Mémoire, thèse, révisions, rapport à écrire, dossier à examiner et j’en passe et des tâches ingrates… Aujourd’hui, tu dois travailler. Problème : tu as la motivation d’une larve neurasthénique qui est tombée de sa feuille de salade.
Mais ce n’est pas de ta faute ! Il fait moche dehors, ça te déprime, ce n’est vraiment pas un temps à travailler. Ah, il fait beau chez toi ? Oui, ben pareil, il fait beau dehors, ce n’est pas un temps à rester enfermer pour travailler.
Non mais aussi, t’as pas le moral. Tout ce travail à faire, étalé de façon obscène devant toi, ça te met un coup. Et puis l’être humain n’est pas fait pour travailler. La preuve, ça le fatigue.
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Cette diatribe de mauvaise foi terminée, passons aux choses sérieuses. Si tu n’as pas envie de travailler, mais que tu as le malheur de ne pas être seul-e (ou alors pourvu-e d’une conscience envahissante), il suffit d’avoir l’air occupé-e. Et promis, ça ne fatigue pas.
Tout est dans l’attitude
On ne dit pas « avoir l’air » occupé pour rien. Tout passe dans un premier temps par ton attitude, et ta capacité à faire comprendre aux gens qui t’entourent que ce n’est pas le moment de te déranger.
Eh oui, logique ! Si tu sembles absorbé-e par une tâche quelconque, on ne vient pas te voir, et si on ne vient pas te voir, on ne te donne pas encore plus de travail à faire. Tu comprends que cette première étape est cruciale.
Mais comment s’y prendre, pour donner l’illusion que tu es en train de résoudre une équation du septième degré de tête, ou de réaliser la nouvelle Joconde à l’aquarelle… Quand en réalité toute ton attention est tournée vers ton repas d’hier ? Facile : il suffit de se mettre dans la peau d’un individu débordé et peu commode.
Ton esprit est rempli de tâches à effectuer, de chiffres, de lettres et de références obscures. Tu ne peux pas te permettre de t’intéresser au monde qui t’entoure, absorbé-e par tes livres ou ton écran d’ordinateur que tu regardes fixement : plus rien n’existe autour de toi.
On t’appelle ? Tu n’entends rien, tu es plongée dans ton travail et tes réflexions. Tu regardes dans le vide ? Oui, mais avec intensité, et l’expression mi-contrariée mi-blasée de qui a des préoccupations autrement plus importantes que « qui a mangé la dernière brioche » (c’était toi).
N’hésite pas à être un peu désagréable. Si tu es occupé-e, tu ne supportes pas d’être interrompue dans le fil de tes divagations pensées. Relève la tête avec juste ce qu’il faut de brusquerie. Garde les sourcils légèrement froncés lorsque tu réponds au perturbateur, mais adoucis-toi en semblant un peu ailleurs.
« Quoi ?! Oui, pardon, non mais je suis sur un truc, là, je t’ai pas entendu, désolé-e. Tu disais ? »
Retenu-e par les grands problèmes de ce monde, certes, mais à l’écoute du petit peuple. Tu es si noble.
S’occuper pour de vrai
Non, ne pars pas, il ne va pas être question de travailler ! Avoir l’air plongé-e dans ses réflexions, c’est bien… mais si ça dure, ça ne paraît pas très productif. Tu dois te trouver un minimum d’activité, juste ce qu’il faut de mouvement pour rendre l’illusion parfaite.
Ta marge de manoeuvre est cependant limitée par le contexte dans lequel tu évolues. Par exemple, si tu es censé-e réaliser un PowerPoint ou faire des recherches pour ton mémoire, les seuls éléments dont tu disposes sont ton ordinateur et tes livres.
C’est pourquoi je te propose une liste non exhaustive d’activités et de techniques pour être débordé-e de manière factice.
- Ranger à l’infini
Une excellente activité si tu es entouré-e de livres et/ou de pacotilles. Ces choses-là envahissent ton bureau, et on te fait toujours remarquer que c’est une entrave à ta concentration.
Aujourd’hui, tu vas faire plaisir aux amateurs du plan de travail épuré : tu vas prendre leurs remarques en considération. Parce que, oui, tu es sur quelque chose d’important, mais tout ce désordre, ça t’empêche de te concentrer. Vite, mets-toi à déplacer les choses sur ton bureau en conservant l’air absorbé dont nous venons de discuter !
J’ai bien dit « déplacer les choses », pas ranger. Ranger, c’est trop efficace, trop rapide. Ce qu’il te faut, c’est donner des proportions impressionnantes à la tâche que tu viens d’entreprendre.
Mine de rien, passer trois heures à déplacer des canards en plastique et des livres sur ton bureau sans donner l’impression de tirer au flanc, ça demande un certain savoir-faire
. À la fin de ta journée, tu auras le sentiment d’avoir accompli quelque chose, tout en n’ayant rien foutu.
