Alcoolique, moi ? Non. Enfin… ? Mais non. Déjà, je ne suis pas « accro », je n’ai pas besoin de boire pour commencer la journée… Mais j’arrive quand même mieux à la finir avec un verre à la main.
Mais rien de grave, n’est-ce pas ? Car comme disait la vieille du Café des Deux Moulins dans Amélie Poulain :
« Un bon verre de vin, c’est toujours ça de moins dans la poche du médecin ».
L’alcoolisme, c’est une maladie, c’est une addiction. C’est un truc de quadra et plus, de gens qui ont des problèmes et qui cherchent à les noyer dans l’alcool. Non ? Rien à voir avec ma consommation, certes très régulière, mais essentiellement mondaine. Non ? Je ne bois pas seule. Enfin, sauf une petite bière ou un verre de vin devant ma série préférée. Mais je suis pas vraiment seule, je live-tweete les épisodes, ça compte. Non ?
L’alcool et moi… comment ça va ?
J’ai commencé à me poser ces questions, tiraillée par le doute. Si je voulais arrêter de boire, est-ce que j’en serais capable ? J’ai vu tellement de fumeurs jurer qu’ils pouvaient arrêter quand ils veulent, et tant d’autres incapables de reposer le briquet. Dans quel camp je me situe, avec l’alcool ?
Comme ces fumeurs mondains, rien de plus facile que d’arrêter de boire, à condition d’arrêter de sortir ! Ne pas acheter d’alcool pour la maison, c’est facile. Mais commander « un Perrier rondelle » quand le reste de la table lève la main à « combien de pintes ? », c’est une autre paire de manches. Pourtant, c’est facile, non ? C’est facile de dire non… ?
J’ai mis vraiment longtemps à réaliser que je n’arrivais pas à me passer d’un verre, surtout en société ou en soirée. Je m’étais convaincue qu’il me manquait seulement la volonté d’arrêter pour y arriver. Si je m’y mettais vraiment, ce serait facile.
Alors j’ai essayé. Une fois. Deux fois. Tellement de fois que j’ai perdu le compte, un peu comme je perdais (trop) souvent le compte de mes pintes le vendredi ou (puis « et » ) le samedi soir.
Il y a toujours une raison de boire
Mon problème avec l’alcool, c’est surtout sa dimension sociale. Il y a toujours une raison de boire, non ? J’avais essayé d’en faire une résolution du Premier de l’An. Avec le souvenir frais d’une gueule de bois, y a-t-il meilleure motivation ? Mais le mois de janvier n’est qu’une succession de cérémonies de voeux, et de « verres » qu’on se prend pour se souhaiter la Bonne Année.
Franchement, une coupe de champagne, ça ne se refuse pas (surtout quand on est invité•e !) Et puis trinquer avec de l’eau, ça ne se fait pas, sacrilège ! Comme je n’aime ni les boissons sucrées, ni les boissons gazeuses, (sauf la bière), mes choix sont limités.
Après janvier, vient février et la Chandeleur — a-t-on déjà mangé des crêpes sans boire de cidre ? et ses fêtes de Carnaval, où la bière coule à flots. En mars on fête le printemps, et les premiers rayons de soleil seront dignement arrosés en terrasse. En avril, Pâques et ses repas de famille sont bien plus qu’un prétexte. De mai à septembre, les occasions sont innombrables. Entre les vacances (qui s’arrosent forcément), les anniversaires, les post-partiels, les célébrations d’examens en tous genres et les pots de départs, et puis l’été, tout simplement, c’est vraiment pas le moment de tenter la sobriété.
Septembre est un mois de retrouvailles, où l’on se raconte les vacances autour d’un apéro en terrasse pour repousser l’automne aussi longtemps qu’on peut.
Octobre sent bon le houblon, et l’on se réchauffe volontiers le gosier au vin chaud quand novembre pointe son nez. Enfin, décembre c’est Noël et ses fêtes de fin d’année, on remettra nos bonnes résolutions au mois de janvier…
Toutes les retrouvailles, toutes les occasions sont prétextes à déboucher une bouteille, particulièrement en France et ses fiertés vinicoles, n’est-ce pas.
Pourquoi j’ai commencé
Le pire c’est qu’au début, l’alcool, j’aimais pas ça. J’ai commencé exactement pour la même raison que j’ai continué : pour la dimension sociale. Je sais pas pourquoi les gens sont aussi dérangés par le fait que tu ne boives pas ou que tu ne manges pas la même chose qu’eux, mais j’ai pu constater les mêmes réactions de méfiance à « je ne bois pas d’alcool » qu’à « je ne mange pas de viande ».
À lire aussi : Je n’aime pas l’alcool, et ça me regarde, bon sang !
