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Aline Laurent-Mayard : « Il faut déconstruire la culpabilité des gens qui n’arrivent pas ou ne veulent pas être en couple »

Dans ce nouvel essai, la journaliste Aline Laurent-Mayard déconstruit les origines de l’amour romantique et propose de nouvelles pistes pour s’aimer et faire foyer autrement. Rencontre.

Interview d’Aline Laurent-Mayard, autrice de « Post-romantique » (JC Lattès)

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Madmoizelle. Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Aline Laurent-Mayard. Après mon podcast Free From Desire, j’avais envie d’explorer plus longuement la notion d’amitié par rapport à celle du couple. L’idée est de décortiquer l’injonction au couple, ses origines, ses conséquences, et de proposer des alternatives. J’aborde ma réflexion en allant chercher des idées dans plusieurs domaines différents, la littérature, l’histoire, les études sur la sexualité, la sociologie. En donnant une place importante aux témoignages, dont le mien, je voulais aussi que le contenu reste accessible et pas uniquement théorique.

Comment est-ce que l’amour romantique nous conditionne depuis petit ? 

Cela passe par tellement de comportements qui paraissent anodins. Par exemple, des parents qui vont dire entre amis, « ton fils et ma fille feraient un super couple » ou quand on demande à un enfant s’il a une amoureuse. Avec ces réflexions, l’enfant se met à réfléchir à son futur en couple, c’est inévitable. C’est aussi très présent dans la fiction, les contes, les dessins-animé, on voit ultra majoritairement le même modèle familial avec un papa et une maman.

Dès le collège, la mise en couple devient importante, c’est le signe de la maturité, pour montrer qu’on est attractif, désirable.

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Pourquoi maintient-on cette fiction dans la société ?

Ce que j’ai découvert en écrivant ce livre, c’est que le sentiment amoureux et le couple romantique n’ont pas toujours eu la place qu’ils ont dans la société. C’est au XIXe siècle, avec la naissance des individualités et le mouvement romantique, que le sentiment amoureux devient supérieur et très valorisé, décrit comme libérateur. Le couple romantique s’est imposé, là où le couple d’arrangement avait dominé l’histoire de l’humanité. Avec l’indépendance progressive des femmes et la sécularisation de la société, la romance agit comme une nouvelle religion avec son culte, ses fêtes, ses objets ou ses dogmes. 

Ces dernières années, plusieurs ouvrages sont sortis à propos de la révolution romantique, comment ton livre s’inscrit-il dans cette réflexion sociale globale ?

J’ai un positionnement qui est différent de beaucoup d’autrices et auteurs, car je suis aromantique, je sais ce que c’est la vie en couple, la pression à trouver un partenaire, mais je ne ressens pas de sentiment amoureux. Cela m’a poussé à beaucoup de réflexions très récentes, j’ai dû attendre mes 35 ans avant de réaliser que je n’avais jamais eu de crush. 

Il faut déconstruire la culpabilité des gens qui n’arrivent pas ou ne veulent pas être en couple. Malheureusement, on est vite rattrapé·e par le quotidien, car la société n’est pas pensée pour les personnes célibataires. Il faut que l’on s’empare collectivement du sujet pour penser des dispositifs alternatifs dans la fiscalité ou l’immobilier, parce que tout est actuellement basé sur le couple. Pour que le couple soit un endroit épanouissant, il faut aussi qu’il soit pleinement choisi, cette notion est cruciale spécialement sur le terrain des violences conjugales.

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Tu mêles récits personnels, particulièrement sur ta parentalité, et décryptages théoriques. En quoi que parler à la première personne est important ? 

Raconter à la première personne est un outil fort pour rendre le livre accessible, engageant, humain. D’autre part, je pourrais écrire des témoignages d’autres personnes, mais parler de mes expériences me permet de mettre en avant mon identité de personne aromantique, asexuelle et non-binaire et de parent solo, cela donne de la visibilité aux personnes comme moi. Je reçois constamment des messages de personnes qui me disent à quel point mettre en avant mon histoire permet à d’autres d’avoir des déclics sur leurs identités et parcours de vie.

Tu parles beaucoup de l’idée de faire famille autrement. En quoi déconstruire l’amour romantique permet de repenser la parentalité ? 

C’est totalement lié. On a construit avec le couple romantique cette idée du couple qui s’auto-suffit, qui a des enfants sans personne autour. Ouvrir le couple dans tous les sens du terme, cela permet de redonner une place dans nos vies aux membres de nos familles de sang ou choisies. Se demander comment être parent quand on est hors de ce schéma pousse sans arrêt les réflexions sur comment on construit sa vie, avec qui on élève son enfant. Toutes les options alternatives que je présente dans le livre sont très rafraichissantes et montrent à quel point les enfants comme les parents ont tout à gagner à repenser les schémas familiaux. 

Qu’est-ce que tu souhaites à l’amour en 2024 ? 

On a des solutions concrètes qui existent autre que de dire « il faut changer les mentalités », il y a tellement à faire. J’aimerais qu’on commence à avoir une vraie discussion sur ce qu’est l’amour, car cela ne concerne pas que la romance. Il faut parler de tous les types de relations, de modes de vie, accompagnés par une meilleure représentation dans les médias. 


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