- Tenir un compte précis des briques du mur d’en face
…ou de n’importe quoi d’autre, que tu rapporteras scrupuleusement dans ton traitement de texte tous les quarts d’heure environ. Cette technique te permet d’avoir l’air de réfléchir avant de noter tes conclusions avec application. Variante : lancer un eye contest avec les mouches et noter le score.
- Faire pipi, a.k.a. multiplier les aller-retours
Voici une bonne manière de faire un peu d’exercice. Après tout, travailler assis-e ce n’est pas très bon pour la santé, a dit Doctissimo, alors il est plus que salvateur de se lever de temps en temps. Pour cela, je recommande le traditionnel passage au pipi-room.
Mais si tu as d’autres choses à faire, n’hésite pas ! L’avantage du pipi, c’est que le thème permet d’initier, puis de perpétuer un cycle. Premier aller-retour : passage à la cuisine pour se faire un thé (très bon pour la concentration). Puis, comme le thé ça fait faire pipi, deuxième aller-retour : passage aux toilettes. Et ainsi de suite.
Après cinquante thés verts, tu vas être antioxydé-e comme jamais.
- Manger
Après l’effort, le réconfort. Mais je sens que tu attendais ce passage avec anxiété : tu aimes bien manger, mais comment le faire tout en ayant l’air occupé-e ?
Pour commencer, révise le passage précédent sur l’attitude à adopter, pour manger ton Kinder Bueno avec intensité. Mâche lentement, comme si tu étais à des kilomètres de ce que tu es en train de faire, ton esprit perdu dans tes préoccupations majeures.
Tu manges par pur besoin de te sustenter, d’apporter à ton corps et à ton cervelet l’énergie dont ils ont besoin pour continuer à tourner à plein tubes. Ce Kinder que tu mâches avec application pourrait bien être la clé de la solution. La solution à quoi ? On s’en fout.
Tu as aussi l’alternative « je suis trop overbooké-e pour prendre le temps de manger ». Elle consiste à manger très vite en tapotant sur ton clavier, pour laisser entendre que tu as déjà sauté trois repas tellement tu travailles, mais que là, nécessité oblige. Notez que la choucroute garnie avalée en cinq minutes, c’est moyen pour la digestion.
- Maîtriser le cmd + H / alt + tab
Considère ces deux raccourcis clavier comme une bénédiction. Grâce à eux, tu vas pouvoir glandouiller sur Internet tout en restant sur le qui-vive.
Un petit tour sur Facebook, mais quelqu’un s’approche ? COMMANDE H et hop, ton écran n’affiche plus qu’un document Word bien rempli (astuce). Envie de découvrir Penny Dreadful, mais ton boss arrive ? COMMANDE H. Tu es sur le point d’atteindre le chauve dans le 2048 de la rédac, quand soudain, on vous appelle ? COMMANDE HACHEUH.
Bref, tu as compris. Fonctionne sous Mac et PC avec alt + tab.
La technique de l’accident de travail (niveau expert)
Avec tout ça, si tu t’y prends bien, tu as déjà de quoi rater une bonne après-midi de travail. Mais si malgré tout, tu te retrouves à un moment ou un autre au pied du mur, il existe une autre technique… Efficace, mais un peu plus délicate.
Non, je te rassure : il y a écrit « accident de travail » dans le titre, mais en vrai je ne t’encourage pas à te blesser tout-e seul-e. Il s’agit de mettre en avant tes talents d’acteur ou d’actrice, pour simuler l’accident ou la maladie.
Mais ne va pas trop loin dans le scénario catastrophe, par contre, hein. Pour peu que ton jeu soit un minimum travaillé, tu peux très bien te contenter de simuler l’accident du pouce écrasé par un dictionnaire et en faire une agonie intense t’obligeant à aller t’allonger.
Personne ne regarde ? PAF, dans ton agitation intellectuelle, tu te cognes le petit orteil (pour de faux) ! Qui donc osera avancer que ce n’est rien, et que tu en fais trois caisses en te roulant par terre, quand tout le monde connaît la douleur aigüe du coup au petit orteil ? Il te faudra bien trois heures pour t’en remettre.
Pour varier un peu, si tu gères bien la simulation d’accident, tu devrais pouvoir jouer les grand-e-s malades sans peine. Pour t’inspirer, je te conseille d’aller jeter un oeil à cet excellent article intitulé De l’art d’être une malade chiante, qui marche aussi pour les garçons. L’exagération des techniques évoquées te permettra de mieux cacher le fait que tu pètes la forme.
Allez, tu as désormais toutes les cartes en main pour passer la journée la plus improductive de ta vie. Maintenant je te laisse, je dois aller ruminer les conséquences de cet article sur mon avenir professionnel et mes relations avec mes collègues.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Merci pour la découverte.
J'ai de quoi procrastiner ... *cough* m'occuper.