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Société

Allongement du délai d’IVG, suppression de la clause de conscience, extension des compétences des sages-femmes : enfin une loi à 360° sur l’accès à l’avortement

Portée par la députée Albane Gaillot, la proposition de loi sur l’allongement du délai d’accès à l’IVG est revenue aujourd’hui au Sénat. La co-rapporteure nous en dit plus sur le contenu, mais aussi sur la portée de cette avancée en matière de protection des droits des femmes.

Sans grande surprise, le Sénat a rejeté le texte de loi sur l’IVG, via une motion adoptée à 202 voix pour et 138 contre. Sans grande surprise car la députée Albane Gaillot savait d’ors et déjà que sa proposition de loi examinée ce mercredi 19 janvier en deuxième lecture allait rencontrer l’opposition des sénateurs et des sénatrices.

Qu’importe, puisque la commission mixte paritaire est prévue pour ce jeudi afin de trouver un compromis. Un coup d’accélérateur bienvenu, avant le dernier mot de l’Assemblée nationale le 9 février.

C’est la question de l’allongement du délai d’accès à l’IVG qui est la plus visible dans ce texte, afin de le faire passer de 12 à 14 semaines. Mais la proposition de loi couvre aussi d’autres enjeux, comme nous l’explique elle-même la députée du Val-de-Marne Albane Gaillot, rattachée au groupe EELV.

C’est elle qui a co-rapporté le texte, qui contient aussi une mesure particulièrement symbolique : la suppression de la clause de conscience spécifique.

« La clause de conscience spécifique a été attachée à cette loi en 1975 et qui était une sorte de compromis pour faire passer sa loi », rappelle-t-elle. Un gage pour mieux faire passer la pilule, mais qui aujourd’hui n’a palus vraiment de sens.

La clause de conscience spécifique permet à un médecin de refuser de pratiquer un avortement. S’il en a le droit, le professionnel de santé a cependant l’obligation d’orienter sa patiente vers un confrère ou une consœur qui pourra pratiquer l’IVG.

Selon Laurie Marguet, juriste et maîtresse de conférence à l’Université de Créteil Paris-Est, elle a été « créée comme un régime transitoire pour que les médecins qui étaient devenus médecins avant que l’IVG ne fasse partie des actes médicaux qu’ils devraient pratiquer puissent avoir un “échappatoire“ ». Supprimer la clause revêt donc un caractère symbolique.

Pourtant, certains semblent déterminer à vouloir la conserver dans la loi : en seconde lecture à l’Assemblée nationale début décembre, un amendement du groupe Les Républicains a été adopté pour maintenir la clause de conscience.

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Valoriser les compétences des sages-femmes, supprimer le délai de réflexion

« Un autre dispositif permet d’améliorer l’offre, il s’agit de permettre aux sages-femmes de pratiquer ce qu’on appelle des IVG instrumentales, jusqu’à 12 semaines », explique Albane Gaillot. Une demande faite par les sages femmes elles-mêmes :

« Il ne s’agit pas de forcer toutes les sages-femmes, c’est leur permettre si elles le souhaitent d’être formées pour pratiquer l’IVG instrumentale. Celles que j’ai rencontré de nombreuses fois pratiquent déjà des gestes endo-utérins, elles qui mettent les stérilets, s’occupent des fausses couches, des actes délégués à des sages femmes. »

Une évolution logique, puisque la profession revendique de s’occuper de la santé des femmes de A à Z.

Autre mesure « qui a l’air anecdotique », mais seulement en apparence, c’est la suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable.

« Je pense que ça ne sert à rien de maintenir ce délai de 48h », affirme Albane Gaillot, « comme de nombreuses femmes et de nombreux professionnels de santé et d’associations le disent aussi : une femme, dès lors qu’elle a pris sa décision, n’a pas besoin qu’on l’oblige à attendre. Elle peut attendre, elle pourra toujours le faire si elle veut attendre 48h, 72h, une semaine, elle en aura le droit. Mais si une femme a décidé d’avorter, elle n’a pas besoin d’attendre. Chaque jour compte, les délais sont courts. »

Enfin, Albane Gaillot porte aussi la création d’un répertoire des professionnels pratiquant l’IVG, « un outil au service des professionnels de santé, des associations qui accompagnent les femmes », là encore pour gagner du temps : « En région parisienne, on trouve facilement un professionnel de santé, mais ce n’est pas le cas dans certaines parties de la France, quand vous avez autour de vous des services entiers qui ne pratiquent pas l’IVG.. »

Une proposition « à 360° », donc, qui répond « aux différentes problématiques rencontrées sur le terrain ». La question de l’allongement du délai de 12 à 14 semaines est aussi une réponse à une inégalité sociale profonde en matière d’accès : « Ça va faire en sorte qu’on évite que des femmes partent à l’étranger pour avoir recours à une IVG, car seules les femmes qui en ont les moyens partiront », insiste Albane Gaillot.

Une réponse à la crise sanitaire, mais aussi à un problème structurel

Cette proposition, c’est un arsenal législatif qui émane des constats du premier confinement.

Alertée par les associations au printemps 2020 sur le risque de dépassement de délai pour les femmes souhaitant avoir recours à l’IVG, Albane Gaillot tente alors, avec la sénatrice Laurence Rossignol, d’agir :

« Le ministre nous a répondu à l’époque “on ne traite pas ce sujet de l’avortement par voie d’amendement” donc je l’ai pris au mot. On a rédigé cette proposition de loi et on l’a publié en août 2020 pour que le sujet arrive dans l’hémicycle. Le problème n’était pas que lié à la crise sanitaire, c’était bien un problème structurel, il y avait plusieurs leviers à activer et à corriger pour améliorer l’effectivité du droit à l’avortement. »

Le droit à l’IVG, un combat loin d’être terminé

Si la proposition a fini par recevoir le soutien du ministre de la Santé Olivier Véran, il n’en est rien du côté du Président de la République, qui a fait connaître sa désapprobation et sa préoccupation face au traumatisme supposé d’une IVG.

« Dès lors qu’on n’est pas pour améliorer la santé des femmes et la vie des femmes, on n’est pas féministe. Ses propos ont été infantilisants et culpabilisants, pour les femmes » estime Albane Gaillot. « Un avortement est traumatisant s’il est mal pris en charge, ce qui est traumatisant, c’est de mener une grossesse à son terme alors qu’on n’en a pas le désir. Je pense qu’il vaut mieux avoir des paroles qui vont dans le sens des droits des femmes, réfléchir à une manière pragmatique, comme il le défend si bien, et regarder la réalité du terrain. »

En campagne, le candidat Jean-Luc Mélenchon promet d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. Une bonne idée selon la députée ?

« Je soutiens évidemment ce type de mesure, en revanche, j’ai été législateur pendant cinq ans, et je sais que au delà des mots inscrits dans des constitutions ou dans des codes, il faut que le droit s’applique. Aujourd’hui j’ai plein d’exemples de droits qui sont inscrits et qui ne sont pas effectifs. Alors qu’est-ce que l’on écrit dans cette constitution, qu’est-ce que l’on garantit aux femmes ? Moi je me dis attention aux mots, il faut des actes, les femmes ont besoin d’actes. »

Des actes, et surtout une vigilance de tous les instants sur la question de l’IVG : « Rien n’est acquis, toute sa vie durant, il faut lutter », insiste la députée, qui espère bien voir sa loi votée avant la fin du quinquennat.

À lire aussi : « Les femmes qui avortent ne prennent pas de contraception » et autres idées fausses sur l’IVG débunkées

Crédit photo : Assemblée nationale (capture YouTube)


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