Article initialement publié le 22 avril 2022.
Alexander Wang, fini ? C’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir… Ah non, en fait, ça reprend. Cela peut ressembler à une mauvaise pièce de théâtre de l’absurde, pourtant l’industrie de la mode est bel et bien en train de rouvrir ses bras à ce créateur accusé par plusieurs mannequins de violences sexuelles.
Rappel des faits au lendemain de son nouveau défilé de mode à Los Angeles en grandes pompes et sa campagne d’activation par du marketing d’influence incluant Rihanna enceinte.
Plusieurs mannequins ont accusé Alexander Wang de violences sexuelles
On le surnommait le petit prince de la mode new-yorkaise mais aussi de sa nuit. Alexander Wang, aujourd’hui âgé de 38 ans, a lancé sa marque éponyme en 2005 (quand il avait donc 22 ans), organisant les after-parties les plus folles après ses défilés, et a même été directeur artistique de la maison française Balenciaga de 2012 à 2015, signe d’adoubement international.
Seulement, dans le sillage de #MeToo, plusieurs mannequins et club kids dont de nombreuses personnes trans, accusent Alexander Wang pour des faits remontants au moins à 2017 de violences sexuelles.
D’abord par des vidéos TikTok, des stories Instagram (notamment grâce au compte @shitmodelmgmt qui repartagent plusieurs témoignages anonymes), et des tweets, les allégations se multiplient et se regroupent pour former un dossier d’au moins 10 hommes plaignants, défendus par la célèbre avocate étatsunienne Lisa Bloom depuis 2020… mais sans dépôt de plainte.
Dans un communiqué adressé au New York Times et publié le soir du Nouvel An 2020-2021, Alexander Wang a nié ces allégations, les qualifiant de mensonges « sans fondement et faux de façon grotesque » :
« Je n’ai jamais eu le comportement atroce décrit et je ne me conduirais jamais de la manière qui a été alléguée. »
Ni lui, ni l’avocate des plaignants n’a depuis intenté d’actions en justice, mais le créateur a tout de même engagé deux avocats pour le défendre, et cessé de publier sur ses réseaux sociaux pendant six semaines, jusqu’au Nouvel An lunaire le 12 février 2021, où la marque a sobrement souhaité ses meilleurs voeux. Le 9 mars, Alexander Wang publie sur Instagram une déclaration beaucoup plus sensible, signe d’un changement de stratégie face à l’affaire grossissante :
« Je soutiens leur droit à prendre la parole. Un certain nombre de personnes a récemment pris la parole pour porter des allégations à mon encontre en raison de mon comportement passé. […] J’ai écouté attentivement ce qu’elles avaient à dire. Il n’a pas été facile pour elles de partager leurs histoires. Je regrette que la manière dont j’ai agi leur ait causé de la peine. »
Alexander Wang a longtemps capitalisé sur les excès de la fête, voire la culture du viol
Sauf que cette lettre d’excuses qui n’en sont pas sonne creux quand on sait sur quelle réputation sulfureuse ont capitalisé Alexander Wang et sa marque. Plusieurs éléments passés ont ainsi ré-émergé. Comme une vidéo où la chanteuse Florence Welch raconte être bourrée à une soirée avec le créateur qui aurait alors feint de lui proposer de l’eau alors qu’il s’agissait de vodka, et le journaliste mode Derek Blasberg qui lui répond « Oui, c’est son coup classique en soirée ».
Ou cette photo de jambes pleines d’ecchymoses que le créateur a lui-même partagée sur son compte Instagram en 2014 qu’il a légendé : « Maintenant, ÇA c’est ce que j’appelle une nuit amusante ».
Ou encore la campagne Alexander Wang printemps-été 2017 avec R. Kelly, prédateur sexuel notoire, y compris à l’encontre de personnes mineures.
Alors Alexander Wang a tâché de faire profil bas durant l’année 2021, où l’avocate des plaignants, Lisa Bloom, a expliqué que les victimes avaient reconnu les excuses d’Alexander Wang et voulaient désormais aller de l’avant… Déclaration qui ressemble fortement à ce qu’on dit aux États-Unis lorsqu’un accord à l’amiable a pu se négocier par un gros chèque qui achète également le silence à l’aide d’un accord de non-divulgation. Mais je spécule.
La cancel culture n’a jamais été à la mode
Depuis 2022, Alexander Wang clôture donc lentement mais sûrement sa traversée du désert. La marque a notamment habillé plusieurs célébrités en vue, comme Rihanna enceinte ou l’actrice Julia Fox pile quand sa liaison avec Kanye West la rendait hypermédiatisée.
Outre ces placements stratégiques qui tiennent d’une campagne d’activation de marketing d’influence, le créateur vient de tenir un défilé à Los Angeles, dans le quartier de Chinatown, le 19 avril 2022. Plein de célébrités étaient conviées pour assister à cette présentation d’une quinzaine de minutes.
Le styliste est venu saluer à la fin, sous les applaudissements, comme le veut la tradition des podiums, mais a refusé toute demande d’interviews, et n’a pas organisé d’after-party. Même Kim Kardashian y est allée d’une petite story Instagram pour parler du défilé : sans doute du contenu chèrement sponsorisé, puisque la star de téléréalité n’était même pas présente à l’événement.
Comme pour se racheter une vertu, un t-shirt en édition limité se vendait au profit d’une association dédiée à la préservation du quartier, Chinatown Corporation. Et la mannequin Adriana Lima a défilé, enceinte jusqu’aux yeux dans une tenue qui dévoilait bien son ventre. Car quoi de mieux qu’un bébé à venir pour représenter l’innocence et y prétendre ?
De là à dire qu’un #MeToo de la mode ne peut avoir lieu, comme l’ont dernièrement prouvé les affaires Mario Testino, Bruce Weber, Terry Richardson, ou encore Gérald Marie, il n’y a que quelques publications sur les réseaux sociaux perdues dans des flux sans mémoire.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran YouTube de la chaîne officielle d’Alexander Wang.
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