J’ai débarqué à l’université en déclinant tout alcool plus fort que le cidre, et si ça ne m’a pas empêché de kiffer mon weekend d’inté, j’ai bien senti que ça avait été un sacré frein à mon intégration effective dans pas mal de cercles.
J’ai tenu quatre mois, et dès janvier, j’avais un nouveau surnom : « Poliakof », du nom de la marque de vodka que je diluais dans le jus d’orange. L’année suivante, j’étais membre de l’association étudiante, et régulière du « club d’oenologie » de mon école. C’était pas « grâce à l’alcool », mais force est de constater que ma vie sociale étudiante a été métamorphosée par mon brusque changement d’hygiène de vie.
L’alcool et mes souvenirs
L’alcool n’est pas que social, pour moi. Il est devenu une vraie madeleine de Proust, à bien des égards. J’ai très vite arrêté les alcools forts, n’aimant vraiment pas les boissons sucrées (même si un Mojito de temps à autres n’est jamais de refus), mais les infinies variétés de vins et de bières ne m’ont jamais lassée.
La Triple Karmeliet a le goût de Lille et de mes années étudiantes. La Guinness sent bon l’Irlande et le Tournoi des Six Nations, et la Heineken, aussi fade soit-elle, me rappelle les Crits de Sciences Po, et les soirées foot (au moins autant que les pizzas trop grasses). Le Chardonnay annonce le retour de l’été, et le Sauternes est un caprice que je ne m’autorise quand lorsque déboucher le Champagne serait exagéré, et qu’un Chablis n’est pas assez…
Et le Champagne, parlons-en. Appeler ça « de l’alcool » est une insulte au terroir, au moins autant qu’à tous les souvenirs scellés dans les bruits de bouchons qui sautent, le tintement des flûtes et la caresse espiègle que laissent ses bulles, entre la langue et le palais.
L’alcool et moi… à la folie, un peu trop ?
L’alcool est social, l’alcool est sentimental… D’accord. Comme presque toutes mes madeleines de Proust alimentaires, et pourtant, j’arrive à manger cinq fruits et légumes par jour et pas à me nourrir uniquement de spaghettis carbonara sous prétexte que ce plat me rappelle mon enfance.
Donc, pourquoi j’arrive pas à faire pareil avec le verre de Chardonnay ?
En soi, c’est pas grave d’avoir envie d’une bonne bière bien fraîche à la fin de la journée. Ça devient un problème quand on n’a envie de rien d’autre que de cette bonne bière fraîche, qu’on se sent frustré sans. C’est vrai qu’un verre de rouge avant le coucher, ça m’aide à m’endormir, y a pas de mal à ça. Ça devient un problème quand je me rends bien compte que je ne sais plus faire sans.
C’est pas un problème de renchérir « et une de plus ! » à « combien de pintes ? » en terrasse, mais ça devient un problème — et pas que sanitaire, d’ailleurs, de perdre le compte à la fin de la soirée, et de regarder l’addition floue à bout de bras : tout ça ? (Ils en ont rajouté, c’est sûr, les enflures).
J’ai décidé d’arrêter de boire, non pas « Fontaine, je ne boirai plus jamais de ton eau », mais assez longtemps pour me prouver que l’alcool, sous toutes ses formes, n’est qu’un vice que je tolère, un plaisir que je m’octroie occasionnellement, et pas une addiction qui s’ignore.
Chiche ? Demain, j’arrête. Mais pour de vrai, cette fois. Rien que pour voir si j’en suis vraiment capable, ou si je me bluffe à longueur de temps.
Lisez la suite : Pourquoi je n’arrive pas à arrêter de boire — Carnets de sobriété #2
Si vous sentez que vous perdez le contrôle de votre consommation, n’hésitez pas et prenez contact avec un centre d’alcoologie.
Pour aller plus loin :
- Ce témoignage d’une madmoiZelle : Je suis alcoolique
- Les Alcooliques Anonymes proposent notamment un soutien en ligne et des réunions.
- Le site alcool info service propose également une écoute.
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Les Commentaires
Giving up alcohol opened my eyes to the infuriating truth about why women drink
http://qz.com/762868/giving-up-alco...-the-infuriating-truth-about-why-women-drink/
"Is it really that hard, being a First World woman? Is it really so tough to have the career and the spouse and the pets and the herb garden and the core strengthening and the oh-I-just-woke-up-like-this makeup and the face injections and the Uber driver who might possibly be a rapist? Is it so hard to work ten hours for your rightful 77% of a salary, walk home past a drunk who invites you to suck his cock, and turn on the TV to hear the men who run this country talk about protecting you from abortion regret by forcing you to grow children inside your body?"