chanteuse s’est publiquement excusée, mais le mal était fait. Elle a quitté The Voice, et ses prestations, déjà enregistrées pour la saison 7, ont été coupées au montage.

Comme les tweets de James Gunn, ceux de Mennel Ibtissem étaient clairement critiquables. Mais comme James Gunn, ce n’est pas un hasard si ce sont les siens qui sont ressortis.

Vous pensez que l’extrême-droite va remonter les publications de tou·tes les candidat·es de The Voice ? Moi, non. Mennel Ibtissem a été ciblée parce qu’elle est musulmane et voilée.

Face à l’alt right, accordons le droit au pardon

Les réac n’arrêteront pas d’utiliser ces méthodes. Et je les comprends : ça marche.

Certains foncent supprimer leurs vieux tweets, leurs vieilles vannes, pour que personne ne puisse les retrouver, mais je n’aime pas cette façon de réécrire l’histoire, de lisser le passé.

Non, pour couper l’herbe sous le pied des fachos, moi je propose de faire en sorte que leurs techniques ne marchent plus.

Qu’on soit vigilant·es sur les propos et les actes de nos allié·es, oui, bien sûr. Qu’on crucifie quelqu’un pour des blagues d’il y a des années, pour des paroles au sujet desquelles la personne s’est déjà excusée… non.

Le progressisme, c’est avancer vers l’avenir ; c’est chaque jour essayer d’être une personne un peu meilleure, bâtissant un monde un peu meilleur aussi.

Nos erreurs passées ne devraient pas être des boulets nous clouant au sol, mais des briques construisant le futur qu’on désire. Car elles font aussi partie de nous, de notre histoire, de notre chemin.

Et si on l’accepte, si on l’intègre, alors les mécaniques de l’alt right ne fonctionneront plus. Parce que de leur côté, je doute qu’ils jartent un membre éminent de leur communauté juste pour des vannes douteuses.

Arrêtons de marcher dans un piège aussi évident, aux mâchoires aussi puissantes. Et accordons-nous le droit au pardon.

À lire aussi : Comment agir, à notre échelle, pour un monde meilleur ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

12
Avatar de skippy01
10 août 2018 à 20h08
skippy01
@Liza Radley Tu es en train de troller, là ? L'extrême droite est tout sauf transgressive, et son habillage pseudo-humoristique est un cheval de troie pour rendre acceptable les idéologies oppressives. De plus, si il y a bien un camp qui défend le politiquement correct, c'est bien lui.

D'ailleurs, ça ne t'inquiète pas plus que ça qu'on tente de discréditer tous les artistes progressistes ? C'est pas tellement différent de ce que faisaient les nazis à la veille de la seconde guerre.
3
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